Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 3 mai 2023
Santé publique

Lutte contre le tabagisme : associer aussi les élus locaux

Le Comité national contre le tabagisme dévoile aujourd'hui son Livre blanc pour « parvenir à une génération sans tabac », dans le cadre de la préparation du PNLT (Programme national de lutte contre le tabac) 2023-2027. Il préconise des mesures drastiques pour parvenir, d'ici 2035, à une société où les jeunes ne fument plus. 

Par Franck Lemarc

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75 000 morts par an. Ce chiffre ahurissant est rappelé en préambule du Livre blanc du CNCT, qui rappelle que le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France. Sans compter les quelque 20 à 35 milliards d’euros que coûte la prise en charge des malades, et les dégâts sur l’environnement provoqués par les mégots. 

Depuis 2014, l’État a développé une série de stratégies pour tenter de réduire le tabagisme, avec d’abord le « programme national de réduction du tabagisme »  (2014-2019), puis le PNLT (Programme national de lutte contre le tabac), lancé en 2018. Ce programme se donnait déjà pour objectif qu’en 2032, « les enfants nés depuis 2014 deviennent la première génération d’adultes non fumeurs ». 

Le gouvernement prépare à présent la deuxième génération du PNLT (2023-2027). C’est dans ce cadre que le Comité national de lutte contre le tabagisme a élaboré son Livre blanc, qui donne de nombreuses pistes pour atteindre cet objectif

Implication des élus locaux

Le CNLT estime que le bilan dramatique du tabagisme impose de sortir des demi-mesures, et prône des décisions rigoureuses. D’abord en faisant mieux respecter les interdictions déjà existantes, comme l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs, en aggravant les sanctions contre les buralistes qui ne les respectent pas. Classiquement, le Comité prône également la poursuite de la hausse des prix, jugée dissuasive, en demandant que « l’évolution des prix du tabac (soit) systématiquement supérieure à l’inflation ». 

Pour « dénormaliser le tabac », le Comité propose la généralisation des lieux sans tabac, qui pourraient être « mis en place en priorité autour des écoles et des établissements scolaires, universitaires et de formation des mineurs, autour des lieux sportifs, ainsi qu’autour des zones fréquentées par des mineurs », ainsi que sur les plages, les parcs et les terrasses. 

Dans ce domaine, le CNLT préconise d’associer au maximum les élus locaux, « afin de faciliter la mise en œuvre et la bonne application de politiques territoriales de lutte contre le tabagisme, ou encore la mise en place de programmes expérimentaux ». Les collectivités locales devraient « être encouragées dans le déploiement d’actions locales de prévention du tabagisme », et le Comité propose que « tout contrat local de santé intègre obligatoirement un volet spécifique à la lutte contre le tabagisme ». 

Lutter (aussi) contre les mégots

Le Livre blanc renferme une proposition originale – et surprenante, parce que contre-intuitive : l’interdiction des filtres sur les cigarettes. Contrairement à ce que l’on peut croire, les filtres n’ont « aucune justification sanitaire », avance le CNLT, et, au contraire, « augmentent les risques » : ils favorisent « l’initiation tabagique des jeunes », poussent le fumeur à prendre des inhalations « plus profondes », contiennent des fibres « toxiques ». Le Comité demande donc l’interdiction des filtres « pour l’ensemble des produits du tabac ». D’autant plus que les « 4,5 milliards de mégots jetés dans la nature chaque année »  constituent « une source majeure de pollution environnementale ». 

On notera au passage, toujours sur la question des mégots, que le CNLT se livre à une charge en règle contre Alcome, l’éco-organisme qui gère la nouvelle filière REP des mégots. Cette structure, rappelle le Comité, « émane de l’industrie du tabac »  – ce qui n'a rien d'étonnant, puisque les éco-organismes sont toujours financés par les metteurs en marché. Mais cela le rend, juge le Comité, juge et partie : Alcome « s’oppose aux engagements internationaux de la France », affirme le CNLT (sans plus de précision), et « propose des mesures inefficaces, voire contre-productives, en faisant notamment porter la responsabilité de la pollution par les mégots sur le seul consommateur ». 

Le CNLT estime qu’Alcome, « en tant que structure émanant de l’industrie du tabac, n’aurait pas dû se voir attribuer ce marché ». « Si le financement d’un éco-organisme doit bien être prélevé sur une cotisation des industriels du tabac, le pilotage de cet organisme ne peut en aucun cas être confié aux représentants des industriels. » 

Plus généralement, le Livre blanc demande que l’industrie du tabac soit enfin « mise devant ses responsabilités », alors qu’elle n’assume aujourd’hui « qu’une infime partie des coûts majeurs qu’elle occasionne pour la collectivité ». Il apparaît « impératif »  au Comité que ces coûts soient « internalisés et non plus transférés à la collectivité et aux contribuables ». 

Retour sur investissement

Le Livre blanc ne propose pas que des mesures de restriction et à caractère punitif. Une ambitieuse politique d’aide au sevrage, de formation des professionnels, de recherche, est également présentée. 

Le Comité chiffre à 700 millions d’euros, sur cinq ans, le coût de ces mesures, y inclus les aides au secteur des bureaux de tabac qui devraient mécaniquement être amenés à se diversifier lourdement. Mais il rappelle que selon plusieurs études, le retour sur investissement des actions anti-tabac se situe entre « 28 et 48 », ce qui signifie que ces actions « rapportent »  à la collectivité entre 28 et 48 fois ce qu’elles ont coûté ! Il a même atteint 55 en Californie, puisque les 2,4 milliards de dollars engagés entre 1989 et 2008 pour lutter contre le tabagisme ont permis à l’État d’économiser 134 milliards de dollars ! 

Rapportés aux dizaines de milliards d’euros que coûte la prise en charge des malades du tabac, en France, les 700 millions d’euros à engager paraissent, en effet, raisonnable. 

Reste à voir ce que le gouvernement va retenir de ces propositions dans le futur Programme national de lutte contre le tabac, qui devrait être présenté dans les prochains mois. 
 

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