Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 20 mars 2023
Politique de la ville

Politique de la ville : le calendrier se précise enfin

La préparation de la prochaine génération de contrats de ville - la précédente couvrant pas moins de 1 514 quartiers dits QPV - tarde à être officiellement lancée. Tout le monde attendait le comité interministériel des villes en décembre, mais les maires doivent patienter jusqu'à la présentation de Quartiers 2030. Ce qui n'empêche pas le ministère de la Ville de travailler en coulisses. Les élus devraient bientôt recevoir les premières ébauches de la future géographie prioritaire.

Par Emmanuelle Stroesser

Les élus doivent ronger leur frein et attendre que le programme Quartiers 2030 soit dévoilé pour en savoir plus sur les futurs contrats de ville. C'est la raison pour laquelle le comité interministériel des villes – le premier du quinquennat –, a été déjà reporté à plusieurs reprises depuis la mi-décembre. Sa date reste suspendue à l'agenda du président de la République. 

Cela ne sera « sans doute pas avant fin mars », regrette  Gilles Leproust, vice-président de l'AMF et président de Ville et Banlieue. Or le temps presse et les élus sont très impatients de connaître les modalités des prochains contrats de ville.  « On a reculé d'un an l'échéance mais le risque, aujourd'hui, c'est qu'on retombe dans une course à l’échalote avec tout le monde en tension »  alerte le maire d'Allones. « Le contrat de ville n'est efficace que si le droit commun est fléché. Or l'intérêt du CIV est justement de mobiliser l'interministériel pour avoir un point précis de cet engagement », ajoute Gilles Leproust. Un point sur lequel les maires ont  insisté lors de leur réunion de travail avec la première ministre Élisabeth Borne, début mars. 

Du côté du gouvernement, on assure que ce sujet a bien été l'enjeu de la « réunion de travail »  entre la Première ministre et onze ministres, le 9 février, en lieu et place d'un CIV. « Une réunion très positive »  où la Première ministre a demandé à chaque ministère de réfléchir à ce que chacun peut faire pour les quartiers indique une source gouvernementale. Avec un message du ministre de la Ville Olivier Klein à ses collègues, « qu'au moins une fois par semaine », chacun « soit aussi un ministre de la ville ».

Le calendrier est serré, reconnaît-on au cabinet du ministre de la Ville. Une lettre est « sur le départ », pour  informer les associations d'élus des différentes étapes à venir. Olivier Klein multiplie d'ailleurs les rencontres. La semaine dernière, il a rencontré la présidente de France Urbaine, la maire de Nantes, Johanna Rolland. La semaine précédente, le 9 mars, il s'était rendu au Conseil national des villes. Son agenda prévoit une rencontre avec les élus de Ville et banlieue le 28 mars.  

Un Lego à construire

On sait néanmoins que ces contrats nouvelle génération seront « un moyen pour Quartiers 2030 de s'exprimer sur le territoire », explique le cabinet du ministre.  En théorie, les contrats de ville doivent être signés fin 2023 pour entrer en application en janvier 2024. Le ministère est en train d'analyser « l'évolution sociale des territoires pour vérifier si la liste des quartiers correspond toujours à une concentration de pauvreté ». L'Insee a livré les premières données sur la base du carroyage, autrement dit une étude des quartiers dans lesquels la densité de la population et celle de la pauvreté justifient qu'ils soient inscrits dans la politique de la ville. 

Doit suivre la phase de dialogue entre préfets et élus locaux « pour tracer les limites de la géographie prioritaire ». Cela devrait arriver « assez vite ». Une phase « d'allers-retours »  entre préfets et élus, et entre territoires et l'agence des territoires (ANCT), « pour vérifier la conformité à la loi »  Lamy de 2014 qui reste la base juridique des contrats. Un travail spécifique est engagé pour les territoires ultramarins, car les données statistiques manquent, ce qui suppose de travailler à leur découpage différemment.  

