Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 14 décembre 2018
Mobilité durable

Mobilités du quotidien : la « culture vélo » au service de la fabrique de la ville

Faisant fortement écho avec l’actualité, une journée d’information et d’échanges sur la place du vélo dans la ville s’est tenue hier à l’auditorium de l’AMF, coorganisée par l'AMF, le Club des villes et territoires cyclables et le réseau Agir.
Le 14 septembre dernier, le Premier ministre Édouard Philippe annonçait le lancement d’un « plan vélo national »  sans précédent avec pour ambition de mobiliser l’ensemble des acteurs via des moyens inédits, dont la création d’un fonds national doté de 350 millions d’euros à échelonner sur sept ans. L’objectif est de taille : tripler, d’ici à 2024, la part modale du vélo en France, qui faisait jusqu’ici figure de mauvais élève européen, avec seulement 3% (contre 7 % en moyenne dans le reste de l’Europe). Loin d’être un « plan de circonstance », le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) – présenté en Conseil des ministres le 26 novembre par Élisabeth Borne, ministre chargée des Transports – reprend l’ensemble des annonces du Premier ministre, à la grande satisfaction des élus (lire Maire info du 17 septembre).
Pour Frédéric Cuillerier – maire de Saint-Ay (45) et président de la commission Mobilité de l’AMF – qui animait la journée aux cotés de Pierre Serne (Club des villes et territoires cyclables) et d'Anne Bellamy (Agir), cette intégration du plan vélo dans la LOM reflète « l’esprit de concertation »  ayant régné sur la construction du texte, qu'il salue à nouveau… dans l'espoir qu'il ne soit pas « dénaturé »  ni « complexifié »  par le Parlement ou les décrets d'application. 

Des moyens sans précédent au service d’un engagement inédit
Mais l’engagement de l’exécutif restera plein et entier, comme l’a rappelé Élisabeth Borne elle-même, venue à l’AMF pour présenter les grands axes de la future LOM, dont l’un des objectifs est de faire du vélo « un mode de transport à part entière »  (lire Maire info du 27 novembre). À cette occasion, la ministre a souligné la résonance du mouvement des Gilets jaunes avec le constat dressé 18 mois plus tôt, lors des Assises de la mobilité : car l’urgence tenant aux difficultés dans les déplacements quotidiens et au « sentiment d’assignation à résidence »  était déjà bien présent, au même titre que l’incontournable transition énergétique. Solution simple, efficace – et peu coûteuse –, avec des atouts non négligeables en termes de qualité de l’air et de santé publique, le vélo a donc « toute sa place »  dans les politiques de mobilité. Autre confirmation : les moyens financiers alloués à cette ambition nationale seront bien de 350 millions d’euros échelonnés sur sept ans via le fonds national « mobilités actives », aux côtés de la plus classique dotation de soutien à l’investissement local – 25 millions d’euros ont été fléchés sur le vélo en 2018 –, sans oublier les aides à la création d’aires de mobilité intermodale (covoiturage) plafonnées à 100 000 euros HT par projet sur cinq ans. La ministre a également annoncé la reconduction et l’élargissement du programme Alvéole (Apprentissage et local vélo pour offrir une liberté de mobilité économe en énergie) dans le cadre des certificats d’économie d’énergie (CEE) : outre les bailleurs sociaux, les établissements d’enseignement – entre autres – deviennent éligibles au dispositif. Prévu par la future LOM pour remplacer l’indemnité kilométrique vélo, le « forfait mobilité durable »  (jusqu’à 400 euros par an sans charges à partir de 2020) devrait également être un levier important.
« Les financements sont là, il faut les utiliser »  souligne Pierre Serne, président du Club des villes et des territoires cyclables, et ne pas hésiter, sur les conseils d’Élisabeth Borne, à « se rapprocher des préfets »  – voire « à les éclairer ». Dans le cadre de ces dispositifs, les appels à projets peuvent aussi jouer leur rôle d’accélérateur des investissements. Outre celui de l’Ademe, ouvert en septembre dernier avec un succès inédit, la ministre a également annoncé, lors de son intervention, le lancement d’un nouvel appel à projets de l’État afin d’anticiper la mise en place du « fonds mobilité active ». Priorité n° 1 : la résorption des discontinuités cyclables, vues comme l’un des principaux freins pour les usagers.

Le couteau suisse de la politique cyclable à l'échelle locale
Quant aux outils pouvant servir la volonté politique – préalable requis – en faveur des mobilités douces ou « actives », ils sont nombreux, et pour la plupart, déjà existants. Intervenant pour le Cerema, Thomas Jouanneau et Jérôme Cassagnes sont ainsi venus détailler cette boîte à outils, dont peuvent se saisir les collectivités. Outre les classiques pistes et bandes cyclables ou voies vertes, les zones de circulation apaisée (zones 30, zones de rencontres, aires piétonnes) sont un premier levier. Les double-sens cyclables ont également largement fait leurs preuves.
Les services instructeurs ont aussi un rôle à jouer lors de la délivrance des permis, le Code de l’urbanisme imposant de mettre à disposition un certain quota de places de stationnement sécurisées pour les vélos dans le cadre de la construction de logements et lors de la rénovation de bâtiments tertiaires. Mais c’est surtout au stade de la planification urbaine que les collectivités peuvent véritablement traduire leur volonté politique. Intégrés aux Sraddet, Scot, PLU ou PLUi – y compris lors de leur révision – les schémas directeurs cyclables peuvent devenir contraignants, avec un périmètre d’action important : organiser l’intermodalité, planifier les stationnements vélo, organiser les services vélo, estimer les coûts d’aménagement, définir un budget, mais aussi et surtout diffuser une « culture vélo »  dans la collectivité. Car le frein le plus puissant reste sans doute psychologique – changer de regard sur le vélo est l’assurance d’une réussite collective.
Caroline St-André

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