Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 16 juin 2023
Fonction publique territoriale

Secrétaires de mairie : encore beaucoup d'avancées à obtenir sur les rémunérations 

L'AMF a salué, hier, l'adoption en première lecture au Sénat de la proposition de loi sur la revalorisation du métier de secrétaire de mairie, mais vivement regretté le manque de mesures sur « les enjeux de rémunération ». 

Par Franck Lemarc

Comment redonner de l’attractivité au métier de secrétaire de mairie ? La réponse à cette question est, en grande partie, financière. Comme l’écrit l’AMF dans un communiqué publié hier, « il est illusoire d’afficher une ambition de redonner de l’attractivité à ce métier en faisant l’impasse sur la question de la rémunération et la nécessité de grilles spécifiques à ce métier. »  Pourtant, le volet rémunération est le grand absent de la proposition de loi adoptée avant-hier au Sénat, notamment parce que la majorité et le gouvernement ont systématiquement bloqué les amendements allant dans le sens d’une revalorisation et d’un soutien aux communes qui la mettraient en œuvre. 

« Goût amer » 

Certes, l’AMF se réjouit de voir une bonne partie des 26 propositions qu’elle a émises en 2021 reprises dans la proposition de loi présentée par François Patriat – bien qu’elle note qu’il ait fallu « presque deux ans »  pour en arriver là. En matière de formation, de parcours professionnel, de conditions de travail, « le vote intervenu au Sénat permet de réelles avancées », note l’association (sur le texte adopté, lire Maire info d’hier). 

En revanche, « les propositions relatives aux enjeux de rémunération, tant en matière indiciaire qu’indemnitaire, n’ont pu aboutir (…) et manquent à l’appel ». 

Plusieurs sénateurs l’ont d’ailleurs vivement regretté lors de la discussion au Sénat, tout en acceptant de voter le texte – qui  a été adopté à l’unanimité – parce que celui-ci fait tout de même avancer les choses. 

Ainsi, le sénateur Cédric Vial (Savoie), qui a porté une bonne partie des amendements proposés par l’AMF, a dit sortir de ce débat « avec un petit goût amer », car « certaines mesures manquent à l’appel ». Céline Brulin (Seine-Maritime) a « regretté que le passage de la catégorie B vers la catégorie A n’ait pas été rendu possible », et estimé qu’il faudra continuer d’avancer, notamment « sur les mesures de compensation financière, parce que les communes ont déjà de lourdes charges ». Christian Bilhac (Hérault) a été plus tranchant : « Cette proposition de loi est un tout petit pas en avant. La catégorie B, c'est le Smic ! La promotion de catégorie C à B représente un gain de 10 à 15 euros. Dès lors, je m'interroge sur l'attractivité liée à la rémunération. » 

Explication : tous les amendements proposant des mesures en ce sens ont été refusés, sans même pouvoir être discutés, au titre de l’article 40 de la Constitution, qui interdit de déposer un amendement créant une charge supplémentaire pour les dépenses publiques. Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, s’est vu reprocher de ne pas avoir accepté, en amont de ce débat, de discuter tout de même de ces amendements. 

« L’article 40 est devenu un principe de précaution qui nous conduit à ne pas encourager les maires à faire des dépenses », a fustigé Françoise Gatel (Ille-et-Vilaine). « Les maires sont des inventeurs de possible, les secrétaires de mairie, des fabricants de possible. Sans elles, nous n'aurons plus de maires. Il faut les former et les accompagner. » 

Grilles et primes

Pour Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF, il y a aussi eu une « occasion manquée »  sur le volet financier du texte. Elle espère ce matin que « le travail va continuer », à l’Assemblée nationale pour commencer. Elle rappelle que l’AMF a notamment proposé qu’un statut d’emploi soit ouvert aux secrétaires de mairie, avec des grilles indiciaires propres, en l’espèce deux grilles C+/B et B+/A. Elle a également proposé que soit mises en place des primes de responsabilité, proposition reprise par la mission flash du Sénat dont les conclusions ont été rendues le 1er juin : la mission proposait de « créer une prime de responsabilité pour les emplois de secrétaire de mairie et de secrétaire général de mairie désignés par arrêté du maire, dont le montant sera fixé par le maire sur la base de critères objectifs clairement établis par voie réglementaire ». 

« Le cabinet du ministre était au courant de toutes ces propositions, reprend Murielle Fabre. C’est un peu dommage de se contenter de botter en touche à coups d’article 40 ». 

Fonds d’amorçage

La question va donc continuer à se poser pendant la suite du débat parlementaire : comment revaloriser les rémunérations des secrétaires de mairie, et comment aider les maires à le faire ? La mission flash du Sénat avait proposé, à ce sujet, la création par l’État d’un « fonds d’amorçage »  sur trois ans, dédié aux communes « ayant permis la promotion de leur secrétaire de mairie en catégorie C sur un poste de secrétaire général de mairie en catégorie B, ou ayant recruté un agent en catégorie B sur un poste de secrétaire général de mairie quand le dernier agent en poste sur les fonctions de secrétaire de mairie relevait de la catégorie C. » 

« Pourquoi pas ?, répond Murielle Fabre. Si l’AMF n’est pas forcément favorable à ce qu’existe une compensation pour chaque charge, il s’agit quand même ici d’une piste intéressante. Il faut mettre en place tous les leviers possibles ! » 

Mais la maire de Lampertheim insiste sur le fait que la vraie réponse serait que les communes aient les moyens de financer elles-mêmes leur politique « RH », ce qui supposerait de cesser de les priver de leurs ressources fiscales… et de revaloriser réellement la DGF. 

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