Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 26 septembre 2022
Transports

Régionalisation du versement mobilité : pour Intercommunalités de France, c'est non 

Lors du 18e congrès de Régions de France, qui s'est tenu à Vichy les 15 et 16 septembre, la question du financement des transports a été une nouvelle fois posée – les responsables de l'association remettant sur la table la question de la régionalisation du versement mobilité. Intercommunalités de France s'y est fermement opposé. 

Par Franck Lemarc

L’explosion du coût de l’électricité touche de plein fouet le transport ferroviaire, et donc les régions. Alors que la SNCF prévoit un surcoût qui pourrait friser les 2 milliards d’euros l’année prochaine, les régions sont particulièrement inquiètes des conséquences de ce surcoût sur le transport régional et de la part qu’elles seront appelées à compenser auprès de l’opérateur national. 

« Financement partagé » 

La question a naturellement été évoquée lors du congrès de Régions de France avec, en filigrane, des interrogations sur le versement mobilité, perçu par les autorités organisatrices locales de la mobilité c’est-à-dire, les communes et les intercommunalités. 

Lors du congrès, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a carrément qualifié le dispositif « d’inique ».

Rappelons que le versement mobilité ou VM, dont les derniers ajustements ont été prévus par la LOM (loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019) est institué par délibération des conseils municipaux ou communautaires, et que son produit leur revient. Il est payé par toutes les entreprises de plus de 10 salariés. 

Régions de France, jusqu’à présent, ne faisait pas de la régionalisation du VM un cheval de bataille. Dans son Livre blanc, publié en amont de l’élection présidentielle, l’association ne mentionnait pas noir sur blanc cette mesure. Mais elle évoquait déjà sa volonté de créer des « agences de la mobilité regroupant les autorités organisatrices et les gestionnaires d’infrastructures en milieu urbain et périurbain », agences qui permettraient « de financer, coordonner et organiser de façon intégrée l’ensemble des problématiques de mobilité et d’en rationaliser les instances de concertation ». 

Dans son discours de clôture du congrès, Carole Delga, présidente de Régions de France, est allée un peu plus loin, demandant « un financement partagé ». Aujourd’hui, a souligné la présidente de la région Occitanie, « le versement mobilité de nos entreprises ne bénéficie au maximum qu’à deux tiers de leurs salariés ». C’est donc, pour elle, « une question de justice fiscale »  – déclaration qui a déclenché les applaudissements de la salle. 

L’échelle du bloc local « seule pertinente » 

Sébastien Martin, président de l’association Intercommunalités de France (ex-ADCF) a visiblement été surpris de l’irruption de cette question dans la communication de Régions de France. Dans un courrier adressé à Carole Delga le 19 septembre, il dit « regretter »  que ce sujet n’ait pas été abordé lors de « la dernière rencontre »  entre les deux associations. 

Sébastien Martin répond clairement sur cette question : le versement mobilité a été créé « pour financer le transport des habitants de leur lieu de résidence vers leur lieu de travail, à l’échelle d’un bassin d’emploi ». En conséquence, « l’échelle du bloc local est la seule pertinente »  pour la perception de cette taxe, fruit « d’arbitrages précis et concertés avec les entreprises ». 

Intercommunalités de France « s’oppose »  donc « à toute remise en cause de la perception du VM par les intercommunalités ». D’autant, souligne Sébastien Martin, qu’une « généralisation du VM », selon les calculs de l’Urssaf, ne rapporterait pas plus de « 180 millions d’euros »  au maximum, ce qui est très loin des  « besoins de financement »  exprimés par les régions pendant leur congrès, et qui se chiffrent en milliards. 

Intercommunalités de France ne semble pas non plus très enthousiaste par rapport à la proposition des « agences de la mobilité ». Sans mentionner directement cette idée, Sébastien Martin estime que « les contrats opérationnels de mobilité constituent déjà un cadre efficace de collaboration entre l’échelon régional et les autorités locales organisatrices de la mobilité ». Ils peuvent déjà, d’ailleurs, « permettre les accords financiers nécessaires au bon développement de l’offre de mobilité dans les territoires ». 

Transfert de compétence mobilités : demande de nouveau délai

Sébastien Martin profite de ce courrier pour revenir sur la question du transfert de la compétence mobilité des communautés de communes aux régions, estimant que le délai de réflexion a été « insuffisant ». 

Rappelons que les communautés de communes ont eu jusqu’au 31 mars 2021 pour décider si elles souhaitaient ou non prendre la compétence mobilité. Faute de quoi, les régions devenaient de facto autorités organisatrices à leur place, à compter du 1er juillet 2021. 

Dix mois plus, comme l’a montré le Cerema dans un étude publiée en mai dernier (lire Maire info du 6 mai), environ la moitié des communautés de communes ont pris la compétence mobilité, mais avec des résultats extrêmement contrastés d’une région à l’autre. Dans les Pays-de-la-Loire, les Hauts-de-France ou le Grand est, presque 80 % des communautés de communes ont pris la compétence. En Occitanie, la quasi-totalité des communautés de communes (sauf trois) ont laissé la compétence à la région. 

Ces différences, expliquait alors Intercommunalités de France, tenait pour partie à une politique « dissuasive »  de certaines régions vis-à-vis des « comcom ». 

Dans son courrier, Sébastien Martin ne reprend pas directement ce constat, mais note, plus diplomatiquement, que « les disparités régionales importantes »  montrent que le délai s’est avéré « insuffisant », ne permettant pas à toutes les communautés de communes « d’étudier correctement »  toutes les options. 

Intercommunalités de France souhaite donc « plaider pour l’ouverture d’une nouvelle période de délibérations », pour que les communautés de communes puissent « se pencher à nouveau sur le transfert de la compétence ». 

Notons enfin que sur ces deux sujets, l'AMF partage les vues d'Intercommunalités de France. La commission mobilité de l’AMF s’est en effet opposée à une modification du VM et milite pour la réouverture, au profit des communautés de communes, de la possibilité d’engager un nouveau travail sur la prise de compétence mobilité pendant un temps déterminé suffisamment long pour fixer finement le contenu des services concernés, l’enjeu étant de permettre aux territoires de se rendre compétents lorsqu’ils le souhaitent, à leur rythme et selon leurs besoins, à la carte. L’AMF propose aussi de simplifier et clarifier institutionnellement la répartition de la compétence mobilités entre les différents acteurs du territoire (régions et intercommunalités notamment) afin d’éviter une application incohérente de la compétence sur un même territoire.

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