Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 7 janvier 2022
Élection présidentielle

Parrainages : l'AMF interpellée par un candidat, David Lisnard répond

Éric Zemmour a demandé hier au président de l'AMF, David Lisnard, d'intervenir dans le processus de collecte des parrainages en constituant un « pool de signatures ». Le maire de Cannes a rappelé que ce n'était en aucun cas de la compétence de l'AMF, tout en appelant à une « réflexion » sur ce sujet. 

Par Franck Lemarc

À vingt jours du début de la collecte des présentations (ou « parrainages » ), la question se pose une nouvelle fois de la difficulté que rencontrent certains candidats à obtenir les 500 précieux documents. 

Le jeudi 27 janvier prochain, comme l’a précisé récemment le ministère de l’Intérieur dans une circulaire, paraîtra le décret de convocation des électeurs pour l’élection présidentielle, ce qui donnera le signal de départ à la collecte des parrainages auprès des élus locaux (lire Maire info du 24 décembre 2021). Mais comme à chaque scrutin présidentiel, des candidats, y compris bien placés dans les sondages, se plaignent des difficultés qu’ils rencontrent pour recueillir les « 500 signatures »  nécessaires pour voir leur candidature validée par le Conseil constitutionnel.

L’AMF interpellée

Déjà avant les fêtes, le maire de Béziers, Robert Ménard, s’était adressé au président de l’AMF pour lui demander de plaider auprès du gouvernement pour une « anonymisation »  des parrainages. « La publicité [des parrainages] pose un véritable problème pour notre démocratie, voire un danger », écrivait notamment le maire de Béziers, qui disait ne pas comprendre que « la même règle que celle qui régit le scrutin des citoyens », c’est-à-dire le scrutin secret, ne soit pas appliquée à la collecte des parrainages. « Je vous propose de porter notre voix auprès du président de la République et de proposer l’abrogation de cette disposition ».

Hier c’est le candidat Éric Zemmour qui, à son tour, a interpellé le président de l’AMF, pour lui demander d’intervenir. « Je lui propose de demander aux maires de faire un ‘’pool’’ de signatures et de donner les signatures à tous les candidats qui sont au minimum, je ne sais pas, à 5 ou 8% dans les sondages, c'est lui qui décidera. Que les noms (des maires) ne veuillent plus rien dire puisque ce sera décidé par tous les maires. Je pense que ce serait une mesure démocratique », a expliqué le polémiste sur Europe 1. 

« Relayer les préoccupations des maires » 

Dans un communiqué publié hier, David Lisnard a répondu à cette interpellation, avec deux niveaux d’argumentation. 

Le premier est de rappeler que « la définition de la règle de parrainage des candidats est du seul ressort législatif », et que, par ailleurs, « l’AMF est une association qui ne donne jamais une directive à ses membres, dans aucun domaine. [Elle] est au service des maires, dans le respect de leur indépendance, et ne peut se substituer à eux dans l’exercice de leurs compétences. Le ‘’droit de présentation’’ (dit parrainage) qui est reconnu aux maires est d’ailleurs une compétence individuelle et tracée. L’AMF ne peut être, et n’a pas à être, l’intermédiaire entre les maires et les candidats à l’élection présidentielle en recherche de leurs 500 parrainages. » 

À un second niveau, le maire de Cannes estime que le rôle de l’AMF est aussi de « relayer les préoccupations des maires », et, dans cet objectif, dit « souhaiter que le gouvernement fasse connaître son approche et ses éventuelles intentions sur la question », regrettant que cela n’ait pas été fait plus tôt, puisque « c’est en début de quinquennat qu’il faut s’interroger sur l’évolution éventuelle [de ces] règles. »  David Lisnard annonce qu’il a saisi de cette question le Bureau de l’AMF, qui aura à se prononcer « sur le dispositif actuel et formuler[a], le cas échéant, des propositions, hors de toute pression ». 

La publicité des parrainages

Rappelons que la publicité des noms des « parrains »  des candidats est une position constante, depuis 1974, du Conseil constitutionnel – qui, rappelons-le, est le juge de l’élection présidentielle. C’est d’ailleurs celui-ci qui a milité pour une publication intégrale du nom de tous les parrains, plutôt que, comme c’était le cas avant 2017, de celui de 500 parrains tirés au sort. Cette situation était en effet jugée inégalitaire par le Conseil constitutionnel, puisque, pour les candidats ayant recueilli à peine plus de 500 parrainages, cela impliquait la publication de tous leurs parrains, quand ceux qui avaient obtenu 2 000, 3 000 parrainages ou plus n’en voyaient publiée qu’une fraction.

