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Édition du mardi 28 juin 2022
Restauration collective

Agores recommande le principe de précaution sur le soja à la cantine

Les gestionnaires de cantines scolaires devraient « limiter » le recours aux produits à base de soja, particulièrement les desserts et les jus, dans l'attente d'une estimation précise des risques sanitaires que pose leur forte teneur en isoflavones (« phyto-oestrogènes »), ainsi que d'une information plus rigoureuse de la part des producteurs et fournisseurs.

Par Emmanuel Guillemain d'Echon

Le soja est une alternative intéressante aux protéines animales, mais qui pourrait également faire courir des risques pour la santé, et c’est pourquoi l’association de gestionnaires de restauration collective, l’Agores, recommande de « limiter »  son emploi dans les cantines scolaires, notamment en ce qui concerne les desserts et boissons, dans un rapport établi avec deux associations de diététiciens, le Club européen des diététiciens de l’enfance (CEDE) et le Club expert nutrition et alimentation (CENA).

Alors que l’obligation de proposer un menu végétarien par semaine dans les cantines, expérimentée dans le cadre de la loi Egalim, a été pérennisée par la loi Climat et résilience (qui a également mis en place l’expérimentation d’une option végétarienne quotidienne dans les collectivités volontaires), la question de la diversification des protéines arrive au premier plan des préoccupations des gestionnaires de restauration collective. Les légumineuses, et notamment le soja, base de l’alimentation dans plusieurs pays asiatiques, semblent un bon choix.

Mais ce dernier soulève également un certain nombre d’inquiétudes sur le plan sanitaire, car il est « connu pour sa teneur en isoflavones (genisteine, daidzeine et glyceteine), appelées phyto-œstrogènes ou œstrogènes végétaux, car leurs structures moléculaires sont comparables aux hormones oestrogeniques feminines », rappelle le rapport.

Comme le rappelle la professeure Catherine Bennetau-Pelissero, spécialiste des perturbateurs endocriniens à l’université de Bordeaux, le soja est une légumineuse de « grande richesse alimentaire »  mais qui contient également plusieurs « facteurs anti-nutritionnels » . Ceux-ci sont éliminés, dans l’alimentation traditionnelle asiatique, par des cuissons longues dans l’eau et de la fermentation ; en revanche, l’industrialisation et « l’ultra-transformation »  du soja a conduit à une « augmentation très importante des phyto-œstrogènes »  dans l’alimentation humaine et animale, ce qui fait que « les phyto-œstrogènes du soja constituent de loin la part la plus importante des perturbateurs endocriniens auxquels les Français sont exposés » .

Principe de précaution

Les effets des phyto-œstrogenes sur la santé font toujours l’objet de travaux et par principe de précaution, l’Anses (Agence nationale de securite sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) déconseille la consommation de soja aux femmes enceintes et allaitantes, aux enfants de moins de trois ans, et de respecter un seuil maximal d’1 mg d’isoflavones/kg de poids – soit des seuils de 15 à 20 mg en maternelle et 22 à 32 en élémentaire.

Mais ce rapport date de 2005 ; de nouveaux travaux sont en cours, qui devraient aboutir, d’ici à quelques mois, à une révision à la baisse de ce seuil.

Problème : selon le rapport Agores/CEDE/CENA, qui s’appuie sur l’analyse de cent fiches techniques de produits à base de soja disponibles en restauration collective, les fournisseurs n’indiquent pas leur teneur en isoflavones. « Certes, cette mention n’est pas obligatoire, bien que recommandée par l’Anses dès 2005 » , rappelle le document.

L’imprécision règne aussi sur la présence même du soja dans les produits, car s’il est employé dans des produits ouvertement affichés comme végétariens (boulettes, nuggets, panés, steaks, hachés végétariens, mais aussi desserts, crèmes et yaourts végétaux), il est utilisé aussi dans « bon nombre de références de plats cuisines carnés et de desserts patissiers »  sans que la teneur en pourcentage soit précisée dans les ingrédients.

Idem pour la provenance : selon l’étude, 47 % du soja est bio, donc forcément français ; 19 % provient d’autres pays, et 34 % ne contiennent pas de mention d’origine.

Dans l’attente des nouvelles recommandations de l’Anses, le Groupe Nutrition du Conseil national de la restauration collective (CNRC) a proposé de ne pas servir plus d’un menu végétarien à base de soja sur quatre semaines, et pas plus d’une composante à base de soja dans un même repas.

Agores, le CEDE et le CENA vont plus loin en recommandant d’éviter les desserts et boissons du type jus de soja, « qui a eux seuls font dépasser la dose journalière limite »  et de choisir des produits à base de soja bio, « toujours produit en France » , qui contiennent « globalement moins d’additifs » . Car c’est un autre problème des produits à base de soja, souvent « ultra-transformés »  : le rapport compte 35 additifs présents dans les produits étudiés, essentiellement des agents de texture (pour améliorer la mâche) et des colorants, dont 4 sont classés « non recommandables »  par l’UFC Que Choisir : phosphate de calcium, disphosphate, amidons modifiés, dioxyde de silicium.

Mais au-delà, les auteurs du rapport suggèrent aux gestionnaires de cantines d’être acteurs de cette évolution des repas en demandant « systématiquement »  aux fournisseurs les teneurs en isoflavones des références contenant du soja, comme ingrédient principal ou secondaire, mais aussi en repérant ceux qui « ont su développer des process qui permettent de limiter la teneur en isoflavone » , car, le rappelle le rapport, « les protéines de soja ont un réel intérêt nutritionnel » . Or « ces produits sont déjà disponibles sur le marché de la restauration collective à des coûts identiques »  et les acheteurs peuvent donc aussi « faire pression »  sur les fournisseurs pour qu’ils adoptent ces modes de fabrication.

Accéder à la synthèse du rapport. 

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