Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 26 avril 2018
Constitution

Réforme constitutionnelle : l'AMF dévoile ses propositions

Alors que le gouvernement se prépare à dévoiler officiellement, le 9 mai, son projet de loi de réforme constitutionnelle, l’AMF a publié hier ses propositions en la matière. Clause de compétence générale, garantie de la libre administration, principe d’autonomie financière, normes, cumul des mandats… le texte présenté par l’AMF balaye tous les sujets sur lesquels l’association se bat depuis des années, avec la volonté, aujourd’hui, de graver dans le marbre de la Constitution un certain nombre de principes.

Constitutionnaliser la clause de compétence générale
Les premières propositions touchent à l’article 72 de la Constitution, relatif aux collectivités territoriales. L’AMF propose d’y « distinguer »  les communes des autres collectivités, du fait que non seulement elles disposent d’une clause de compétence générale, mais aussi qu’elles sont « une institution particulière de l’État à travers son maire, exécutif local et agent de l’État, qui incarne l’intérêt général et porte les valeurs de la République ». L’association propose également d’inscrire dans la loi fondamentale l’obligation de soumettre au Cnen (même s’il n’est pas nommé « pour ne pas figer son nom » ) « tout projet ou proposition de loi et tout projet de décret relatif aux compétences, à l’organisation et au fonctionnement des collectivités territoriales ».
Deuxième sujet : l’exercice différencié des compétences, que le projet de loi gouvernemental veut pérenniser. L’AMF rappelle qu’elle est favorable à ce principe et propose d’inscrire dans la Constitution que « les collectivités territoriales peuvent », dans certaines limites, « déroger aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur qui régissent l’exercice de leurs compétences ». Néanmoins, l’association rappelle « son attachement au principe de non-tutelle entre collectivités »  et s’oppose à ce que communes et EPCI « soient confinés à un rôle de sous-traitants dans la mise en œuvre de politiques qui seraient décidées par d’autres niveaux ».

Autonomie financière et fiscale des collectivités
Au chapitre financier, l’AMF, dans la droite ligne de plusieurs résolutions prises aux Congrès des maires, demande que soit inscrit une fois pour toutes dans la Constitution le principe de l’autonomie financière des collectivités. Elle demande donc une modification dans ce sens de l’article 72-2 de la Constitution, pour y inscrire, d’abord, que ce sont bien les collectivités qui « fixent les taux »  de leurs recettes fiscales, mais également ce principe : « Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales, et toute responsabilité ou mission nouvelle confiée à une collectivité et exercée au nom de l’État, s’accompagnent de ressources strictement proportionnées, déterminées par la loi à partir d’une étude d’impact (…). »  Cette disposition est fondamentale : si un tel principe avait été posé plus tôt, par exemple, la création de la Gemapi dans la loi Maptam, sans étude d’impact et sans compensation financière, aurait été directement frappée d’inconstitutionnalité.
L’AMF demande aussi qu’il soit inscrit dans la Constitution l’obligation de saisine du CFL pour « tout projet ou proposition de loi ou projet de décret à caractère financier concernant les collectivités ». Autre revendication de longue date de l’association : créer des lois de finances spécifiques pour les collectivités, comme c’est le cas pour la Sécurité sociale par exemple – avec une loi d’orientation pluriannuelle et une loi de finances annuelle spécifique.

Maitriser les normes
L’association insiste sur la nécessité d’un « changement radical de culture »  de l’État pour éviter la prolifération des normes qui retombent sur les épaules des maires. Elle réclame de l’État davantage de concertation et d’évaluation en amont de la fabrique des lois et un renforcement du rôle du Conseil d’État. Au passage, elle adresse un coup de griffe à une pratique courante, consistant à ce qu’un gouvernement fasse porter un de ses projets de loi par un parlementaire, ce qui évite le contrôle de ce texte par le Conseil d’État – et, peut-on ajouter, ce qui permet de se passer d’étude d’impact. L’AMF demande que cette pratique soit « bannie ». Cette technique a été tout récemment dénoncée, par exemple, à propos de la proposition de loi Ferrand sur le transfert des compétences eau et assainissement aux EPCI, qu’un sénateur a qualifiée de « fausse proposition de loi, vrai projet de loi »  (lire Maire info du 18 avril).
L’AMF revient aussi sur la volonté du gouvernement de limiter le nombre de mandats successifs dans le temps à trois mandats. L’association redit son opposition totale à cette mesure, qu’elle considère comme « une atteinte grave à la liberté de l’électeur »  et à celle des conseils municipaux, et regrette que soit sanctionnée « l’expérience ».
L’AMF va présenter prochainement ces propositions au gouvernement, puis au président du Sénat et à celui de l’Assemblée nationale ainsi « qu’aux présidents et aux membres des deux délégations aux collectivités territoriales, aux présidents de groupes et aux parlementaires ».
Reste à savoir quand sera discuté le projet de loi de réforme constitutionnelle. Dans le calendrier prévisionnel des textes que le gouvernement souhaite voir inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée d’ici fin juin, ce texte ne figure pas. On peut donc s’attendre à ce qu’une partie d’une éventuelle session extraordinaire, en juillet, y soit consacrée.
F.L.
Télécharger les propositions de l'AMF.

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2