Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 4 février 2020
Régions

Apprentissage : le torchon brûle entre Muriel Pénicaud et les régions

Duel à distance entre la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et l’association Régions de France. La première dévoilera, ce mardi, les chiffres de l’apprentissage qui, se félicite-t-elle dans Le Parisien-Aujourd’hui en France, « bat des records »  en 2019. La seconde a signé, en réaction à cette interview, un communiqué et une tribune dans Le FigaroVox pour déplorer la réforme de 2018 – dont l’une des conséquences pour les régions est la perte de la compétence apprentissage au 1er janvier 2020 – et dénoncer les « mensonges »  de la ministre du Travail qui « s’approprie encore une fois des résultats obtenus grâce à l’action des régions ». Récemment élu président de Régions de France, Renaud Muselier craint que les déclarations de la ministre « plombent la confiance entre les régions et le gouvernement ».

« Une croissance à deux chiffres » 
Une série de phrases prononcées par la ministre a mis le feu aux poudres. « Nous allons battre des records [en 2019]. Tous les réseaux concernés voient leur nombre d'apprentis exploser. Chez les Compagnons du devoir, c'est + 37 %, dans les Maisons familiales rurales + 15 %. Cela devrait nous conduire à une croissance à deux chiffres sur un an », se réjouit-elle. Du côté des régions, l’expression a du mal à passer. « La croissance à deux chiffres dont se prévaut à longueur d’interviews [Muriel] Pénicaud, ce sont les régions qui en sont à l’origine ! », lui répond l’association d’élus dans un communiqué au vitriol publié ce matin. « Rappelons les chiffres que la ministre ne mentionne jamais : depuis 2015, le nombre d’apprentis a progressé de 10 %. Les régions ont financé l’apprentissage à hauteur de 9 milliards d’euros sur les cinq dernières années, dont près d’un milliard [d’euros] d’investissements. En cinq ans, les Régions ont aidé les apprentis à hauteur de 350 millions d’euros : transport, hébergement, restauration, aides sociales, promotion de l’apprentissage… » 

Bataille de chiffres (suite)
La bataille de chiffres se poursuit : les deux parties s’affrontent sur l’évolution – depuis l’entrée en vigueur de la réforme de l’apprentissage en septembre 2018 – du nombre de formations de niveau CAP et Bac pro. « Depuis plusieurs années, l'apprentissage n'augmentait que dans le supérieur. Grâce à la réforme, les CAP et les Bac pro repartent fortement à la hausse », affirme Muriel Pénicaud. Pour Régions de France, la ministre « ment ». « Au contraire, la réforme héritée de la loi de 2018 ''pour la liberté de choisir son avenir professionnel'' favorise plutôt l’apprentissage dans l’enseignement supérieur dont le financement devient plus attractif que celui des formations infra-bac ». Qu'ils soient en CAP, bac pro, BTS ou master, on dénombrait, en juin 2019, 458 000 jeunes en alternance. Un chiffre en hausse de 8,4 % par rapport à 2018.
Les régions ne sont pas plus rassurées – et ce n’est pas nouveau (lire Maire info du 2 octobre 2019) – sur l’avenir des CFA en zones rurales. « Les ''554 intentions de création d’un CFA'' dont se prévaut [Muriel] Pénicaud se heurteront à la réalité du terrain, avec des fermetures ou des restructurations de très nombreux CFA, en particulier les CFA interprofessionnels, ceux en zones rurales ou ceux qui forment aux métiers rares ».

La réforme est-elle financée ?
Le dernier point d’achoppement entre la ministre et les régions n’est pas le moins important. À la question « la réforme est-elle financée ? », leurs réponses sont diamétralement opposées. Muriel Pénicaud n’a pas de crainte à ce sujet. « À chaque fois qu'un jeune et une entreprise signent un contrat d'apprentissage, son financement est garanti. L'apprentissage, ce sont 3 milliards d'euros de budget annuel. Nous avons allégé et simplifié le système, facilité la création de CFA et le recrutement des formateurs, et donc ça décolle comme jamais », assure-t-elle. Les régions en sont beaucoup moins certaines. « France Compétences, agence nationale de régulation de la formation [État, patronat, régions et partenaires sociaux], qui versera demain, via les opérateurs de compétences (OPCO), les subventions aux CFA, est en déficit prévisionnel de 3,6 milliards d’euros à fin 2020 (…) De nombreuses incertitudes subsistent pour les aides aux apprentis à partir de la prochaine année scolaire en septembre 2020. Le développement de l’apprentissage dans le secteur public n’est pas financé ».

« Logiques quantitatives » 
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme, les CFA sont désormais financés au contrat en lieu et place de subventions versées par les régions. « Avec la rémunération des CFA au contrat, les moyens de financement, issus des cotisations des entreprises, sont répartis à présent uniquement en fonction de logiques quantitatives », reproche encore l’association au gouvernement.
Un gouvernement qui « a conduit de façon unilatérale une réforme marquée par la centralité, dans laquelle le pilotage se fait depuis Paris, et qui ignore les besoins des territoires au profit des intérêts des branches professionnelles les plus puissantes (...) Plus que jamais, notre système de formation a besoin d’être décloisonné et piloté à l’échelle régionale », estiment, dans la tribune publiée sur le site Le FigaroVox, les présidents de toutes les régions métropolitaines, à l'exception de la Bretagne. Également signataire, le président du Conseil régional de La Réunion.

Ludovic Galtier

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