Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 20 janvier 2020
Politique de la ville

Jean-Louis Borloo mise sur l'obligation de moyens pour relancer la politique de la ville

L’ancien ministre Jean-Louis Borloo a rompu sa « diète médiatique ». Il était invité à livrer sa vision sur la politique de la ville et son actualité par la commission des affaires économiques du Sénat, mercredi 15 janvier.  Sa présidente, Sophie Primas (LR), savait qu'il n'allait pas user de langue de bois. Les élus de différents bords politiques attendaient visiblement cette parole pour porter la politique de la ville sur le devant d'une actualité où elle brille par sa discrétion.
Jean-Louis Borloo ne s’était pas exprimé dans une instance politique depuis la fin de non-recevoir opposée par le gouvernement aux propositions de son rapport "Vivre ensemble, vivre en grand la République, pour une réconciliation nationale", rendu au printemps 2018. « Je viens comme citoyen parler à des citoyens en charge, je ne veux aucune polémique », a-t-il posé d’emblée, balayant d’un revers toute interprétation sur un éventuel calendrier politique.

 
Le constat d'une politique à l'arrêt
Questionné par des sénateurs dont beaucoup ont été maires de villes au cœur des quartiers, Jean-Louis Borloo a dressé un bilan plus inquiet qu'il y a trois ans. Inquiet et déçu. Car « une grande partie de la France n’est pas dans le train du développement économique et social de notre pays ». « Entre le taux de chômage général de la jeunesse et le taux hallucinant de non-participation au développement économique de zones délaissées - les quartiers en grande difficulté, des bassins et zones rurales dévitalisées et l'outre-mer », ce sont près de « 10 millions d’habitants qui ne contribuent pas comme ils pourraient le faire à la croissance de notre pays »  estime-t-il. Une critique qu'il se permet, pour avoir été « le père, avec le soutien de Thierry Breton alors ministre »  des Finances du « premier plan de cohésion sociale (en 2005) ayant été le principal moteur de croissance de l’époque ». 


Des priorités identifiées
Pour Jean-Louis Borloo, « le premier investissement »  doit être « dans (ces) ressources humaines ». Notamment la jeunesse. « La richesse de notre jeunesse, sa puissance, ses capacités sont là. Trois fois plus de moins de 20 ans qu’ailleurs »  insiste-t-il. Concernant toujours l'humain, Jean-Louis Borloo alerte sur le manque d'ambition dans la lutte contre l'illettrisme et l'illectronisme. « Nous avons le plus haut taux d’illettrisme de l’OCDE. Si nous rajoutons l’illectronime, nous atteignons 14 millions de personnes. N'est-ce pas un petit sujet cela ? ».
S'agissant du renouvellement urbain, son « autre »  bébé, il dénonce une politique « à l’arrêt ». La critique est presque lasse lorsqu'il évoque « les petits hommes gris »  de Bercy qui compliquent drastiquement les choses, en demandant par exemple « un plan de population à 37 ans, des préfigurations à ne plus finir, 61 réunions de préfiguration à Marseille. De qui se fiche-t-on ? ». Sa critique s’est aussi exprimée durement par des silences… comme ce soupir, en réponse à la question des sénateurs sur la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires.

 
Trois actes proposés 
S'il y avait un outil à mettre en place en urgence pour Jean-Louis Borloo, ce serait la cour d'équité territoriale. Elle figurait dans les propositions de son rapport. Elle n'avait alors pas forcément reçu le soutien des maires de France. Mais l'idée a été reprise l'été dernier par les assises nationales pour l'égalité territoire, de la Courneuve. « Ce qui compte c’est l'obligation de moyens », insiste Jean-Louis Borloo. « Une cour d’équité doit pouvoir dire quels sont les moyens effectivement mis pour rétablir ces écarts constatés (dans les politiques déployées) ». Cela concernerait aussi bien l'État que « les chambres consulaires, les régions, départements, métropoles, etc. ».
Autre sujet pointé par Jean-Louis Borloo, « les marchands de sommeil dans les pavillons ». « Les maires savent que le sujet aujourd'hui, c’est cela : des pavillons découpés en 22 parts. La procureure ou le divisionnaire le savent aussi mais n’ont pas tous les moyens d'agir. La législation n'est pas tout à fait adaptée, mais ce serait facile à régler. » 
Dernier acte politique proposé – et suggéré aux sénateurs, la création d'une commission d'enquête pour comprendre « pourquoi la rénovation urbaine s’est arrêtée sans que personne ne l’ait décidé ».

Emmanuelle Stroesser

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