Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 23 avril 2019
Ecole

Petits-déjeuners gratuits dans les écoles : toujours beaucoup de questions sur le périmètre et le financement de la mesure

Le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, en visite ce matin dans une école de Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise, a donné quelques détails sur la mesure annoncée en septembre et relancée début avril : les petits-déjeuners gratuits dans les écoles des quartiers en difficulté.
Dans les écoles du réseau REP+, ce serait jusqu’à un cinquième des enfants qui arrivent en classe le ventre vide, selon une étude du Crédoc de 2015. En septembre dernier, le Plan pauvreté dévoilé par le gouvernement prévoyait donc un « fonds petit-déjeuner au bénéfice des territoires prioritaires sous forme de dotation d’État dédiée ». Le 7 avril, la secrétaire d’État auprès de la ministre de la Santé, Christelle Dubos, annonçait que la mesure allait être expérimentée dès maintenant dans huit académies, avant d’être « généralisée »  à la rentrée prochaine. Ces huit académies test sont Amiens, La Réunion, Lille, Montpellier, Nantes, Reims, Toulouse et Versailles.
Ce matin, Jean-Michel Blanquer a pour la première fois chiffré la dotation qui sera consacrée à cette mesure : ce sera 12 millions d’euros en année pleine, et six millions pour 2019 puisque la mesure n’entrera en vigueur qu’en septembre. La mesure, a également annoncé le ministre, « concernera à terme 100 000 enfants ».
Ces chiffres – effectifs concernés et montants – interrogent : sur le site du ministère, dans la rubrique « chiffres clés 2018 », il est indiqué que plus de 1,1 million d’enfants sont scolarisés dans le premier degré en zone REP (715 174 enfants) et REP+ (459 949). Si la somme annoncée par le ministre s’appliquait à l’ensemble des enfants concernés, elle représenterait donc la somme dérisoire de … 10,2 euros par élève et par an.
Mais le gouvernement parle bien de « 100 000 enfants concernés », c’est-à-dire environ 10 % des enfants scolarisés en REP et REP+ dans le premier degré. Christelle Dubos avait expliqué, dès le début avril, que la dotation serait attribuée au cas par cas, « après estimation du besoin, sur la base de diagnostics territoriaux réalisés en lien avec les communes, associant les parents et la communauté éducative ». On comprend donc bien que la dotation elle-même sera attribuée à certaines écoles seulement. Mais la mesure elle-même sera-t-elle obligatoire pour toutes les écoles du réseau prioritaire – le ministre a bien parlé ce matin de « généralisation »  – ou seulement aux 100 000 élèves cités ? Et sur quels critères ? La mesure devra-t-elle être appliquée tous les jours, ou seulement une partie de la semaine ? Pour l’instant, le ministère n’a pas donné ces informations.

Prise en charge insuffisante ?
Si l’on se fonde sur le chiffre de 100 000 élèves donné par le ministre, cela donne une aide de 120 euros par élève et par an, ce qui est très certainement très en-deçà du coût réel qui sera supporté par les communes. Pour les deux écoles de Pont-Sainte-Maxence visitées par Jean-Michel Blanquer ce matin, où des petits-déjeuners sont servis aux enfants non pas tous les jours mais deux jours par semaine, le maire, Arnaud Dumontier, estime la dépense supportée par la commune à « 3 000 euros par trimestre ». Agnès Le Brun, maire de Morlaix, posait donc la question début avril dans les colonnes de Maire info : « Qui va payer ? Qui va assurer le service ? Je doute que cela soit les enseignants. Cela va donc incomber aux Atsem – qui sont, je le rappelle, des personnels municipaux ? Cela pourrait demander toute une logistique, de la formation, des réaménagements d’horaire. Pour l’instant, nous ne savons rien de tout cela. » 
Sur cette question, comme sur la proposition gouvernementale d’instaurer des tarifs sociaux à 1 euro pour les cantines, l’AMF et Villes de France se sont exprimées, par communiqué, le 11 avril. Si les deux associations soutiennent « toute initiative qui vise à garantir à tous les enfants des repas équilibrés au sein du milieu scolaire », elles se montrent réservées sur les modalités de mise en œuvre choisies par le gouvernement, et demandent que les « bonnes idées »  de celui-ci ne soient pas payées par les communes. Sur la question spécifique des petits-déjeuners, l’AMF et Villes de France insistent pour que « cette mesure soit intégralement prise en charge par l’État, dans la mesure où il s’agit d’éducation alimentaire faite sur un temps scolaire relevant de l’Éducation nationale ». Avec les 12 millions annoncés, il n’est pas certain que le financement « intégral »  soit assuré, selon la logique prônée inlassablement par l’AMF dans le domaine des relations entre l’État et les collectivités locales : « Qui paye décide, qui décide paye ».
F.L.


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