Dans les quartiers, la Cour des comptes suggère de transformer l'abattement de taxe foncière des bailleurs sociaux
Par A.W.

L'abattement de taxe foncière dont bénéficient les bailleurs sociaux souffre « de nombreuses imperfections, qui justifient de le réformer ». Après l’ancienne ministre de la Ville, Juliette Méadel, qui l’avait dans son viseur, c’est au tour de la Cour de comptes de s’attaquer à ce dispositif fiscal de la politique de la ville instauré en 2001 qui permet de compenser la dégradation des parties communes des immeubles HLM et leurs abords.
En ces temps de contraintes budgétaires, l’enjeu est important à la fois pour les bailleurs sociaux, l’Etat mais aussi les collectivités. Estimé à 315 millions d’euros en 2024, cet abattement constitue, en effet, une perte de recette fiscale non négligeable pour ces dernières puisqu’elle n’est compensée par l’État qu’à hauteur de 40 % (126 millions d’euros). L’an passé, elles ont donc perdu quelque 189 millions d’euros du fait de ce dispositif fiscal.
Un pilotage « peu lisible »
Pérennisé jusqu’en 2030, cet abattement permet aux bailleurs sociaux de bénéficier, dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV), d'une réduction de 30 % de la taxe foncière. En contrepartie, les organismes HLM doivent mettre en place des actions, des projets ou des travaux, visant à améliorer le cadre de vie des habitants et la qualité des services qu’ils rendent dans ces quartiers. Des contreparties qui sont d’ailleurs précisées dans une convention triennale (signée entre l’État, les collectivités territoriales et les bailleurs) et annexées au contrat de ville.
Seulement, celui-ci comporte des « imperfections multiples », constatent les magistrats financiers. D'abord, ils pointent un pilotage « peu lisible » et « à géométrie variable ». Selon eux, le rôle de chaque acteur à l’échelon national est « difficile à appréhender » et celui de l’État est « morcelé » entre trois directions et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
En outre, « aucun outil n’existe pour le suivi des conventions d’abattement au plan national ou pour comparer les actions des bailleurs sociaux et leurs coûts hors et dans les QPV ». Sans compter qu’« aucune entité centrale de l’État ne dresse de bilan ou d’évaluation du dispositif », seule l’Union sociale pour l’habitat (USH) s’y attelle mais est « partie prenante » puisqu’elle est représentante des bailleurs sociaux. Par ailleurs, la Cour juge « faible » la connaissance de l’emploi de la dépense fiscale, bien que celle-ci ait bondi de 85 % entre 2019 et 2024, du fait notamment de la réforme de la taxe foncière.
Contrôle « faible » et « inégal »
Elle estime également qu’il faudrait « recentrer » l’usage du dispositif sur sa « finalité initiale ». « Faute de définition précise », certaines actions financées par cet abattement relèvent ainsi de « l'entretien normal ». Et « faute d'obligation précise » là aussi, elles sont parfois « reportées d'une année sur l'autre » ou « déployées dans un autre QPV » . « Un meilleur cadrage (...) s’impose donc », selon la Cour.
Elle critique aussi un « contrôle de la réalité des actions menées au titre de l’abattement (...) faible et inégal selon les territoires ». De plus, elle rappelle que la restitution totale ou partielle de l’abattement, dans le cas où le montant des contreparties est inférieur au montant de l’abattement, n’est pas prévue. « Les préfets et les maires ne disposent pas de leviers d'action, sauf à dénoncer la convention d'utilisation de l’abattement de TFPB, ce qui constitue une sanction peu adaptée », soulignent les magistrats financiers.
Afin de corriger cette situation, ils réclament « a minima » le renforcement des contrôles, mais suggèrent également d’étudier la possibilité de transformer cet abattement en « un dispositif de subvention plus classique, à l’instar des autres outils de la politique de la ville ».
Les bailleurs très « réservés » sur une subvention
Une idée qui ne convainc guère puisque l'Union sociale pour l’habitat (USH), comme l’ANCT, ont fait part de leurs « réserves » - si ce n’est de leur « très grandes réserves » - quant à cette hypothèse, dans leur réponse à la Cour.
Se disant « très attaché » à ce dispositif, l'USH souligne « la souplesse et la flexibilité » du dispositif actuel, alors que « le passage à un modèle de subvention risquerait d’introduire une logique d’appel à projets inadaptée » qui « risquerait d’alourdir les procédures administratives, de fragiliser la gouvernance partagée installée entre État, collectivités et bailleurs, et de priver les territoires de la visibilité pluriannuelle que permet aujourd’hui la convention d’abattement TFPB ».
Même chose du côté de l'ANCT qui estime, toutefois, qu’un « meilleur pilotage, une clarification des rôles et un suivi avec des instances de contrôle mieux définies pourraient permettre de conserver une souplesse dans le financement de projets locaux répondant à des enjeux spécifiques aux quartiers ».
Plus globalement, le rapport de la Cour recommande donc de s'assurer de la transmission aux préfectures des montants exonérés, de renforcer le système de contrôle, mais aussi d’élaborer un guide des bonnes pratiques et de permettre la remise en cause - partielle ou totale - d'« un abattement non dûment justifié ».
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