Maire-info
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Édition du jeudi 2 mai 2024
Numérique

Réguler l'usage des écrans chez les jeunes : les collectivités sont concernées

Le rapport élaboré par une Commission d'expert à la demande du président de la République sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans a été rendu mardi au gouvernement. De nombreuses propositions impliquent directement les collectivités.

Par Lucile Bonnin

C’est ce mardi qu’Emmanuel Macron s’est vu remettre le rapport qu’il avait commandé à une commission d’experts concernant l’accès des plus jeunes aux écrans : « Déterminer le bon usage des écrans pour nos enfants, à la maison comme en classe : c’est l'objet du rapport qui m'a été remis (…), a indiqué sur X le président de la République. J’ai donné un mois au gouvernement pour examiner ses recommandations et les traduire en actions. » 

À l’occasion d’une question au gouvernement ce même jour, le député Antoine Vermorel-Marques (LR) a interpellé le ministre sur le sujet considérant que si l’écran était à ses débuts « une révolution », « pour les jeunes d’aujourd’hui c’est une soumission ». Ce dernier appelle notamment le gouvernement à « légiférer dès maintenant ». 

Le chef du gouvernement Gabriel Attal a estimé que « tout le monde doit balayer devant sa porte, y compris l’État et l’Éducation nationale et les collectivités locales impliquées dans l’Éducation nationale ». 

Changement de paradigme dans les établissements 

Le Premier ministre a rappelé qu’un certain nombre de mesures ont déjà été prises pour mieux protéger les plus jeunes des écrans comme l’interdiction du portable au collège par exemple. Il s’est également dit favorable à l’instauration d’une majorité numérique à 15 ans. 

Par ailleurs, le Premier ministre s’est dit favorable à ce que la proposition de loi visant à réguler l'usage des écrans pour les enfants en bas âge et visant notamment à interdire l'utilisation des écrans dans les crèches et chez les assistantes maternelles puisse être adoptée (lire Maire info du 8 avril). 

L’enjeu, selon le rapport d’experts de plus de 140 pages, est d’établir « une stratégie cohérente, maîtrisée et évaluée sur la place du numérique à l’école »  mais aussi dans les lieux d’accueil des plus jeunes. 

Les auteurs mettent en lumière la nécessité de recadrer « la politique d’équipement de l’école en matériels numérique ». La commission considère que « le partage des compétences entre acteurs (État, collectivités territoriales, établissements…) conduit à des politiques en matière d’équipements des établissements en matériels numériques insuffisamment coordonnées, trop peu reliées aux projets et aux usages pédagogiques (…) La Commission propose ainsi d’organiser une véritable remise à plat (…) afin que chaque écran qui rentre à l’école soit associé à des finalités pédagogiques identifiées, soit proportionné aux besoins et soit accompagné de l’information et de la formation nécessaires à son utilisation ».

Le rapport est favorable à ce qu’il n’y ait pas d’équipements individuels confiés aux enfants à l’école élémentaire et à ce que les écrans « ludiques »  (diffusion de dessins animés par exemple) sur le temps périscolaire soient proscrits. 

Le député Antoine Vermorel-Marques a rappelé dans l’hémicycle que la Suède, « après avoir donné en premier des ordinateurs à tous ses élèves », « a sonné le retour des manuels scolaires ». Le ministre a reconnu de son côté « que dans un certain nombre d’établissements les manuels ont été remplacés par les écrans ». Cependant, les écrans peuvent avoir une visée pédagogie notamment les « logiciels fondés sur l’intelligence artificielle qui peuvent aider notamment dans la remédiation scolaire et l’accès aux savoirs pour les élèves à besoins particuliers ».

Si on ne semble pas se diriger vers un retour en exclusivité des manuels papiers, le gouvernement semble vouloir trouver un juste milieu en repensant certaines « politiques ». Espérons que ces nouvelles ambitions ne pénalisent pas les efforts qui ont été fournis ces dernières années par les collectivités pour s’équiper. Si, comme le pointe le rapport, « le niveau d’équipements reste très inégal selon les territoires, et globalement plutôt en retrait par rapport à nos voisins européens ; certains dispositifs se déploient toutefois depuis une vingtaine d’année de façon plus généralisée comme, par exemple, les tableaux numériques interactifs à l’école élémentaire. Ainsi, selon la DEPP, le nombre de tableaux numériques interactifs est passé de 2 pour 1 000 élèves dans les écoles élémentaires en 2009 à 17 pour 1000 élèves en 2019 ». De même, le nombre d’élèves par ordinateur est ainsi passé entre 2009 et 2019, de 25,3 à 15,9 élèves pour un ordinateur en maternelle, de 11,6 à 6,9 en élémentaire. 

Lieux d’accueil 

Le rapport souligne enfin qu’il serait bénéfique d’ « organiser un accès progressif des jeunes aux écrans et à certains usages ». La Commission recommande par exemple de limiter autant que possible l’usage des téléphones portables dans les maternités et d’accompagner les parents à un usage aussi modéré que possible des écrans de télévision dans les chambres. « La Commission propose par ailleurs d’interdire l’usage des "jouets connectés" destinés aux enfants de moins de 6 ans à l’exclusion des boites à histoire connectées ». La priorité est de préserver les jeunes enfants des écrans et ce aussi bien à la maison que dans des lieux d’accueil.

Ainsi, les experts considèrent que « les écrans doivent être bannis des espaces dédiés aux enfants au sein des lieux d’accueil du jeune enfant »  (pas d’écrans dans les crèches par exemple, en dehors bien entendu des bureaux ou services administratifs auxquels les enfants ne sont pas supposés avoir accès). « Dans les situations pour lesquelles les enfants sont pris en charge dans des espaces équipés d’écrans, par exemple chez les professionnels qui font de l’accueil à domicile, ces écrans ne doivent pas être utilisés en présence des enfants, que ce soit en simple « fond »  ou pour les « occuper ». La Commission plaide donc en faveur de la mise en place d’actions renforcées auprès des assistantes maternelles et des « nounous », via les collectivités territoriales, les caisses d’allocation familiales (CAF) et les services de protection maternelle et infantile (PMI) notamment, pour sensibiliser davantage encore les professionnels qu’ils ne le sont actuellement sur les dangers des écrans pour les tout-petits et sur les pratiques vertueuses à adopter en la matière ». 

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