Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 15 novembre 2021
Ruralité

Ruralité : un rapport parlementaire prône la départementalisation de l'action publique et le renforcement de la différenciation

Un État qui reconnaît et encourage activement la différenciation des politiques publiques : c'est la vision portée par le député de la Dordogne, Jean-Pierre Cubertafon, missionné en février par le Premier ministre pour étudier la mise en oeuvre concrète des récentes avancées législatives en ce sens.

Par Emmanuel Guillemain d'Echon

Comme le constate Jean-Pierre Cubertafon, les mécanismes de différenciation normative existants « sont en pratique assez peu utilisés par les collectivités territoriales »  - témoin le rapport publié en juin par l’Inspection générale de l’administration, ou la mission Cazeneuve-Viala qui avait chiffré en 2019 à 269 le nombre d’expérimentations menées par les collectivités.

Le rapport se présente donc en deux parties : tandis que la deuxième comporte une série de mesures variées – 70 en tout - « visant à renforcer l’efficacité des politiques publiques en ruralité », la première s’attache à examiner les moyens de renforcer et pérenniser les possibilités existantes de différenciation – y compris les dernières en date, introduites par la loi relative à la simplification des expérimentations. Rappelons que celle-ci permet de pérenniser les mesures expérimentales dans certaines collectivités seulement, qu’elles aient mené l’expérimentation ou non, alors que jusqu’ici, ces dernières ne pouvaient connaître que deux issues : généralisation dans toute la France, ou abandon (lire Maire info du 20 avril 2021).

Jean-Pierre Cubertafon propose de compléter le projet de loi 3DS, toujours en attente d’examen à l’Assemblée nationale (lire Maire info du 3 septembre), par la mention explicite de l’appréciation du « caractère urbain ou rural »  d’une collectivité dans l’autorisation d’une différenciation, le seul critère de « différences de situation »  constituant selon lui un « risque de voir interpréter le terme (…) sous son prisme traditionnel, démographique, alors qu’une commune périurbaine de 400 habitants n’a pas les mêmes problématiques qu’une commune hyper-rurale comprenant le même nombre d’habitants ».

S’il est possible d’avancer sans modification de la Constitution, le député estime que seule celle-ci permettra un « saut qualitatif »  dans la mise en œuvre effective de politiques différenciées, notamment via l’inscription de la notion d’ « espace »  ou de « territoires », portée entre autres par l’Agenda rural, là encore pour briser la toute-puissance du critère démographique. Autre solution : « Il pourrait être inséré a l’article 72 de la Constitution une mention similaire a celle qui figure a l’article 73 pour les départements et régions d’outre-mer, en précisant que ‘’dans les collectivites rurales, la loi ou le règlement peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités’’ ».

Le rapport propose encore, afin d’éviter les inégalités provoquées par des nouvelles lois ignorant les différences inhérentes aux territoires qu’elles concernent sans discernement, d’intégrer un « volet ruralité »  dans les etudes d’impact de tout projet de texte legislatif et reglementaire.

Un renforcement de l’État déconcentré

Le député préconise ensuite, de façon indirecte, un retour en force de l’État déconcentré dans les territoires, par le biais d’une départementalisation de toute une série de politiques publiques, à l’image de la gestion des enveloppes de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) - comme c’est déjà le cas pour la DETR -, mais aussi avec la création de directions departementales de l’ANCT dans les départements ruraux. Elles seraient constituées « d’un à deux chargés de mission », ce qui, reconnaît le député, ne sera pas « exempt de coûts et nécessiterait le recrutement de personnels compétents pour que ces agences locales soient bénéfiques ». Dans le même esprit, un « référent expérimentations »  dans les préfectures de département serait en lien direct avec les élus ; le préfet, de son côté, verrait son pouvoir de dérogation « en raison de circonstances locales »  renforcé.

La DGCL deviendrait la tête de pont de cette nouvelle culture administrative encourageant, mais aussi recensant les différentes expérimentations mises en places dans les territoires ruraux. Le rapport préconise enfin de mettre en place des « plateformes départementales »  pour permettre aux plus petites collectivités un accès aux appels à projet qui constituent, depuis les années 2000, l’alpha et l’oméga des politiques nationales d’aménagement du territoire.

Désertification médicale, urbanisme, culture : un « agenda rural »  bis

Dans sa deuxième partie, le rapport, sur le modèle de l’agenda rural, présente une série de mesures à prendre immédiatement sur des sujets aussi variés que la santé, l’urbanisme et le logement, la revitalisation économique, le développement d’infrastructures, l’éducation et la culture.

En ce qui concerne la lutte contre la désertification médicale, Jean-Pierre Cubertafon suggère par exemple de « renforcer l’obligation de stage en milieu rural dans les différentes branches de la médecine »  ou bien de créer « une quatrième année d’internat de médecine générale avec obligation de stage en zone rurale », ou encore, mesure plus nouvelle, de « développer la médecine foraine », actuellement interdite par le code de Santé publique. Celle-ci consiste à passer un contrat entre des professionnels de santé des zones urbaines et des EPCI ruraux, qui assureraient leur passage « au minimum une fois par semaine »  dans les territoires concernés.

Pour faciliter l’accueil de nouvelles populations, le rapport préconise également d’assouplir le droit de l’urbanisme, et de renforcer les pouvoirs des maires et présidents d’EPCI en matière de commerce et notamment de contrôle de l’extension des grandes surfaces.

Enfin, le député de la Dordogne propose une série de mesures pour favoriser la création culturelle dans les territoires ruraux, comme « l’expérimentation Art en ruralité, visant à installer des résidences d’artistes éphémères », ou bien la création du « fonds de développement de la vie associative »  (FVDAR), branche du FVDA destinée aux associations des territoires ruraux. Là encore, selon Jean-Pierre Cubertafon, il s’agit de démontrer « toute la pertinence du développement d’outils singularisés »  pour ces espaces. Reste à voir à quel point le gouvernement actuel, et celui qui sortira des élections de 2022, sera à l’écoute de ces aspirations.

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