Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 12 janvier 2022
Sécurité

Sécurité globale : l'AMF rappelle au chef de l'État ses prises de position passées

L'AMF a répondu par voie de communiqué, hier, à l'interpellation du président de la République sur les maires et la sécurité. Elle estime que son implication et son engagement dans le domaine de la réflexion sur la sécurité ne font pas débat et s'étonne que le chef de l'État semble l'avoir oublié.

Par Franck Lemarc

C’est au cours d’un entretien informel avec des élus, des citoyens et des journalistes qu’Emmanuel Macron, en visite à Nice lundi, a évoqué l’AMF (lire Maire info d’hier). Il a notamment déclaré que s’il est besoin de « structurer »  le lien entre forces de l’ordre nationales et police municipale, « c’est à l’AMF de porter la chose », se demandant au passage « jusqu’où les maires sont prêts à aller »  en la matière et se disant curieux de la position de l’AMF sur le sujet. 

Le débat sur la sécurité globale

Une interpellation qui n’a pas été très appréciée par l’association présidée par David Lisnard, tant sur la forme que sur le fond. 

Sur la forme, parce l’AMF « n’a fait l’objet d’aucune sollicitation ni mandat de la part de l’Élysée », précise l’association dans un communiqué publié hier. Elle « s’étonne »  donc « de ce procédé consistant à l’interpeller directement sur des sujets portés depuis longtemps par elle et ayant fait l’objet de nombreuses propositions de sa part ». 

Et c’est sur ce dernier point que l’AMF est, sur le fond, la plus surprise : car les positions de l’AMF en la matière, que le chef de l’État fait mine d’ignorer, sont en réalité bien connues, depuis trois ans maintenant que le débat sur le « continuum de sécurité »  a été lancé – par Gérard Collomb à l’époque, alors ministre de l’Intérieur. C’est le 5 février 2018, très précisément, que l’ancien maire de Lyon avait confié aux députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot une mission sur « la redéfinition de la répartition des tâches entre forces nationales, polices municipales et secteur privé »  et sur « les dispositifs opérationnels associant polices nationales, polices municipales et acteurs de la sécurité privée et les échanges d’informations opérationnelles entre eux ». 

Six mois plus tard, le 11 septembre 2018, le rapport Fauvergue-Thourot était rendu par les deux députés, présentant plusieurs dizaines de propositions pour une « sécurité globale », allant du développement des polices intercommunales, la fin des CLSPD (Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance) présidés par les maires pour les remplacer par des structures « à l’échelle des bassins de vie », l’armement obligatoire des policiers municipaux « sauf décision motivée du maire », la création d’une école nationale des polices municipales dont les missions se substitueraient à celles du CNFPT, etc. 

Les positions de l’AMF sur ce rapport ont été connues dès le lendemain : elle avait alors expliqué pourquoi elle « ne (pouvait) souscrire »  au principe de sécurité globale tel qu’il était présenté dans le rapport. Elle disait s’opposer à une intercommunalisation forcée de la police municipale et à « tout transfert automatique »  en la matière et ne se montrait pas plus enthousiaste sur les propositions du rapport en matière d’armement des polices municipales. 

L’AMF a également eu largement l’occasion de faire entendre ses positions lorsque, 18 mois plus tard, le rapport Fauvergue-Thourot a donné naissance à une proposition de loi des mêmes députés, toutefois expurgé de ses propositions les plus contestées. Ce texte sur la « sécurité globale »  a été débattu tout au long de l’année 2020 – jusqu’à être adopté au printemps dernier après une longue navette parlementaire, au cours de laquelle l’AMF a émis de nombreuses propositions et défendu de non moins nombreux amendements. 

Le Beauvau de la sécurité

Plus récemment, rappelle le communiqué publié hier, l’AMF a été partie prenante du Beauvau de la sécurité lancé début 2021 par le Premier ministre (quatre maires appartenant aux instances de l’association ayant participé aux tables rondes), pour défendre l’idée que la police municipale, lorsque le maire décide d’en créer une – ce qui, faut-il le rappeler, relève de sa stricte liberté – « devait agir en en complémentarité des forces de police ou de gendarmerie et non en substitution, au besoin via une contractualisation choisie. » « Contractualisation choisie », en opposition à la contractualisation plus ou moins forcée que le Premier ministre a initiée, sans concertation, en octobre 2020, via les contrats de sécurité intégrée (lire Maire info du 12 octobre 2020). 

L’AMF rappelle également que ses élus avaient plaidé, « en vain », pour qu’une table ronde du Beauvau soit consacrée aux polices municipales, et qu’elle avait transmis au ministre de l’Intérieur « une contribution écrite définissant ses positions sur la police municipale et formulant des propositions ». Elle avait enfin, en concertation avec sept autres associations d’élus, rédigé une « contribution »  au Beauvau (lire Maire info du 10 septembre 2021) comprenant 18 propositions. L’association s’interroge aujourd’hui sur « la destination qui a pu être donnée à ces différentes contributions ». Maire info, le 15 septembre dernier, proposait d’ailleurs une réponse à cette question en écrivant que les propositions des associations des élus étaient passées « aux oubliettes »  – aucune d’entre elle n’ayant été reprise, ni même mentionnée, dans le discours de clôture du Beauvau par le chef de l’État. 

Il y a donc bien lieu de s’étonner que le président de la République ait pu laisser entendre avant-hier qu’il ignorait les propositions de l’AMF sur ces sujets. L’association, néanmoins, se dit toujours « ouverte »  et prête à « un débat constructif sur l’évolution de l’action complémentaire des forces régaliennes et des polices municipales ». 

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