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Édition du mardi 9 avril 2024
Handicap

Paiement des AESH par l'État pendant la pause méridienne : le texte franchit une nouvelle étape

La proposition de loi du sénateur Cédric Vial « visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien », adoptée par le Sénat fin janvier, l'a également été à l'Assemblée nationale, hier. Elle va néanmoins repartir au Sénat, avec l'objectif d'une entrée en vigueur dès la rentrée prochaine. 

Par Franck Lemarc

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Le dossier avance : il y a désormais toutes les raisons de penser que dès la rentrée prochaine, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) seront payés par l’Éducation nationale lorsqu’ils aident les enfants à manger à la cantine pendant la pause méridienne. Le texte de Cédric Vial allant dans ce sens a en effet adopté à l’Assemblée nationale, avec l’accord du gouvernement et de la majorité présidentielle.

Une décision aux multiples conséquences

Ce texte vise à régler une situation épineuse qui date d’une décision du Conseil d’État de 2020 : la haute juridiction administrative avait alors jugé qu’il ne revient pas à l’Éducation nationale de prendre en charge les AESH en dehors du strict temps scolaire. En d’autres termes, un AESH est bien payé par l’Éducation nationale lorsqu’il intervient pendant les cours, mais pas pendant la pause méridienne, lorsque l’enfant a besoin, par exemple, d’un accompagnement à la cantine. Il revient alors à la collectivité (commune, département ou région selon que l’on soit en primaire, au collège ou au lycée) de payer les heures. 

Cette décision a représenté une charge importante pour les collectivités, a compliqué la vie des AESH qui se sont retrouvés à avoir deux employeurs sur la même journée, et a posé des problèmes spécifiques dans les écoles privées sous contrat d’association : dans ce cas en effet, les fonds perçus par les communes au titre du forfait scolaire ne peuvent servir à couvrir des dépenses pendant le temps périscolaire. Les écoles privées, pour payer les AESH, n’avaient donc pas d’autres choix que de faire payer le service aux familles concernées.

L’AMF porte ce sujet depuis 2020, en insistant sur le fait que c’est bien l’État qui est garant de la scolarisation et de la continuité de la prise en charge de l’enfant en situation de handicap à l’école, dans une logique d’inclusion, et qu’il lui revient donc de financer la mise à disposition des AESH sur le temps méridien.

« Avancée importante », selon le gouvernement

Le sénateur Cédric Vial, ancien maire des Echelles (Savoie), a pris le problème à bras-le-corps en présentant, l’été dernier, une proposition de loi simple et concise, modifiant le Code de l’éducation pour y inscrire que « l’État est responsable de la rémunération du personnel affecté à l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne ». Bonne surprise : le gouvernement s’est montré favorable à cette proposition, dès le débat en séance publique au Sénat, en janvier, estimant que le texte « règle des problèmes complexes »  et « apporte de la visibilité ». 

Dès lors, le suspense n’était plus de mise : le texte va aller au bout de son parcours. Une nouvelle étape a été franchie hier, avec l’adoption de celui-ci à l’Assemblée nationale, à l’unanimité. Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation nationale, a rendu hommage à « la mission indispensable »  effectuée par les AESH. « Garantir la continuité de l’accompagnement humain (…) en incluant donc le temps méridien, est une nécessité, et c’est un pas supplémentaire en faveur de l’inclusion. »  La ministre a rappelé que les AESH sont aujourd’hui au nombre de 140 000 et représentent, en effectif, « le deuxième métier de l’Éducation nationale ». Ce texte, a ajouté Nicole Belloubet, « permettra une simplification de la gestion du personnel, du fait de l’arrêt du cumul d’emploi entre État et collectivités, (ce qui) conduira à une meilleure mobilisation du personnel. (…) Ce texte constitue une avancée véritablement importante. Mais il devra s’accompagner d’une réforme de plus grande ampleur, sur les modalités de prescription. »  La ministre a annoncé le lancement à venir d’une « concertation sur ce sujet avec tous les acteurs », au premier rang desquels les MDPH. 

Globalement, les députés qui se sont exprimés lors des débats se sont montrés favorables à cette réforme, bien que certains en déplorent le caractère insuffisant. D’autres en ont profité pour soulever d’autres problèmes connexes, en particulier le nombre insuffisant d’AESH, comme la députée socialiste de la Seine-Saint-Denis Fatiha Keloua Hachi : « Dans mon département il manque 40 % d’AESH. Pour 100 élèves en situation de handicap, il y a 60 AESH. Cela veut dire que concrètement, le Pial [Pôle inclusif d’accompagnement localisé] va devoir trouver des solutions de rafistolage pour que les élèves puissent avoir un AESH. Cette proposition de loi est tout à fait positive pour les collectivités et pour les familles, mais il va falloir que l’Éducation nationale fasse face à la réalité ». 

Seule modification apportée par l’Assemblée nationale au texte de Cédric Vial, en dehors de quelques amendements rédactionnels : la date d’entrée en vigueur de la réforme. Le texte initial ne prévoyait rien en la matière, ce qui, par défaut, signifiait que celle-ci serait entrée en vigueur dès la promulgation de la loi. Afin de « garantir un délai d’organisation raisonnable aux services déconcentrés du ministère de l’Éducation nationale et des collectivités territoriales », les députés ont adopté un amendement fixant l’entrée en vigueur de la réforme au 1er septembre 2024. 

Le texte n’ayant pas été adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat, la navette reprend, et le texte repart en deuxième lecture au Sénat, avant de revenir pour une adoption définitive à l’Assemblée. Il faudra aller vite, pour une adoption avant la suspension des travaux du Parlement, fin juin. 

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