Problèmes de lecture et illettrisme : un fléau qui persiste chez les jeunes
Par Lucile Bonnin
Chaque année, lors de la Journée défense et citoyenneté (JDC), un test d’évaluation de la lecture est proposé aux jeunes âgés de 16 à 18 ans. Il permet de repérer les jeunes en difficulté de lecture mais aussi d’estimer le nombre de jeunes en situation d’illettrisme.
Alors qu’en 2023, 11,8 % des jeunes étaient en difficulté de lecture, ils sont en 2024 13 % à connaître des difficultés dans leur pratique de la lecture. C’est ce que souligne une note de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, qui précise cependant que 48 700 jeunes de plus ont participé à ces tests en 2024. Au total, 843 500 jeunes ont participé à la JDC.
6 % des jeunes rencontrent des difficultés plus sévères avec un déficit important de vocabulaire et peuvent être considérés en situation d’illettrisme, selon les critères de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI).
Des disparités dans les fragilités
Les jeunes ne sont pas tous égaux face à l’apprentissage de la lecture et la maîtrise des mots. Ainsi la note de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) met clairement en lumière des disparités entre les jeunes plus fragiles et ceux qui « sont des lecteurs efficaces ».
Si 76 % des jeunes ne rencontrent aucun problème, un jeune sur dix a tout de même des acquis fragiles. Pour ceux-là, « la lecture ne constitue vraisemblablement pas un moyen facile permettant d’enrichir efficacement leurs connaissances lexicales. »
Sur 20 mots par exemple, ils n’en reconnaissent qu’une dizaine. Ces lecteurs optent pour des stratégies de compensation c’est-à-dire qu’ils font des hypothèses sur le produit de leur lecture… On repère moins facilement ces jeunes en difficultés que les 3 % qui n’ont jamais acquis les mécanismes de base de traitement du langage écrit par exemple. Pour autant, tous ces signaux sont à prendre au sérieux.
Qui sont ces jeunes en difficultés ? Il n’existe pas de profil type mais les résultats montrent l’existence de profils plus sensibles que d’autres. D’abord, « les garçons sont plus fréquemment en difficulté de lecture que les filles : 15 % contre 11 % » . Pour les auteurs de la note, cela s’explique notamment par une proportion plus élevée de garçons dans les niveaux scolaires les plus bas (particulièrement pour le niveau CAP-BEP) où les difficultés sont là aussi les plus marquées. D’ailleurs, la scolarisation joue un rôle déterminant dans l’apprentissage et la pratique de la lecture. La preuve : parmi les jeunes scolarisés qui n’ont pas dépassé le niveau collège, 59 % ont des difficultés de lecture. De même, 11 % des jeunes qui ont une année de retard ou plus dans leur parcours scolaire sont en situation d’illettrisme. La lutte contre le décrochage scolaire est donc une priorité pour prévenir l’illettrisme.
Des disparités territoriales sont aussi observées. « Les difficultés de lecture sont plus fréquentes et plus prononcées dans les départements du nord de la France ainsi que dans ceux entourant l’Île-de-France, peut-on lire dans la note. La part des jeunes en difficulté de lecture s’élève ainsi à 19 % dans l’Aisne, 16 % dans l’Oise, 15 % dans les Ardennes, la Nièvre et la Somme et 14 % dans l’Aube. » D’autres chiffres tirés de l’observatoire de l’ANLCI pointent des disparités au sein même des départements : les jeunes résidant en QPV ont par exemple 2,4 fois plus de risques de rencontrer ces difficultés ; ceux résidant dans les territoires ultramarins ont 2,5 fois plus de risque d’être en forte difficulté avec les compétences de base.
Mettre en place des initiatives
L’illettrisme et les difficultés de lecture peuvent « entraîner des répercussions significatives sur la vie personnelle, professionnelle et citoyenne des personnes, rappelle l’ANLCI. Les obstacles à l’information et à la communication, à l’accès aux soins, au logement, à l’emploi, à la participation à la vie sociale, à l’acquisition de nouvelles connaissances sont autant de défis auxquels font face » notamment ces jeunes repérés à la JDC. Les difficultés de lecture et l’illettrisme mènent très souvent à un non-recours au droit, « contribuant ainsi à des risques de précarisation, de marginalisation ».
La maîtrise des outils numériques est aussi plus compliquée pour ces personnes or on sait que de plus en plus de démarches s’effectuent aujourd’hui en ligne. Hervé Fernandez, directeur de l’Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), expliquait dans les colonnes de Maires de France que ces deux maux sont indissociables puisque les personnes rencontrant des difficultés à l’écrit utilisent beaucoup moins le numérique.
L’ANLCI propose aux élus locaux de mettre en lumière localement cette problématique à travers les Journées nationales d'action contre l'illettrisme et l’illectronisme (JNAI) qui ont lieu habituellement au début du mois de septembre. « Les collectivités peuvent organiser des évènements et chaque année des communes se mobilisent pour augmenter la prise de conscience et informer les administrés sur ce qu’est l’illettrisme et l’illectronisme ». Des outils sont proposés par l’ANLCI comme Eva qui « est une plateforme en ligne qui permet, de manière ludique, simple et efficace, de repérer des difficultés relevant de l’illettrisme et de l’innumérisme et de positionner finement le niveau de maîtrise des compétences de base des personnes ». Les missions locales s’engagent aussi fortement dans l’accompagnement de ces citoyens au niveau local.
En plus de ces tests proposés lors de la JDC comme outil de repérage, l’acculturation des travailleurs sociaux et des agents communaux afin de leur donner des outils pour reconnaître et accompagner ces fragilités est une priorité pour lutter contre ce fléau. L'Union nationale des centres communaux d'action social (Unccas) ou encore le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) proposent d’ailleurs des formations en ce sens.
Plus d'informations sur le site de l'ANLCI.
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