Le gouvernement veut agir « maintenant » pour endiguer la prolifération des armes blanches dans les établissements scolaires
Par Franck Lemarc
C’est sous les yeux des gendarmes, pendant un contrôle des sacs à l’entrée d’un collège de Nogent (Haute-Marne), qu’un adolescent de 14 ans a mortellement poignardé une assistante d’éducation de 31 ans. Ce drame illustre à quel point le renforcement de la présence policière aux abords des établissements ne suffit pas, à lui seul, à empêcher de tels faits – même si les gendarmes ont réussi à maîtriser rapidement le jeune homme.
Ce meurtre fait suite à plusieurs autres survenus ces derniers mois, comme l’a rappelé la députée Horizons Naïma Moutchou hier, à l’Assemblée nationale : « Hier c’étaient Élias, Laurène, Thomas, Sékou, Inès, Enzo, Matisse, tant d’autres encore, tous tués à l’arme blanche par des mineurs » . La députée connaît bien le sujet puisque, au lendemain de la mort d’une adolescente de 15 ans tuée au couteau dans un lycée de Nantes, elle s’est vu confier par le Premier ministre une mission avec l’objectif de « rendre sous quatre semaines des propositions concrètes en matière de prévention, de réglementation et de répression (…) pour endiguer le phénomène des violences commises par les mineurs avec des armes blanches ».
Mais le drame d’hier semble montrer avec une ironie amère la difficulté de répondre à la montée de la violence chez certains jeunes : c’est après une agression au couteau dans un établissement scolaire de l’Essonne que le gouvernement avait décidé de faire procéder à des fouilles de sacs par les forces de l’ordre devant les établissements… et c’est précisément pendant une telle opération que les faits se sont produits.
Les propositions du rapport Moutchou
Il y a une quinzaine de jours, Naïma Moutchou avait rendu son rapport, intitulé Mineurs- armes blanches, où elle constatait que « la violence juvénile est de plus en plus armée » et que les armes blanches sont utilisées dans près de 60 % des homicides commis par des mineurs. La rapporteure a fait plusieurs propositions pour tenter d’endiguer ce phénomène, à commencer par le fait de se pencher sur la vente de poignards via les réseaux sociaux – rappelons que la vente de couteaux type poignard aux mineurs est déjà interdite, mais que certains réseaux sociaux permettent de contourner cette interdiction.
La députée propose aussi la généralisation de la vidéoprotection aux abords des établissements scolaires, de manière obligatoire, ainsi qu’une expérimentation, dans certaines collectivités, de la vidéoprotection à l’intérieur des établissements, après autorisation du conseil d’administration.
À l’Assemblée nationale, hier, Naïma Moutchou a rappelé les autres mesures préconisées dans son rapport : « imposer le défèrement systématique » des mineurs surpris en possession d’une arme blanche, « prévoir des sanctions pénales bien plus rapides et des peines minimales ». Mais la députée ne veut pas s’en tenir à la répression : elle estime indispensable « d’investir dans la prévention, dans la santé mentale des jeunes, dans la médecine scolaire » , mais également de « s’attaquer aux conséquences délétères des réseaux sociaux en interdisant le téléphone portable à l’école ».
En réponse, le Premier ministre François Bayrou a assuré que le gouvernement est déterminé à agir « maintenant » , et il a annoncé à la députée Moutchou qu’il lui confiait une nouvelle mission « afin que (ses) préconisations soient matériellement et directement concrétisées ».
Portiques de sécurité
Le Premier ministre s’est également exprimé dans les médias sur ce sujet, hier, ainsi que le chef de l’État.
Emmanuel Macron, sur France 2, a affirmé que désormais « un jeune de quinze ans ne pourra plus acheter un couteau sur internet » , ce qui ne peut passer que par l’interdiction de la vente de ces armes : « On va durcir les règles, (…) mettre des sanctions massives, financières, des interdictions. On ne pourra plus vendre ces armes blanches. » Le chef de l’État a également dit avec détermination souhaiter l’interdiction de l’accès des enfants de moins de quinze ans aux réseaux sociaux. « On ne peut pas attendre » , a-t-il martelé. Il donne « quelques mois » à l’Union européenne pour agir sur ce terrain, faute de quoi, « on commence(ra) à le faire en France ».
De son côté, le Premier ministre, sur TF1, a affirmé que le gouvernement va faire interdire « tout de suite » la vente aux mineurs de « tout couteau qui peut constituer une arme », sans préciser comment, en dehors de la proposition de ne remettre un colis contenant une arme blanche qu’à un majeur – ce qui paraît pour l’instant assez vague.
Le chef du gouvernement a également évoqué la question – très sensible – des portiques de sécurité à l’entrée des établissements scolaires. Ceux-ci vont être « expérimentés » à l’entrée de certains établissements, a simplement déclaré François Bayrou.
Cela fait plusieurs dizaines d’années que la question des portiques de sécurité à l’entrée des établissements est évoquée par certains politiques, souvent au lendemain de faits de violence. Mais beaucoup d’acteurs de la communauté éducative doutent de l’efficacité de cette solution, craignant même un effet contre-productif en favorisant les « embouteillages » à l’entrée des collèges et lycée, ce qui pose un problème certain eu égard au risque terroriste. Le coût considérable de ces dispositifs est également pointé : un portique détecteur de métaux coûte entre 2 000 et 6 000 euros, et il y a environ 11 000 collèges et lycées en France. À supposer que chaque établissement se dote d’un seul portique – ce qui semble évidemment insuffisant pour les grands établissements –, la facture tournerait autour de 55 millions d’euros.
Mais la question principale est surtout celle du personnel : si un établissement est équipé d’un portique et que celui-ci détecte un objet suspect, que faire ? Qui va fouiller le sac – les personnels de l’Éducation nationale n’en ont pas le droit, et ne souhaitent pas l’avoir si l’on en croit leurs organisations syndicales. Rappelons qu’une proposition de loi sénatoriale est actuellement en cours de navette parlementaire, prévoyant précisément de permettre aux chefs d’établissements et aux CPE de fouiller les effets personnels d’un élève – et que cette proposition de loi a rencontré l’hostilité des syndicats intéressés.
Vidéoprotection
Des questions complexes vont également se poser à propos de la proposition de Naïma Moutchou de rendre obligatoire la vidéoprotection aux abords des établissements. Rappelons qu’à ce jour, le choix d’installer ou non un système de vidéoprotection dans une commune relève de la seule compétence de celle-ci. Même si de plus en plus de communes s’en équipent, un certain nombre de maires y sont farouchement opposés, et mettent davantage en avant la nécessité de mener un travail collectif entre les acteurs de la communauté éducative et d’utiliser les outils de prévention de délinquance qui existent déjà.
S’il s’agit d’imposer, par la loi, l’installation de caméras de vidéoprotection sur la voirie dans toutes les communes qui abritent au moins un établissement scolaire (soit plus de 21 000), cela représenterait indéniablement un sérieux accroc au principe de libre administration. Sans compter qu'il s'agirait d'une nouvelle – et importante – dépense budgétaire contrainte, au moment où il est demandé aux collectivités de moins dépenser.
Il reste à savoir ce que la nouvelle mission confiée à Naïma Moutchou va proposer en la matière, et quelles suites le gouvernement donnera à ces propositions. Le débat est loin d’être clos.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2

Et revoilà la consigne des bouteilles plastiques... ?
Ruralité : les élus expriment leurs nombreuses attentes
Le montant des primes d'assurance des communes a augmenté de plus de 40 % en quatre ans
La Cour des comptes critique le recours croissant des collectivités aux cabinets de conseil
