Ce que contient l'accord créant un « État de la Nouvelle-Calédonie »
Par A.W.
Un « État de la Nouvelle-Calédonie », une nouvelle nationalité et la possibilité de transférer des compétences régaliennes vers les institutions locales. Après dix jours d’âpres tractations dans un hôtel de Bougival, dans les Yvelines, l’État et les forces politiques calédoniennes - indépendantistes et loyalistes – ont réussi à trouver un accord à l’arraché ce samedi matin.
Ouvert par Emmanuel Macron le 2 juillet à l'Élysée, ce sommet avait pour objectif de poser les bases d'un futur statut pour la Nouvelle-Calédonie en dépassant l'alternative entre indépendance et maintien de la situation actuelle. Un sommet qui se voulait aussi une réponse aux émeutes insurrectionnelles de l’an passé qui ont endeuillé l’archipel.
François Bayrou a dit sa « fierté d'un accord à hauteur d'Histoire », quand le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a salué le « choix du courage et de la responsabilité » des signataires qui se sont engagés à présenter ce texte devant leurs bases respectives en Nouvelle-Calédonie.
Nouvel État, nouvelle nationalité
Constituant « une nouvelle étape sur la voie de la décolonisation et de l’émancipation », les 13 pages du projet d'accord défendent une solution « pérenne » permettant un « retour à la stabilité » grâce à « une nouvelle organisation politique, une souveraineté plus partagée encore et une refondation économique et sociale de l’archipel », indique le document signé à Bougival.
Concrètement, celui-ci prévoit, en premier lieu, la création d’un « État de la Nouvelle-Calédonie » contenu « au sein » de la République, mais qui pourra être « reconnu par la communauté internationale ».
Ce nouveau statut sera confirmé par l’adoption d’une « loi fondamentale » au cours de « la mandature débutant en 2026 ». Celle-ci consacrera ainsi « la capacité d’auto-organisation » du nouvel État et pourra modifier les signes identitaires du pays (nom, drapeau, hymne, devise…) ou encore inclure « un Code de la citoyenneté » et « une charte des valeurs calédoniennes » réunissant notamment les « valeurs républicaines, kanaks et océaniennes ».
Adoptée par le congrès calédonien à la « majorité qualifiée des trois cinquièmes », cette loi fondamentale offrira donc à la Nouvelle-Calédonie « une capacité accrue à réformer ses institutions ». Elle lui permettra d’« établir de nouveaux principes de gouvernance interne et de répartition des compétences entre [ses] institutions », mais aussi de « clarifier le rôle des communes, des conseils d’aire, ainsi que celui du Sénat coutumier et du Conseil économique, social et environnemental ».
En conséquence, l’accord acte la création d'une « nationalité calédonienne », qui sera accordée aux habitants répondant aux futurs critères de citoyenneté de l’archipel (comme celui de résider depuis au moins dix ans sur le territoire calédonien – d’autres critères seront définis par la loi fondamentale). Ceux-ci bénéficieront dès lors d’une « double nationalité, française et calédonienne ». La seconde étant toutefois indissociable de la première, « la renonciation à la nationalité française entraînerait la renonciation à la nationalité calédonienne », dit le document.
Compétences régaliennes transférables
À noter que le Congrès comptera désormais 56 membres, avec la possibilité de modifier le mode de scrutin, le nombre de circonscriptions et le nombre de membres des assemblées de province.
Si la répartition des compétences entre l'État et l’archipel reste maintenue, le texte prévoit la possibilité de transférer progressivement celles ayant trait à la « défense, monnaie, sécurité », mais aussi l’« ordre public, [la] justice et [le] contrôle de légalité ».
Pour cela, le congrès calédonien devra adopter une résolution à la majorité des trois cinquièmes et avec « l'approbation des Calédoniens par voie de consultation ». « Aucun transfert de compétence de nature régalienne ne pourra s'opérer sans l'approbation des Calédoniens », prévient le document signé à Bougival.
En matière de relations internationales, la compétence serait transférée à la Nouvelle-Calédonie, dans ses « champs de compétences propres », qui conduira ses actions diplomatiques « dans le respect de ses engagements internationaux et des intérêts de la France » (sécurité, défense et intérêts vitaux).
Enfin, l'accord propose un « pacte de refondation économique et financière » avec « l’indispensable assainissement des finances publiques » et qui prévoit également un « plan stratégique » pour le nickel. Un « projet de société » et des politiques publiques seront mises en œuvre en matière de santé, d’éducation, de transport, de logement ou encore de préservation de l’environnement. La jeunesse devant être « la priorité absolue » de ces politiques.
« Trahison »
Reste que ce document n'est, toutefois, pas un accord définitif, mais un engagement des signataires à « présenter et défendre » ce texte devant leurs bases respectives en Nouvelle-Calédonie.
Une fois entériné par les partis et les mouvements qui l'ont signé sur l’archipel, l’accord prévoit l'adoption à l'automne d'une loi organique reportant les élections provinciales à juin 2026 qui sera suivie d’un projet de loi constitutionnelle modifiant la Constitution.
Ensuite, ce sera au tour des Calédoniens de se prononcer sur l'accord en février 2026, avant l’adoption de la loi organique spéciale en « mars-avril » qui doit définir les conditions de mise en œuvre de l’accord (« en particulier la répartition des compétences (…) celles-ci pouvant évoluer » ), les élections municipales en mars et, enfin, les élections provinciales en « mai-juin » pour laquelle la question du dégel du corps électoral avait provoqué les émeutes du printemps 2024.
Le projet d’accord indique, d’ailleurs, que cette élection sera ouverte aux électeurs justifiant de quinze années de résidence « de manière continue » sur l’archipel.
Reste que le projet d'accord est encore loin de faire consensus en Nouvelle-Calédonie. Manuel Valls a lui-même estimé que « rien n'est gagné », tout comme les signataires du texte (Union calédonienne et UNI-Palika pour les indépendantistes, Loyalistes et Rassemblement-LR pour les non-indépendantistes, Calédonie ensemble et Éveil océanien au centre) qui redoutent de le défendre sur place.
Pour preuve, le premier vice-président de la province Sud, Philippe Blaise, s’est déjà désolidarisé des signataires non-indépendantistes sur les réseaux sociaux, déplorant une « ligne rouge franchie » avec la reconnaissance d'une « nationalité distincte ». Plusieurs autres voix ont remis en cause « la légitimité des gens qui ont signé » ce projet d’accord.
Du côté des indépendantistes, certains ont aussi fustigé cet accord qui ne les « engage pas », ceux-ci dénonçant souvent la réforme du corps électoral. « Ouvrir le corps électoral, c'est nous effacer », a notamment condamné Brenda Wanabo-Ipeze, l'une des responsables de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), quand certains parlent même de « trahison ».
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