Maire-info
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Édition du lundi 23 juin 2025
Mayotte

Mayotte : le projet de loi de « refondation » arrive à l'Assemblée nationale

C'est ce soir que les députés vont commencer l'examen des deux projets de loi consacrés à Mayotte, le premier étant le texte de programmation « pour la refondation » de l'île, et le second un texte instaurant une collectivité unique département-région. 

Par Franck Lemarc

Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, adopté par le Sénat le 22 avril, a été examiné par trois commissions de l’Assemblée nationale (lois, affaires économiques et finances) et abondamment amendé. 

Ce texte commence par l’approbation d’un « rapport annexé », qui « développe les orientations et la programmation des moyens mobilisés pour mettre en œuvre la refondation de Mayotte » , prévoyant notamment un investissement de l’État de quelque 3,2 milliards d’euros entre 2025 et 2031 – les postes principaux étant le traitement de l’eau (730 millions d’euros) et l’amélioration de la desserte aérienne (1,2 milliard d’euros).

En commission des lois, les députés ont adopté quelque 60 amendements à ce rapport, dont notamment l’alignement du smic de Mayotte sur celui de la métropole dès 2027, « l’actualisation »  des dotations aux collectivités dès que le recensement de la population prévu par le rapport sera finalisé, et la création d'une base de la Marine en eau profonde, qui aura des retombées importantes sur le plan économique.

Visas territorialisés : vers la suppression

Les membres des différentes commissions ont ensuite amendé le projet de loi lui-même. Parmi les apports qui sont sans doute le plus attendu par les élus, la commission des lois a voté, à l'initiative du rapporteur LR Philippe Gosselin, la suppression du « visa territorialisé »  à compter du 1er janvier 2030. Pour mémoire, les titres de séjour délivrés à Mayotte ont ceci de particulier que leurs bénéficiaires n’ont pas le droit de quitter l’archipel, notamment pour se rendre en métropole, faisant de Mayotte un « cul-de-sac »  pour les étrangers. La suppression du visa territorialisé n’interviendrait que dans quatre ans, « après la mise à niveau des capacités de lutte contre l’immigration et de maîtrise des frontières ». 

Les députés ont également supprimé un article du texte qui permettait de placer un étranger mineur en rétention à Mayotte, et un autre qui prévoyait de permettre, dans l’île, de retirer le titre de séjour des parents en raison du comportement de leur enfant. 

Autre article, jugé trop répressif, dont la gauche a obtenu la suppression : celui qui prévoyait un régime de perquisition administrative, avec visite domiciliaire, pour rechercher des armes, en cas de suspicion qu’un lieu est fréquenté par une personne « susceptible de troubler l’ordre public ». 

Pharmacies

Les députés ont supprimé la disposition prévue par le Sénat de prendre en compte la population intercommunale pour calculer les seuils permettant d’ouvrir de nouvelles pharmacie. Ils ont demandé que Mayotte reste, en la matière, sur les règles de droit commun. Ils ont toutefois ajouté que l’ARS de Mayotte devrait, avant la fin de l’année 2026, « élaborer (…) un schéma organisant l’offre de médicaments et les circuits de distribution afin de placer les pharmacies d’officine au centre du dispositif et de réduire la part des médicaments distribués dans les centres médicaux de référence et le centre hospitalier ».

Expropriations

Les députés – à la demande du groupe Liot – ont réitéré leur ferme opposition à ouvrir une possibilité d’expropriation pour cause d’utilité publique par l’État pour mener les travaux de reconstruction et de réhabilitation. Ce dispositif serait en effet perçu « comme un moyen de faire main basse, sans concertation préalable, sur le foncier de Mayotte » . De nombreux élus mahorais avaient déjà dénoncé ce dispositif comme ayant des relents « coloniaux » . Les députés ont toutefois permis de telles expropriations dans deux cas spécifiques : la construction d’infrastructures portuaires et aéroportuaires.

Les députés ont par ailleurs voté la prolongation jusqu’à 2030 (au lieu de 2026) de l’exonération de la TGAP sur les déchets « générés à Mayotte ». Il s’agit notamment de faciliter le traitement des déchets générés par le cyclone Chido.

Conseil cadial

Enfin, notons que les députés ont adopté un dispositif qui pourrait continuer à faire débat, comme cela a déjà été le cas en commission. Il s’agit de l’instauration, de façon institutionnalisée, d’un « conseil cadial »  composé de 17 cadis désignés par chaque commune. Les cadis, pour mémoire, sont des juges de paix dans la religion musulmane, chargés notamment de trancher les conflits civils.

L’amendement adopté par la commission, sur proposition de la députée mahoraise Estelle Youssouffa, dispose que la future « assemblée de Mayotte », qui sera à la fois conseil départemental et régional, sera « assistée »  d’un conseil cadial, et notamment que « tout projet ou proposition de délibération de l’assemblée de Mayotte emportant des conséquences sur les traditions mahoraises ou relatif à la médiation sociale est soumis à l’avis préalable du conseil cadial ». 

Même s’il est précisé dans le texte que les membres de ce conseil ne seront pas rémunérés par l’État ou la collectivité, l’institutionnalisation de ce conseil pose forcément des questions sur le terrain de la laïcité et de la séparation de l’Église et de l’État. Ces questions ont été posées par un certain nombre de députés de gauche, en commission. Estelle Youssouffa a répondu que les autorités musulmanes de l’île n’ont « jamais remis en question la laïcité »  et que les cadis « ont toujours été au côté de la République pour permettre à Mayotte d’avancer » , soulignant notamment le rôle qu’ils ont joué lors des campagnes de vaccination. Philippe Gosselin (LR) a également affirmé que « le rôle des cadis n’est plus religieux » , ajoutant « en tout cas pas de façon officielle ». Ce débat reviendra certainement en séance publique, à partir de ce soir. 

L’examen de ce texte doit durer jusqu’au 1er juillet. Quelque 680 amendements ont été déposés. 

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