Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 16 avril 2020
Coronavirus

Relance économique : les élus locaux s'invitent dans le débat

L’Etat doit préserver les finances locales car les collectivités seront des actrices essentielles de la relance économique. Tel est en substance le message que les associations d’élus font d’ores et déjà passer au gouvernement, au lendemain de l’annonce par le chef de l’Etat d’un déconfinement progressif à partir du 11 mai. Au-delà de leur nécessaire association au plan de sortie du confinement, qui provoquera des difficultés logistiques et opérationnelles – et un coût – non négligeables pour les collectivités, comme l’AMF l’a souligné dans un communiqué diffusé le 15 avril (lire Maire info du 15 avril), les élus anticipent déjà sur la relance de l’activité économique. Et s’invitent dans le débat en posant un préalable alors que la crise ampute leurs recettes tarifaires et fiscales (lire Maire info du 9 avril) : « Si l’on veut une France résiliente et une machine économique qui reparte, il est capital de s’appuyer sur les territoires, estime Christophe Bouillon, président de l’APVF. Pour l’Etat, le vrai investissement dans l’avenir est de soutenir les collectivités. S’il baisse ses dotations aux collectivités, s’il leur demande de nouveaux efforts financiers, il coupera les moteurs de la croissance : les collectivités n’investiront pas, les entreprises auront des carnets de commandes vides et les services publics locaux seront menacés », estime le député de la Seine-Maritime. 

Demande de garanties
A l’instar de bien d’autres élus, le président de l’APVF a fort peu apprécié les propos du ministre chargé des Collectivités territoriales appelant, fin mars, les collectivités à se préparer à faire « des efforts financiers »  après la crise. « On marche sur la tête ! Les 500 000 élus locaux ont un rôle crucial dans le soutien des habitants durant cette crise dont ils sont les amortisseurs sociaux, ils dépensent pour soutenir les personnes vulnérables et les entreprises. Et, en retour, l’Etat le leur ferait payer ? », fulmine Christophe Bouillon. Depuis, Sébastien Lecornu a corrigé le tir : devant le Sénat, le 9 avril, il a indiqué à propos des collectivités que « ce n’est pas l’État qui va leur demander des efforts supplémentaires. La puissance publique les soutiendra coûte que coûte pour faire face ». Il a précisé que l’Etat s’est assuré « que la dotation globale de fonctionnement (DGF) soit versée à temps »  et s’est engagé à ce que « l’État garantisse en 2020 le versement des recettes de fiscalité locale aux collectivités territoriales, sur la base des taux votés par les élus locaux ». 
Dans un courrier adressé le 15 avril au Premier ministre (lire Maire info du 15 avril), la totalité des associations d’élus du bloc communal ainsi que l’Assemblée des départements de France (ADF) préfèrent cependant s’en assurer, en demandant à l’État des garanties sur leurs ressources. « Non seulement il est de droit que l’Etat verse aux collectivités ce qu’il leur doit mais je verrai mal l’Etat ne pas soutenir l’effort des collectivités au redressement du pays alors qu’il mobilise plus de 100 milliards d’euros pour les entreprises, estime André Laignel. L’Etat doit créer un fonds de soutien en fonctionnement aux collectivités », affirme le premier vice-président délégué de l’AMF qui demande aussi au gouvernement de « suspendre la réforme de la fiscalité locale qui s’appliquera en 2021, annus horribilis pour les collectivités qui subiront de plein fouet l’impact fiscal de la crise. Il faut donc différer cette réforme qui prévoit la suppression de la taxe d’habitation et établir en priorité un inventaire de l’état des finances de l’Etat et des collectivités avant d’agir », juge le président du Comité des finances locales (CFL), alors que le gouvernement a écarté un report de la suppression de la TH par la voix d’Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, dans une interview à la Gazette des communes, le 10 avril. Jean-René Lecerf, président du Conseil départemental du Nord et de la commission des finances de l’ADF, partage pour autant la position d’André Laignel : « Il faut rebattre les cartes de la réforme fiscale qui transfère l’an prochain une part de TVA aux départements dont on voit bien la volatilité en cas de crise… L’Etat doit aussi garantir nos ressources car nous sommes en charge des solidarités humaines et territoriales. Notre rôle est prépondérant dans l’amortissement de cette crise, encore faut-il que nous en ayons les moyens ». 

Donner aux collectivtés les moyens d'investir
L’enjeu est crucial : « Le gouvernement n’a aucun intérêt à ce que les collectivités soient à genoux financièrement alors qu’il faudra relancer le moteur économique et donc investir », analyse Charles-Eric Lemaignen, premier vice-président de l’AdCF et président de sa commission finances et fiscalité. « La reprise de l’activité économique dépendra de la commande publique qui repose à 70 % sur les collectivités et notamment le bloc local. Encore faudra-t-il que les élus aient les moyens d’investir », confirme Philippe Laurent, maire de Sceaux (92) et secrétaire général de l’AMF. Et ce, dans un contexte où ces derniers souhaitent coproduire un plan de relance économique avec l’Etat, en posant toutefois quelques conditions. « Le gouvernement doit étoffer le volet économique de l’agenda rural, présenter au plus vite le plan ‘’petites villes’’ et muscler le programme ‘’Action Cœur de ville’’ pour soutenir commerçants et artisans », estime Christophe Bouillon. Le président de l’APVF préconise aussi « une remise à plat des futurs contrats de plan Etat-Région qui ont un impact non négligeable pour les communes et EPCI compte tenu des cofinancements de projets ». Dans un courrier adressé le 7 avril au Premier ministre, l'APVF lui demande également de veiller aux modalités de répartition du fonds de solidarité « qui devra être impérativement réparti en fonction de la diversité des situations du tissu économique local et de la fragilité des territoires »  et en concertation avec les élus locaux. Pour le président délégué de l’AdCF, « il faut d’abord faire un état des lieux de la crise économique, examiner secteur par secteur ses conséquences, pour éviter les mesures indistinctes qui pourraient manquer leur cible. L’Etat pourrait ensuite organiser des assises nationales de l’investissement qui lui permettraient de définir les priorités d’action, à charge pour les collectivités, quel que soit leur niveau, d’y apporter des réponses territorialisées en fonction de leur tissu économique et en concertation avec les branches professionnelles ». L’AdCF devrait adresser prochainement des mesures en ce sens au gouvernement. André Laignel insiste sur l’urgence d’agir : « Pour sortir de la crise de 2008, l’Etat avait misé sur un plan de relance de l’investissement des collectivités qui avait eu un impact significatif. Il faut faire de même ! Le gouvernement doit augmenter les enveloppes dédiées à la DETR et à la DSIL, octroyer des crédits supplémentaires aux ‘’Territoires d’industrie’’, muscler le programme ‘’Action Cœur de ville’’. Ces dispositifs existent, les collectivités sont prêtes à appuyer sur le bouton, il faut aller vite ! Et faire confiance à la décentralisation ». 

Xavier Brivet

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