Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 28 mai 2020
Santé publique

« Ségur de la santé » : les maires déterminés à se faire entendre

Replacer les Agences régionales de santé à l'échelle départementale, sous contrôle du préfet, redonner du pouvoir aux maires à la tête des hôpitaux. Voilà deux premiers messages forts qui devraient figurer dans la contribution des maires de France au « Ségur de la santé ». Lancée lundi 25 mai par le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, cette consultation va durer un mois. Elle fait suite à l'annonce du président de la République fin mars d'un plan massif d'investissement et de revalorisation des carrières de l'hôpital. Elle arrive surtout à l'issue du pic de la crise du covid-19, lors de laquelle le système hospitalier n’est pas passé loin de l’asphyxie.
Devant les hôpitaux, les professionnels de santé et les syndicats ont repris leurs manifestations hebdomadaires, tous les mardis matin, et une manifestation nationale à l'appel de 12 organisations syndicales est annoncée pour le 16 juin, pour réclamer plus de moyens pour l'hôpital, un moratoire sur les restructurations hospitalières, la revalorisation des salaires, une révision de la gouvernance des établissements.  

Concertation d'un mois

Le champ de ce « Ségur »  (du nom de l'avenue où est situé le ministère de la Santé à Paris), a été élargi au-delà du seul hôpital. L'objectif fixé par le gouvernement est de « bâtir les fondations d’un système de santé encore plus moderne, plus résilient, plus innovant, plus souple et plus à l’écoute de ses professionnels, des usagers et des territoires, avec des solutions fortes et concrètes ». 
Pour la méthode, plus de 300 professionnels de santé, élus, syndicats, usagers, institutionnels ont été réunis lundi pour son lancement. Mardi, le Comité Ségur national a été installé – mais sans les professionnels des centres de santé. Un premier couac dont « s'étonnent »  la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) et l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS) dans un courrier envoyé hier au Premier ministre hier. 
Le pilotage du Comité Ségur national a été confié à Nicole Notat, l'ancienne secrétaire générale de la CFDT. Ses conclusions sont attendues pour la mi-juillet. Le gouvernement dit qu'il prendra également en compte les résultats de la concertation citoyenne lancée il y a quelques jours par le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Celle-ci se clôturera le 25 juin.

La contribution des maires

Les maires sont dans les starting-block. Représentés par François Baroin, le président de l’AMF, au lancement du Ségur, le relais a été repris mardi par Isabelle Maincion, maire de La Ville-aux-Clercs (41). Rapporteure de la commission santé de l'AMF, celle-ci a réuni avec Bernard Vauriac, maire de Saint-Jory-de-Chalais (24) et président de la commission, une quarantaine de maires et d'adjoints à la santé mercredi 27 mai par visioconférence. « S'il faut renverser la table, nous le ferons », a-t-elle prévenu, donnant ainsi le ton à la contribution que les maires comptent rapidement apporter. 
Bien que n'ayant pas de compétence obligatoire sur la santé, les maires sont en ligne directe sur les questions de l'offre et de l'accès aux soins, et la crise liée au covid-19 n'a fait que renforcer leur rôle, jusqu'à pallier certains manques de l’État. « Sans nous, des infirmières à domicile n'avaient pas de gel hydroalcoolique », explique un maire. La crise ravive la valeur de la « proximité ». « Sans nous, c'est l'hôpital local et le SSIAD qui en dépend qui étaient totalement oubliés du groupement hospitalier de territoire pour la fourniture de masques », évoque un autre. Le temps du « big is beautiful »  est révolu, espère une élue. 
Les maires défendent une offre de soins plus territorialisée, avec une organisation du système de santé à l’échelon départemental, en renforçant le niveau départemental des ARS. Les critiques sur les dysfonctionnements de ces dernières sont récurrentes. « Nous avons découvert que notre ARS ne fonctionnait qu'avec très peu d'agents et aucun chargé de la communication », cherche toutefois à temporiser un élu. L'illustration d'un système en équilibre précaire.

Défense des hôpitaux locaux

Autre thème cher aux maires : l'ancrage de l'hôpital sur son territoire. Ils entendent donc profiter de ce « Ségur de la santé »  pour obtenir ce qu'une précédente réforme ne leur a pas permis :  restaurer les conseils d'administration des hôpitaux et en prendre la présidence. Ils veulent également stopper les fermetures de services hospitaliers. Des points largement partagés avec d'autres associations d'élus comme celle des petites villes de France (APVF) qui dans un communiqué du 25 mai « (appelle) le gouvernement à mettre un coup d’arrêt aux fermetures des lits en milieu hospitalier dont le chiffre s’élève à plus de 100 000 en moins de 20 ans ».
Sur l'offre de santé en ville, d'autres sujets d'inquiétudes pointent, liés aux conditions de reprise d’activité de certains professionnels de santé – certains pourraient être amenés à fermer leur cabinet. Les maires s’inquiètent également de l'équilibre financier des centres de santé, ouverts justement par des collectivités pour empêcher l'avancée du désert médical.

Emmanuelle Stroesser

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