Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 26 janvier 2023
Normes

Simplification des normes : le Sénat livre ses premières propositions

C'est aujourd'hui que la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat dévoile son rapport sur la simplification en matière de normes applicables aux collectivités. Elle prône une « thérapie de choc ». 

Par Franck Lemarc

L’inflation normative est en tête des préoccupations des élus. C’est en partant de ce constat que la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat a mené, sous la conduite de Rémy Pointereau, une réflexion sur la simplification, privilégiant des solutions « structurelles », afin d’aboutir à ce que les normes soient élaborées « dans un triple souci d’utilité, de qualité et d’efficacité ». 

Deux milliards d’euros de coût

La rapport de la mission, intitulé Face à l’addiction, osons une thérapie de choc !, dresse un état des lieux « préoccupant »  de la complexification et de la multiplication des normes, qui, en plus de compliquer les projets des élus, représente un coût important, « notamment pour les petites communes aux ressources techniques limitées ». Ce coût est estimé à quelque deux milliards d’euros supplémentaire pour la période 2017-2021.

Les rapporteurs notent au passage qu’il n’existe aucune données fiables sur le nombre de normes applicables aux collectivités – le chiffre souvent brandi de 400 000 ne s’appuyant sur « aucun recensement rigoureux ». Il est établi en revanche que le Code général des collectivités territoriales a « triplé de volume »  dans les vingt dernières années. 

Études d’impact

La mission souhaite donc, notamment, améliorer les études d’impact fournies par le gouvernement en accompagnement de ses projets de loi, estimant que ces études d’impact, rendues obligatoires en 2009, sont « plus souvent des outils d’autojustification qu’une aide objective à la décision ». Il est suggéré, pour chaque projet de loi, de soumettre au Cnen (Conseil national d’évaluation des normes, où siègent des représentants des associations d’élus) « une première version de l’étude d’impact un mois avant l’examen de la norme », afin de laisser le temps à cette instance d’évaluer sérieusement l’impact de celle-ci. 

Le rapport pointe également le fait que les études d’impact s’en tiennent le plus souvent à un aspect strictement financier. Il serait judicieux, estiment les sénateurs, que soient également évalués en amont « les impacts non financiers des textes réglementaires », notamment en matière de respect du principe de libre administration. 

Mais il paraît aussi nécessaire d’évaluer l’impact des normes « ex post », c’est-à-dire après leur entrée en vigueur. Le Sénat demande que « chaque loi territoriale prévoie des clauses de réexamen », d’abord à deux ou trois ans, puis à cinq ou six ans, afin de « vérifier si la réforme a renforcé la performance de l’action publique locale ». 

Renforcer le Cnen

Les rapporteurs demandent que le rôle du Cnen soit profondément renforcé, sur le modèle du Conseil national de contrôles des normes allemand. D’abord, en le rattachant directement au Premier ministre, afin de « marquer son importance ». Ensuite, de façon moins symbolique, en transmettant directement au Sénat ses avis négatifs et en annexant ceux-ci aux études d’impact, afin d’éclairer le travail parlementaire. 

Les rapporteurs font plusieurs autres propositions pour renforcer le rôle du Cnen, comme le fait de lui « donner explicitement la mission de se prononcer sur le respect des principes de simplification, d’autonomie financière, de libre administration et de subsidiarité », d’étendre ses compétences à l’analyse des impacts des réformes de l’État territorial, de renforcer ses moyens humains et financiers. Enfin, les rapporteurs demandent que le gouvernement soit « contraint »  de procéder à une seconde délibération lorsque le Cnen rend un avis négatif sur un texte. 

Enfin, le Sénat recommande de créer en son sein « une fonction de veille et d’alerte, le plus en amont possible de la production des normes ». Il s’agirait d’alerter les commissions du Sénat dès l’étape des avant-projets de loi « lorsqu’apparaissent certaines difficultés au regard des principes directeurs de la décentralisation (libre administration, subsidiarité, autonomie financière…) ou lorsque l’étude d’impact est manifestement défaillante ou lacunaire », et de sonner l’alarme lorsqu’un projet de décret semble contradictoire avec l’esprit d’une loi. C’est ce qui s’est passé par exemple, rappellent les rapporteurs, lors de la publication des décrets ZAN en avril dernier, qui allaient nettement plus loin que ce qui était prévu dans la loi. 

Pour être réellement efficace, cette proposition nécessiterait « que le gouvernement accepte de donner au Parlement accès aux projets de normes et études d’impact », très en amont. 

On pourrait ajouter, sur ce sujet, qu’une réflexion pourrait également être menée sur l’habitude, de plus en plus fréquente, de faire passer des normes par le biais non pas de projets de loi (issus du gouvernement), mais de propositions de loi (issues de parlementaires) de la majorité, les propositions de loi n’étant pas soumises à études d’impact. Ou – pire encore –, sur la possibilité qui existe de faire adopter des normes contraignantes par amendement gouvernemental, là encore sans la moindre étude d’impact. On se souvient, par exemple, que le dispositif de la Gemapi avait été rajouté in extremis à la loi Maptam de 2014 par simple amendement. 

États généraux

Toutes ces propositions pourront être largement discutées lors des États généraux de la simplification, organisés par le Sénat et l’AMF le 16 mars prochain. Rappelons que pour alimenter les réflexions de cet événement, le Sénat a lancé une consultation des élus en ligne, à laquelle il reste encore quelques jours pour participer, puisqu’elle sera close le 31 janvier. Les élus locaux y sont invités à exprimer « leurs attentes »  sur le sujet de la simplification. 

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