Pollution sonore liée aux transports : quels sont les leviers d'action pour les collectivités ?
Par Lucile Bonnin
Dans les transports, au travail, chez soi ou encore dans les lieux publics, la surexposition au bruit est un enjeu de santé publique local qui concerne aussi bien les communes urbaines que les communes rurales. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère d’ailleurs le bruit comme le second facteur environnemental le plus nocif en Europe après la pollution de l’air.
En juin dernier, la Commission de l'aménagement du territoire du Sénat a réalisé un sondage qui montrait que 45 % des Français se considèrent exposés au bruit des transports à leur domicile ou sur leur lieu de travail, qu'il s'agisse de nuisances sonores routières (39 %), aériennes (14 %) ou encore ferroviaires (13 %) (lire Maire info du 26 juin).
Face à cette problématique du bruit lié aux transports, les collectivités peuvent agir. Pour les accompagner, le Cerema publie un « cahier [qui] présente des actions à mettre en œuvre via différents leviers, ainsi que des retours d'expérience de territoires ».
Sensibiliser et objectiver
Les effets du bruit peuvent aller jusqu’à la perte définitive de l’audition mais il est aussi « source de gêne et de perturbations du sommeil, ce qui en fait un facteur de risque important pour les maladies chroniques, telles que les maladies cardiovasculaires, souligne le Cerema. Le bruit peut également affecter les capacités d’apprentissage des enfants. » En France, sept personnes sur dix indiquent être gênées par le bruit. En cause principalement : le bruit généré par les transports (routier, ferré et aérien), qui a d’ailleurs « considérablement augmenté au cours des dernières décennies ».
Dans ce guide d’une quarantaine de pages, le Cerema rappelle l’existence de deux outils cartographiques d’aide à la décision, le classement sonore des voies et les cartes de bruit stratégiques (CSV et CBS), qui permettent d'identifier et de localiser les enjeux liés aux nuisances sonores dues aux transports. Ces cartes peuvent même être « croisées avec des bases de données (population, bâtiments d’enseignement ou de soin...) » afin d’identifier des « zones de vulnérabilités » et « permettre à la collectivité de disposer des informations adéquates pour éclairer ses choix en matière d’aménagement urbain et d’action en faveur d’un environnement sonore de qualité, et plus globalement de la santé des populations et des écosystèmes. » L’exercice a été mené, par exemple, sur le territoire de Le Réunion où une cartographie croise les zones les plus exposées au bruit et les bâtiments sensibles comme ceux de l’enseignement, du logement social ou de la santé.
Agir sur le bruit routier
Le Cerema rappelle que plusieurs leviers peuvent être actionnés par les pouvoirs publics afin de réduire les nuisances liées au trafic routier et d’en limiter l’impact sur les populations affectées. Limiter la place de la voiture au sein des communes est évidemment une première solution même si, en zone rurale, la voiture reste essentielle pour la majorité des citoyens. L'interdiction de circulation des poids lourds et la création de déviations peuvent cependant permettre de contourner les centres-bourgs. La limitation de vitesse est aussi une option qui doit être cependant étudiée car elle « peut entraîner une congestion de trafic, qui induit d'autres nuisances liées aux trafics pulsés ».
Des solutions d’aménagements sont aussi citées par le Cerema comme l’installation de dispositifs de gestion de sécurité (dos d’âne, carrefour surélevé, rétrécissement de voies, chicanes) ou des radars sonores. Ces radars chargés de mesurer le bruit émis par les voitures et les deux-roues sont actuellement expérimentés dans sept collectivités.
En dehors des axes routiers, les collectivités peuvent agir au niveau de l’urbanisme en végétalisant ou en implantant d’autres bâtiments pour faire « tampon » ou encore en optant dans le cadre d’une rénovation d’un bâtiment public par exemple pour des revêtements « absorbants » d’un point de vue acoustique.
Le Cerema invite enfin les collectivités à se saisir d’outils gratuits en ligne. DiagBruit est notamment cité comme un outil qui fournit une évaluation du risque sonore sur une parcelle au travers d’un « score » non technique et illustré par des situations de la vie courante. Notons cependant qu’à ce jour beaucoup de « parcelles » ne sont pas référencées sur les cartes. Le Cerema conseille aussi la plateforme ORHANE qui a « permis de porter à connaissance des collectivités et des services en charge de l’urbanisme les zones à enjeux de qualité de l’air et de bruit afin d’éviter sur ces zones l’implantation d’établissements sensibles de type écoles, crèches, établissements de santé et maisons de retraite. »
Le bruit comme enjeu politique sensible
Le bruit constitue aussi un enjeu politique pour les élus locaux. Nombreuses sont les crispations dans les territoires autour des bruits. La question de l’aviation de loisir est particulièrement représentative. En effet, si on compte environ 500 aérodromes en France, seuls quatre sont soumis à des restrictions d’exploitation. « Or 5 % des Français sont gênés sur leur lieu de vie ou au travail par les nuisances sonores qu’ils émettent, peut-on lire dans un rapport du Sénat. Les communes de petite taille comptent parmi les plus pénalisées par ces nuisances. »
Par ailleurs, alors qu’on observe de plus en plus, dans les agglomérations mais aussi dans les plus petites communes, la formation de collectifs de citoyens pour dénoncer les nuisances sonores dues aux transports, le Cerema conseille aux élus locaux de davantage « impliquer le public et les citoyens, par exemple à l'occasion d'un diagnostic territorial ».
En dehors de l’aviation, d’autres problématiques prennent de l’ampleur ces dernières années comme les rodéos urbains, les rave-party ou, dans un tout autre registre, la multiplication des canons anti-grêle pour un usage agricole sous l’effet du changement climatique.
Pour plus d’efficacité à l’avenir, le Sénat appelait en juin dernier à « redéployer des moyens pour renforcer l’efficacité le pilotage de la politique de lutte contre le bruit, fustigeant au passage le « pilotage à vue » mené actuellement. » Ils appelaient à « regrouper à l’échelle régionale les moyens humains et techniques de lutte contre le bruit et généraliser la mise en place d’observatoires régionaux du bruit afin de renforcer et mutualiser les compétences territoriales ».
Réduire les nuisances sonores : méthodes et leviers pour les collectivités - Guide du Cerema
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