En 2012, dans leurs « observations »  publiées après le scrutin présidentiel, les Sages avaient également relevé que le système actuel des parrainages « atteint ses deux principaux objectifs », à savoir : écarter les candidatures « fantaisistes », et « permettre à tous les grands courants de la vie politique française d’être présents au premier tour du scrutin ». Le Conseil constitutionnel notait d’ailleurs que certains de ces candidats recueillaient une « faible, voire très faible part des suffrages exprimés », ce qui signifie que le dispositif « ne sert pas l'accès au premier tour de scrutin aux seuls candidats qui bénéficient d'un minimum de représentativité dans la vie politique française ». 

On peut ajouter en outre que la publication intégrale du nom des parrains n’a pas eu de conséquences sur le nombre de candidats qui ont été en mesure de se présenter : 12 en 2007, 10 en 2012, et 11 en 2017, c’est-à-dire après la réforme. 

Les pistes de réforme

Il n’en demeure pas moins que depuis des années, ce système fait débat non seulement chez les candidats potentiels mais également chez les maires. 

La première piste de réforme – mais il apparaît clairement que le Conseil constitutionnel y est farouchement opposé – serait de revenir à l’anonymat des parrainages.

Une autre piste, comme le rappelle David Lisnard dans son communiqué, avait été proposée en son temps par un de ses prédécesseurs à la tête de l’AMF, Jacques Pélissard. Celui-ci avait suggéré, en 2007, que les maires puissent accorder non pas un mais deux parrainages, « l’un de soutien et l’autre républicain », en maintenant par ailleurs le caractère public de ces présentations. 

Une autre piste a été préconisée, en 2007, par Édouard Balladur, chargé alors d’une mission officielle sur la modernisation des institutions de la Ve République. L’ancien Premier ministre estimait alors, sans ambages, que le système actuel avait « vécu »  et devait être réformé. Il proposait un élargissement important du nombre de parrains potentiels (actuellement de l’ordre de 50 000), en le portant à 100 000. Les 50 000 parrains supplémentaires pourraient être désignés, proposait Édouard Balladur, parmi les conseillers municipaux, et appelés à s'exprimer par vote à bulletin secret, par départements, le candidat qu’il souhaitent parrainer. 

Enfin, une autre réforme est depuis longtemps évoquée : beaucoup plus ambitieuse, elle consisterait à mettre en place un système de parrainages citoyens. 

Cette réforme – à laquelle le président de l’AMF, David Lisnard, s’est dit hier favorable « à titre personnel »  – a été prônée par un autre Premier ministre, Lionel Jospin, dans son rapport intitulé Pour un renouveau démocratique et rendu en 2012. Il proposait alors un parrainage par 150 000 citoyens pour pouvoir se présenter. Il relevait que le dispositif des 500 parrainages d’élus « fait peser une incertitude sur la possibilité, pour certains courants, d’être représentés », et que, par ailleurs, il « ne prémunit pas contre le risque d’un nombre de candidatures trop élevé ». « La présence de seize candidats au premier tour de l’élection présidentielle de 2002 a constitué à cet égard une alerte sérieuse », notait Lionel Jospin, qui savait à cet égard de quoi il parlait. 

Cette proposition est restée lettre morte, jusqu’à ce qu’elle soit reprise, en octobre 2020, via une proposition de loi du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale, ayant pour objectif affiché de « traduire la proposition de Lionel Jospin dans la loi ». Le texte prévoyait 150 000 parrainages d’électeurs inscrits dans 30 départements différents, chaque citoyen signataire devant envoyer un formulaire officiel au Conseil constitutionnel, accompagné d’une copie de sa pièce d’identité, avec un envoi préalable à chaque électeur, par voie postale, d’un formulaire vierge.

Ce qu’en pense le gouvernement

Le débat sur cette proposition de loi, le 6 mai 2021, avait eu le mérite de faire connaître la position du gouvernement sur cette question. Il s’y était clairement « opposé ». D’abord pour des raisons « opérationnelles », puisque le dispositif supposerait que le Conseil constitutionnel, en présence par exemple de 10 candidats, ait à vérifier 1,5 million de parrainages (au moins) en une vingtaine de jours. 

Par ailleurs, la proposition de loi suggérait de maintenir, parallèlement, les parrainages des maires. Avec le risque, selon la représentante du gouvernement, de « mettre en présence d’un côté les candidats issus de parrainages citoyens et, face à eux, les candidats bénéficiant du parrainage des élus ». Le gouvernement n’y était pas favorable, estimant que « le parrainage par les maires constitue un moyen de concilier la clarté du scrutin et la diversité de l’offre politique. Nous sommes profondément convaincus qu’il s’agit du meilleur instrument pour permettre une représentation cohérente de l’offre politique lors de l’élection présidentielle ». 

La ministre avait toutefois promis, à cette occasion, « une réflexion avec l’ensemble des groupes politiques sur les voies et moyens (permettant) de perfectionner la procédure permettant l’élection du président de la République ». Cette réflexion n’a, finalement, pas eu lieu pour le moment.

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