Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 6 mai 2025
Santé publique

Santé : la Défenseure des droits dénonce des discriminations graves dans les parcours de soins

La Défenseure des droits vient de publier un rapport inquiétant sur les discriminations constatées en France dans l'accès aux soins et dans la prise en charge des patients. Une stratégie nationale de prévention apparaît nécessaire pour prendre en compte certaines situations intolérables.

Par Lucile Bonnin

Des départements sous-dotés en ressources et équipements sanitaires, une pénurie de personnel soignant qui va croissant, des conditions de travail dégradées pour les professionnels de santé, une augmentation des actes de violences contre les médecins, une réduction du temps médical à consacrer aux patients… Dans son dernier rapport, la Défenseure des droits estime que tous ces « dysfonctionnements »  du système de santé actuel « érodent les conditions de réalisation d’une égalité réelle dans l’accès aux soins et sont susceptibles d’alimenter des pratiques discriminatoires ». 

La publication de ce rapport intitulé Prévenir les discriminations dans les parcours de soins : un enjeu d’égalité met en lumière « les actes susceptibles de constituer des discriminations afin de permettre aux acteurs de mieux les identifier et de proposer des leviers d’action à la hauteur de ces enjeux » . Cet état des lieux s’appuie sur plus de 1 500 témoignages de patients et de personnels soignants.

Inégalités de traitement

Avant même la prise en charge des personnes, l’entrée dans un parcours de soin est « une première étape semée d’embûches »  pour certaines personnes. Selon les témoignages rapportés au Défenseur des droits, les soins en urgence sont « un terreau favorable pour l’expression des discriminations et le renforcement des inégalités d’accès aux soins. »  Ainsi, il apparaît que les jeunes femmes d’origine étrangère subissent régulièrement « une sous-évaluation, par les services d’urgence, de la douleur et de la gravité des symptômes ». 

Plus généralement, les personnes « perçues comme non blanches »  sont moins bien prises en charge aux urgences. La Défenseure des droits fait le lien avec un préjugé raciste nommé le « syndrome méditerranéen »  et qui consisterait à dire que les personnes « d’origine nord-africaine ou noires exagèrent leurs symptômes ou douleurs ». 

Enfin, « plusieurs refus discriminatoires de prise en charge aux urgences, motivés par la particulière vulnérabilité économique et/ou l’état de santé du patient, ont également été rapportés au Défenseur des droits ». Ce sont d’ailleurs souvent ces personnes précaires qui se voient également refuser l’accès à un rendez-vous médical. Par exemple, un secrétariat médical a précisé à une patiente que « la prise de rendez-vous était conditionnée à "des critères", expliquant que les patients bénéficiaires de la complémentaire santé solidaires (CSS) n’étaient pas reçus et ce, "car [le docteur] ne veut pas avancer les frais" ». 

En dehors du flux tendu des urgences, d’autres abus ont été observés par la Défenseure des droits dans la prise en charge de certains patients. Pendant la prise en charge médicale, le droit au respect à la vie privée, à l’information et au consentement se retrouvent parfois bafoués notamment pour des jeunes femmes en consultation gynécologique ou des mineurs hospitalisé en service de psychiatrie. Le rapport relève également des cas de harcèlement discriminatoire caractérisé par des propos. Selon un témoignage, un médecin généraliste a sermonné une femme enceinte en tenant des propos racistes « sur la "folie" des personnes d’origine africaine de faire "autant d’enfants" ». Le Défenseur des droits a également été alerté, par le biais de ses saisines et des témoignages recueillis, d’actes de maltraitance commis sur des personnes dont l’état de santé est altéré, en perte d’autonomie, ou en situation de handicap. 

La Défenseure des droits précise que le phénomène mis en exergue dans le rapport est largement sous-estimé et que, selon certaines études et travaux, « l’ampleur de ces discriminations dépasse largement le nombre de plaintes et de réclamations reçues par le Défenseur des droits, les ordres professionnels et l’assurance maladie. » 

Des « collectivités locales volontaristes » 

Claire Hédon souligne l’existence « d’initiatives en faveur de l’égalité dans l’accès aux soins et dans la prise en charge des patients sont prises à travers le territoire, principalement à l’échelon local »  qui « sont souvent le fait de professionnels de santé, d’associations, d’établissements de santé ou même d’instances académiques ou de collectivités locales volontaristes. »  Par exemple, certaines collectivités ont mis en place des centres de soins gratuits et inconditionnels pour faciliter l’accès aux personnes en situation de vulnérabilité économique et/ou vivant en habitat précaire en maintenant des plages de consultation en soins de ville sans rendez-vous. Ce type d’initiative permet de répondre également à une autre recommandation émise par la Défenseure des droits qui est d’adapter « le système de santé aux besoins des patients »  en développant des dispositifs « d’aller vers ».

Cependant, « face à l’insuffisance des politiques publiques en la matière, la Défenseure des droits recommande, à titre principal, d’élaborer une stratégie nationale de prévention et de lutte contre les discriminations dans les soins, transversale à tous les critères avec notamment la création d’un Observatoire national des discriminations pour développer et valoriser la production scientifique sur les discriminations dans l’ensemble des domaines ».

Au-delà de la publication de ce rapport et de ses résultats inquiétants, la Défenseure des droits estime qu’il faut mesurer « les discriminations existantes »  et développer « la formation des professionnels de santé à la lutte contre les stéréotypes et la prévention des discriminations en matière d’accueil et de soins ».  

Consulter le rapport. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2