Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 12 octobre 2023
Départements

Recentralisation de l'aide sociale à l'enfance : les départements indignés par les propos de la secrétaire d'État Charlotte Caubel

Les départements ont fait part hier de leur « profonde indignation » à la suite des déclarations de la secrétaire d'État chargée de l'Enfance, Charlotte Caubel, qui a déclaré que le gouvernement était prêt à « envisager de recentraliser la protection de l'enfance ». Explications.

Par Franck Lemarc

C’est dans le Figaro d’hier que la secrétaire d’État s’est exprimée sur la situation de la protection de l’enfance, dans un contexte particulièrement tendu : entre l’augmentation du nombre de signalements d’enfants en danger, le manque de places d’accueil, la reprise d’arrivées importantes de mineurs non accompagnés (MNA), les difficultés à recruter des encadrants, « le système est à bout de souffle », estime dans le Figaro un professionnel, qui parle de situation « dramatique »  (lire Maire info d’hier).  

« Toutes les options sont sur la table » 

Interrogée sur cette situation, Charlotte Caubel confirme « une situation incontestablement tendue »  et une « reprise très nette des flux migratoires de mineurs non accompagnés », sans pour autant prendre à son compte le terme de « déferlante ». Elle reconnaît que certains départements, notamment les Alpes-Maritimes, sont « en tension » , avec « un dispositif d’évaluation sous-dimensionné ». Elle récuse cependant la proposition de certains départements de « scinder »  la protection de l’enfance entre les MNA et les autres – ces départements estimant que la gestion des MNA relevant de la politique migratoire, elle est de la compétence de l’État. « Je ne suis pas favorable à ce découpage de la protection de l’enfance, explique la secrétaire d’État, (ni à un) tri entre les mineurs étrangers et français. Un enfant est avant tout un enfant, il ne peut y avoir des enfants gérés par les départements et d’autres gérés par l’État. » 

La solution que représenterait une recentralisation de la protection de l’enfance est mise sur la table, notamment par le sénateur Renaissance Xavier Iacovelli qui a déposé en janvier 2022 une proposition de loi dans ce sens.  Ce texte proposait de procéder à « une expérimentation de l’exercice de la compétence de l’aide sociale à l’enfance par l’État ». 

Charlotte Caubel indiquait hier qu’elle n’était personnellement « pas dans cette logique », mais que « toutes les options sont sur la table ». Et de prévenir : « Si les départements considèrent que la situation leur échappe, la question de la recentralisation peut être travaillée. »  Elle évoque également la possibilité d’un redécoupage des compétences : « La question de la reprise en main de l’État peut aussi se poser sur la seule étape de l’évaluation des mineurs. Les responsabilités dans la politique de protection de l’enfance sont  parfois tellement mêlées qu’elles empêchent un exercice correct des responsabilités. » 

« Profonde indignation » 

L’association Départements de France n’a pas tardé à réagir à ces propos, exprimant dans un communiqué de presse sa « profonde indignation ». Pour le président de Départements de France, François Sauvadet, « Les propos de Mme Caubel révèlent une méconnaissance totale de la réalité du terrain. Ils sont non seulement une insulte envers nos agents et salariés dévoués à la cause de la protection de l’enfance, mais ils constituent également une mise en cause des présidentes et présidents de Départements qui assument, pénalement, cette responsabilité. » 

Rappelant que les départements ont « très fortement augmenté leurs budgets pour faire face à l’augmentation considérable du nombre d’enfants placés sous (leur) protection », François Sauvadet estime que la proposition de recentralisation de l’aide à l’enfance « ne peut être sérieusement envisagée ». Non sans une certaine colère : « Soyons sérieux ! Qui regrette les Ddass d’antan ? La ministre semble ou feint d’ignorer que la situation d’embolie auxquels sont confrontés nos services est en très grande partie due aux carences de l’État lui-même ! L’arrivée massive de mineurs non accompagnés ne fait qu’ajouter aux difficultés qui résultent, d’abord, de l’incapacité de l’État à assumer ses missions régaliennes en matière de pédopsychiatrie, de Protection judiciaire de la jeunesse ou d’accompagnement médico-social pour les enfants atteints de handicaps. » 

Les départements prennent donc particulièrement mal  « les leçons »  de la ministre, « alors que l’État se défausse sur eux de missions qu’il ne veut ou ne peut plus mener ». « Nous avons démontré un sens très poussé de nos responsabilités et de l’intérêt de l’enfant que la ministre ferait mieux de saluer plutôt que de les mettre en cause ! ».

Départements de France demande « une réponse collective impliquant une coopération étroite entre l’État et les départements », pour « aboutir ensemble à une vision partagée ». L’association se dit « ouverte au dialogue et à la co-construction pour trouver des solutions pragmatiques et durables. » 

Cela ne passera sans doute pas, en tout cas, par l’organisation d’États généraux de l’ASE : la ministre s’y est dit hier défavorable. « Je ne crois pas à des états généraux qui réinterrogent tout le monde sur des difficultés qui sont déjà connues. » 

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