Le ministère l'assure, il veut « laisser un peu plus la main aux territoires. On a entendu les élus qui nous ont dit bien connaître les quartiers. On leur fait confiance pour trouver les bons périmètres ». 

« Le travail fin commence », répète-t-on. Celui qui va déterminer les quartiers qui restent et ceux qui sont amenés à sortir de la politique de la ville. Des rumeurs estiment que 200 quartiers pourraient entrer et 150 en sortir. Il est cependant trop tôt pour de quelconques conclusions, se borne à répondre le ministère. 

Ce qui est certain en revanche, c'est que les territoires qui ne seront plus retenus dans la géographie politique de la ville ne deviendront pas des « territoires de veille ». Le ministère abandonne ce concept de la loi Lamy qui semble avoir déçu tout le monde. « Mais on verra comment les accompagner ».

La liste définitive des quartiers ne sera donc connue qu'en janvier 2024. Ce qui laisse à penser qu'il ne sera pas possible de signer les contrats, en réalité, avant mi-2024.

Le dernier changement portera sur leur nom – on sait que le ministre souhaiterait les rebaptiser. 

Question financements, les élus ne doivent pas compter sur de grands soirs, puisqu’il n'est pas prévu de loi de programmation. Quant à des financements supplémentaires, tout le monde attend les arbitrages sur Quartier 2030...

L'autre question qui taraude les maires, c'est celle de la convergence entre la géographie de la politique de la ville et celle de l'éducation prioritaire pour éviter le phénomène des « écoles orphelines ». Un chantier à l’œuvre, assure-t-on côté ministère de la Ville, celui de l’Éducation nationale préfèrant, lui, ne pas commenter. Mais « les directions des ministères y travaillent », assure-t-on de source ministérielle. Mais les deux cartographies ne seront pas revues en même temps, celle de la politique de la ville est pour janvier 2024, quand celle de l'Éducation nationale n'est pas annoncée avant septembre 2024. Le but est « au moins de rester sur la convergence actuelle », à savoir près de 70 % de QPV en éducation prioritaire.

La ville aussi a sa concertation nationale 

Le ministère a lancé la concertation « quartiers 2030 », et installé pour cela la semaine dernière (le 6 mars) la commission « participation citoyenne des quartiers ». Elle a été confiée à Mohamed Mechmache, co-auteur  il y a dix ans d'un rapport Pour une réforme radicale de la politique de la ville. Ça ne se fera plus sans nous, président fondateur de la coordination Pas sans nous. Elle doit durer quinze mois. Son but : construire et faciliter la participation des habitants dans les projets des quartiers. En trois étapes : la première, de début avril jusqu'à la fin mai, est de « soutenir et accompagner les dynamiques locales de concertation ».  La deuxième, qui doit durer tout l'été, « voire au-delà »,  vise « à suivre la façon dont la parole des habitants s'inscrit dans les contrats de ville ». La troisième et dernière doit coïncider avec la signature des contrats de ville. Et donc vérifier le passage « de l'écrit aux réalisations ». 

Le cabinet du ministre l'assure, « ce n'est pas la fin des conseils citoyens ». Ils restent une option, mais sans exclusive. Avec un principe : « Là où les conseils citoyens fonctionnent, on les maintient et on s'appuie sur cette dynamique pour recueillir la parole des habitants. Mais on peut inventer d'autres modes de concertation ». En résumé, le ministère préfère miser sur la « diversification des formes et modalités de participation ».  Cette orientation fait écho aux attentes exprimées par les élus de l’AMF qui avaient demandé un assouplissement des modalités de la participation citoyenne, 
lors des travaux de la commission de réflexion sur le futur des contrats de ville, en janvier 2022. La commission est chargée de donner le « cadre éthique »  de cette concertation. De façon à « n'oublier personne », notamment que les « jeunes, personnes âgées, précaires, qu'on n'entend pas forcément puissent participer au débat ». 

Autant de sujets qui alimenteront sans doute la prochaine commission politique de la ville de l'AMF, qui se réunit ce mercredi 22 mars. 


 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2