Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 15 février 2024
Logement

Projet de loi habitat dégradé : au Sénat, des modifications apportées après consultation des maires

Le Sénat vient de rendre publics les résultats de la consultation qu'il a menée auprès des maires sur le traitement de l'habitat dégradé. Les maires apparaissent, dans leur grande majorité, désarmés face à la complexité de ce sujet.

Par Franck Lemarc

C’est dans le cadre de l’examen du projet de loi sur l’habitat dégradé que la commission des affaires économiques du Sénat a lancé une consultation des maires, afin de mieux connaître leurs attentes, à 15 jours de l’examen du texte en séance publique. 

Rappelons que ce texte (lire Maire info du 24 janvier), déjà adopté à l’Assemblée nationale, vise à créer de nouveaux outils pour permettre un traitement plus en amont le problème des copropriétés dégradées. Il est notamment prévu de créer un nouveau droit de préemption simplifié, afin de traitement les immeubles dégradés avant que leur état devienne « irrémédiable ». Ce qui permettrait de pouvoir rénover ces immeubles plutôt que les détruire. Le texte prévoit aussi la création d’un nouveau type de prêt collectif pour les copropriétaires, afin de réaliser les travaux, la réalisation de « diagnostics structurels »  dans les zones dégradées pour mieux connaître l’état des bâtiments, ou encore le renforcement des sanctions contre les marchands de sommeil. 

Les maires trop peu informés

Avant d’examiner ce texte en commission, les sénateurs ont donc lancé une consultation des maires sur ce sujet, à laquelle plus de 700 maires ont répondu. Les grandes lignes de la synthèse de cette consultation ont été publiées hier. 

Près de 60 % des élus comptent une ou plusieurs copropriété dégradée dans leur commune, et les deux tiers d’entre eux jugent que c’est une problématique « importante ou très importante ». La consultation fait apparaître que les élus sont relativement mal informés des outils existants en la matière. La moitié des répondants ignore l’existence du RNIC (Registre national d’immatriculation des copropriétés), et 8 maires sur 10 déclarent ne pas être destinataires des données collectées par l’Anah sur les copropriétés de leur commune. 

La presque totalité des maires interrogés (90 %) met en avant « les très grandes difficultés posées par le relogement des occupants le temps des travaux ». 

Élément notable : plus des deux tiers des maires interrogés n’ont pas souhaité transférer la police de l’habitat à leur EPCI. « Les communes souhaitent garder la main sur le sujet de l’habitat dégradé » , concluent les sénateurs. Il ressort de cette enquête le souhait très largement partagé « d’une plus grande latitude dans la capacité d’agir des maires, et davantage de moyens d’action ».

79 % des maires répondants souhaitent par exemple « donner aux agents de police municipale le pouvoir de mener des enquêtes judiciaires en habitat indigne sur réquisition du procureur de la République ». De nombreux élus « appellent au renforcement des leviers d’action du maire sur les biens vacants, notamment en cas d’indivision ». Presque 100 % d’entre eux demandent par ailleurs « la simplification du régime de l’expropriation des biens en état d’abandon manifeste » , et « la réduction du délai de 30 ans à 10 ans pour l’acquisition de biens sans maître ».

Permis de louer

En partant de ces enseignements, les sénateurs de la commission des affaires économiques ont ajouté plusieurs dispositions au projet de loi qu’ils ont débattu et adopté hier. 
Ils ont notamment adopté une nouvelle procédure de relogement « pérenne »  des occupants de logements dégradés en cours de réhabilitation : « Lorsque la nature des mesures et travaux engagés par l’expropriant rendent impossible la réintégration des occupants, à terme, dans le local évacué, ces derniers bénéficient d’un relogement »  définitif. 

Afin, notamment, de mieux traiter le problème dans les petites villes et les centre-bourgs, qui manquent souvent de moyens juridiques et d’ingénierie, la commission a adopté un amendement donnant à l’ANCT (Agence nationale de cohésion des territoires) une mission de conseil et de soutien aux communes sur l’habitat dégradé. 

Autre amendement important adopté par la commission : elle a donné la compétence en matière de permis de louer à la commune, y compris lorsqu’elle n’a pas la compétence habitat. Les sénateurs ont expliqué dans certains cas, en l’absence de PLH en vigueur au niveau de l’intercommunalité, celle ne peut déléguer aux communes la compétence du permis de louer : « En effet, le régime de délégation de la loi ELAN, qui était présenté comme une solution en 2018, s’avère techniquement inopérant pendant le délai de réalisation du PLH. L’EPCI ne peut pas prendre la compétence habitat et déléguer le permis de louer à une ou plusieurs de ses communes membres au même moment. Il peut exister 5 à 10 ans entre le moment où l’EPCI devient compétent en matière d’habitat et la mise en vigueur du PLH. »  Les sénateurs ont donc voté en commission un dispositif permettant de « simplifier les conditions de transfert et de délégation entre communes et EPCI (…) selon le principe de libre organisation des compétences entre elles » . Le système de délégation subordonnée à l’entrée en vigueur du PLH est supprimé, et le conseil municipal est désigné comme « compétent de plein droit »  – ce qui ne l’empêche pas de transférer la compétence, s’il le souhaite, à l’intercommunalité. 

Le débat sur ce texte, en séance publique, aura lieu le 27 février, ce qui permettra de savoir si le gouvernement se montre ouvert à ces modifications introduites en commission, élaborées en ligne directe avec les attentes des maires.

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