Maire-info
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Édition du jeudi 22 février 2024
Précarité

Précarité alimentaire : en commission, les députés favorables à la création de « territoires zéro faim »

Ce texte, qui doit désormais être adopté en séance, permettrait d'expérimenter, dans dix territoires, la tarification sociale dans les cantines scolaires et un chèque « Alimentation durable ». Il prévoit aussi d'instaurer une TVA à 0 % sur les achats effectués par les banques alimentaires, les CCAS et les CIAS.

Par A.W.

« Tout doit être fait pour que plus personne, en France, ne souffre de la faim. »  Dans un contexte inflationniste, le député socialiste de la Mayenne Guillaume Garot a décidé de s’emparer à nouveau du sujet de la précarité alimentaire en faisant adopter, la semaine passée, en commission, sa proposition de loi visant à créer des « territoires zéro faim », sur le modèle des « territoires zéro chômeur ».

C’est déjà la deuxième fois. La mesure avait été adoptée, en octobre dernier, par voie d’amendement, lors de l’examen en commission du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, mais n’avait pas survécu au déclenchement du « 49.3 »  par la cheffe de l’exécutif de l’époque, Élisabeth Borne.

La mesure a donc, depuis, été étoffée et le texte qui en est ressorti se veut dorénavant « un premier jalon pour construire une Sécurité sociale de l’Alimentation ». « La nourriture n’est pas une marchandise comme les autres, elle est un bien commun, qui nécessite de définir des politiques adaptées et volontaristes. Si l’on considère que la précarité alimentaire est un risque social, il faut la combattre comme tel », a lancé Guillaume Garot devant la commission.

Un Français sur six en précarité alimentaire

Car, selon le député de la Mayenne, il y a urgence, la précarité alimentaire étant « en pleine explosion » : « Au moment où nous parlons, un Français sur six n’arrive pas à se nourrir correctement, [ce qui représente] 10 millions de Français [qui] n’arrivent pas ou peinent à faire trois repas par jour ». En 2022, le nombre de Français déclarant « ne pas avoir assez à manger »  avait ainsi augmenté de 30 % sur moins d’un an, selon une étude du Credoc.

Et un large spectre de la population est concerné : « Des retraités avec de petites pensions, des mamans ou des papas seuls avec leurs enfants, des jeunes, des étudiants, qui sont parfois juste au-dessus du niveau requis pour toucher les bourses », a listé l’ancien ministre de l'Agroalimentaire, en s’alarmant du fait qu’il y aussi « les travailleurs pauvres, même en CDI, dont les banques alimentaires nous disent qu’ils représentent 10 % de leurs bénéficiaires », les étudiants 11 % et les retraités 17 %.

Pointant un exécutif qui n’aurait « pas pris la mesure de l’effort inédit à accomplir pour inverser la tendance », les signataires de la proposition déplorent le « décrochage »  de l’État depuis plusieurs années, malgré des crédits débloqués en urgence, fin 2023, à la suite de l’appel à l’aide des associations d’aide alimentaire mais considérés comme un « rattrapage mal ajusté ».

Dans le cadre des 10 milliards d’euros d’économies voulues par Bruno Le Maire, le gouvernement vient d'ailleurs de réduire de 50 millions d’euros, ce matin même par décret, les moyens accordés au principal véhicule financier de l’État en matière de lutte contre la précarité alimentaire (le programme 304 « Solidarité, insertion et égalité des chances » ), sans que l’on sache pour l’heure si l’aide alimentaire est directement ciblée. L’exécutif a, en outre, entériné une baisse de 125 millions d’euros du programme « vie étudiante », qui finance notamment les Crous. 

Tarification sociale des cantines

Pour « éradiquer »  la précarité alimentaire, Guillaume Garot propose ainsi de mettre en place une expérimentation de trois ans, menée dans une dizaine de territoires dits « zéro faim », financée à hauteur de 10 millions d'euros.

Parmi les mesures qu'il préconise : la tarification sociale dans les cantines des écoles, de la maternelle au lycée, le repas à 1 euro pour les étudiants, le chèque « alimentation durable »  destiné aux plus fragiles (une proposition qui a été remisée au mois de janvier par Emmanuel Macron) ou encore la création d’une offre alimentaire dans certains territoires, « en particulier dans ceux qui offrent des produits locaux, frais et sains ».

Une liste qui n’est « pas limitative », a assuré Guillaume Garot, expliquant que « ce sera aussi aux "territoires zéro faim" de définir les actions qu’ils souhaiteront mettre en œuvre ».

« C’est intéressant, car nombre d’approches de l’aide alimentaire sont complémentaires, mais c’est déjà possible », s’est ainsi opposé le député de la majorité Nicolas Pacquot (RE), rappelant qu’une expérimentation de type chèque « alimentation durable »  est « en cours en Seine-Saint-Denis », tout comme le fait que « l’État soutient la tarification sociale dans les cantines des communes les plus pauvres et subventionne, à hauteur de 3 euros, les repas facturés au tarif social de 1 euro maximum ».

« Encore un territoire zéro quelque chose… En fait, vous réinventez la charité publique », a, de son côté, sèchement taclé la députée RN Florence Goulet, dénonçant « une mise en œuvre technocratique à l’efficacité douteuse ».

Exonération de TVA pour les CCAS

Les députés ont également validé l’autre mesure importante inscrite dans le texte : la mise en place d’une TVA à 0 % pour les achats de produits alimentaires par les associations caritatives, les banques alimentaires, avant de l’étendre, par amendement, aux centres communaux d’action sociale (CCAS) et aux centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) qui « achètent également des denrées, en particulier des produits frais ».

Ce texte présente toutefois « quelques défauts », aux yeux du député de l’Aisne Julien Dive (LR), qui a estimé qu’« imposer des solutions uniformes à des territoires ayant des contraintes totalement différentes n’est pas une solution viable ». S’il s’est dit « personnellement sensible »  à cette proposition de loi, il a souligné qu’il paraissait « plus pertinent »  au groupe LR de « relancer le pouvoir d’achat et de réduire les dépenses publiques pour lutter efficacement contre la précarité alimentaire ».

Si le texte a été approuvé par un vote large, qui réunissait la gauche, le groupe Horizons, les Indépendants et plusieurs députés Les Républicains, il doit dorénavant passer l’étape de la discussion en séance prévue jeudi prochain, lors de la niche parlementaire du groupe socialiste.

Consulter le texte adopté en commission.
 

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