Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 23 mai 2024
Numérique

Location touristique, cyberprotection, jeux en ligne : ce que contient la loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique

La loi visant à « sécuriser et réguler l'espace numérique » a été publiée au Journal officiel hier. Elle prévoit notamment la création d'un outil pour permettre aux communes d'accéder aux données des plateformes de location saisonnières comme AirBnB.

Par Lucile Bonnin

C’est en mai 2023 que le gouvernement a présenté un projet de loi visant à « sécuriser et réguler l'espace numérique »  (loi SREN). Une année plus tard, le projet de loi a été définitivement adopté le 10 avril 2024 par le Parlement puis publiée au Journal officiel ce mercredi 22 mai après son passage devant le Conseil constitutionnel. Plusieurs dispositions concernent directement ou indirectement les élus et les collectivités.

Souveraineté des données et cyberprotection 

Les données représentent un bien précieux pour les collectivités, il est donc important de savoir que la loi vise à garantir la capacité des utilisateurs de choisir librement les fournisseurs de service cloud répondant au mieux à leurs besoins. Encadrement des frais de transfert de données et de migration, plafonnement à un an des crédits cloud, obligation pour les services d'informatique en nuage d'être interopérables pour faciliter le changement de prestataire : plusieurs mesures du texte visent à réduire la dépendance aux géants américains. « Ces nouvelles mesures visent les fournisseurs de services cloud situés en France et hors Europe. Toutefois après désignation par arrêté, des prestataires basés dans un autre pays européen pourront aussi être concernés » , peut on lire sur Vie-publique.fr. L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) sera chargée de cette réglementation.

La loi SREN introduit également de nouvelles sanctions en matière de cyberharcèlement, dont les élus sont parfois victimes. Les personnes condamnées pour haine en ligne, cyberharcèlement ou d'autres infractions graves (pédopornographie, proxénétisme...) pourront se voir infliger une peine complémentaire de suspension ou de bannissement des réseaux sociaux pour six mois. Les menaces contre les élus sont concernées par cette nouvelle peine. 

Il faut cependant noter que le délit d’outrage en ligne – mesure qui avait été introduite par le Sénat dans le projet de loi – a été retoqué par le Conseil constitutionnel. Ce dernier visait à punir de 3 750 euros d’amende et un an d’emprisonnement le fait de « diffuser en ligne tout contenu qui, soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. » 

Le texte rassemble d’autres nombreuses mesures comme le renforcement de la lutte contre l’accès des mineurs aux sites pornographiques ou encore le déploiement du « filtre anti-arnaques »  dont l’objectif est de lutter contre les actes de cybermalveillance. « Un message d'alerte avertira les personnes lorsqu'après avoir reçu un SMS ou un courriel frauduleux, elles s'apprêtent à se diriger vers un site malveillant. Ce message renverra vers un site officiel de l'État ».

Location touristique et expérimentation Jonum

L’article 43 de la loi prévoit la création d’une interface numérique pour les données relatives à la location des meublés de tourisme. « Les données des plateformes seront accessibles aux communes de façon centralisée, ce dispositif remplaçant un système lourd et archaïque qui pénalise les services administratifs. Les communes seront ainsi mieux aidées pour remplir leurs obligations et exercer leurs facultés de régulation, en particulier le contrôle du fameux plafond annuel de 120 jours de location qui s'applique aux résidences principales » , comme l’indiquait en CMP Mireille Clapot, députée de la Drôme (lire Maire info du 9 avril). 

Le dispositif évoqué correspond à l’expérimentation « API meublés »  qui associait cinq communes et cinq plateformes de location jusqu’en 2022. Cette expérimentation consistait à tester en conditions réelles l’utilisation de la plateforme en ligne API Meublés visant à faciliter la transmission des données. Elle va être donc améliorée et étendue aux communes concernées par le dispositif de changement d’usage et ayant décidé de soumettre à enregistrement auprès de la municipalité toute location d'un meublé de tourisme. Le dispositif API Meublés sera précisé par décret. Les communes concernées seront ainsi « informées par l’organisme public unique lorsqu’un meublé déclaré comme résidence principale du loueur a été loué plus de cent vingt jours au cours d’une même année civile ». 

La loi introduit également l’expérimentation des Jonum pendant trois ans. Les Jonum sont des jeux proposés en ligne, mélangeant les jeux d’argent, de hasard et la technologie des jeux vidéo. Rappelons que l'Association nationale des élus des territoires touristiques, l'Association nationale des élus des littoraux, l'Association nationale des maires de communes thermales et l'AMF n’étaient pas favorables à cette expérimentation. Elle devra faire l’objet d’un bilan d’étape au bout de dix-huit mois d’expérimentation. 

Cavaliers législatifs 

En plus du délit d’outrage, d’autres mesures ont été supprimées par le Conseil constitutionnel notamment plusieurs articles en lien avec l’identité numérique et la dématérialisation des démarches. Concrètement, l’article 10 du projet de loi qui introduisait la généralisation de l’identité numérique au 1er janvier 2027, l’article 11 qui prévoyait la mise en place d’un service centralisant l’accès à l’ensemble des services publics locaux et nationaux au moyen d’une carte d’identité numérique, et l’article 18 qui introduisait une expérimentation d’un dispositif de médiation des litiges de communication en ligne sont des mesures qui ont été retirées du texte. Elles ont été considérées comme cavaliers législatifs car « ne présentant pas de lien, même indirect »  avec le projet de loi initial. 

Reste à voir si le gouvernement, concernant la généralisation de l’identité numérique, suivra le calendrier qui avait été introduit dans les débats par le député Paul Midy, à savoir le déploiement de l'identité numérique à 80% de la population française en 2027, et 100 % en 2030.

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