Lutte contre les violences faites aux femmes : un autosatisfecit du gouvernement qui interroge
Par Franck Lemarc
C’était une semaine avant la « communication du gouvernement ». En une seule journée, le 20 novembre, quatre femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint – à Besançon, Sedan, Libourne et Beaucaire. Le même jour, la Mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof) annonçait, pour l’année 2024, le chiffre de 107 féminicides – un chiffre en augmentation.
Des chiffres accablants
Alors que le gouvernement fait état de sa « totale mobilisation » sur ce sujet, et que « l’égalité entre les hommes et les femmes » a été déclarée « Grande cause des deux quinquennats du président de la République », les chiffres sont accablants : qu’il s’agisse des violences physiques, des violences verbales ou des violences sexuelles, les statistiques du ministère de l’Intérieur montrent une augmentation très importante des faits « enregistrés par la police et la gendarmerie » entre 2017 et aujourd’hui. Cela ne signifie pas forcément, toutefois, que le nombre de faits ait augmenté en lui-même – mais que des crimes et délits qui restaient, jusqu’à présent, confinés au cercle familial font désormais, plus fréquemment, l’objet de plaintes. C’est peut-être là le principal progrès réellement quantifiable de ces dernières années : la parole s’est – un peu – libérée.
Mais les chiffres n’en sont pas moins glaçants : le nombre d’agressions sexuelles ayant fait l’objet d’une plainte a plus que doublé entre 2017 et 2024, passant de 127 000 à 271 800. Tout comme celui des agressions physiques déclarées, passé de 86 000 à 173 000.
De nouveaux dispositifs ont été mis en œuvre par le gouvernement. Mais ils ne suffisent manifestement pas à endiguer ce phénomène endémique.
190 000 policiers et gendarmes formés
Ce sont ces dispositifs nouveaux qu’ont rappelé, en Conseil des ministres, Sébastien Lecornu et sa ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, Aurore Bergé.
Le gouvernement a souligné les évolutions législatives intervenues depuis 2017, avec le renforcement des sanctions contre les agresseurs et la modification, toute récente, de la définition pénale du viol. Les services de police et de gendarmerie ont été renforcés sur ces questions avec « la formation de plus de 190 000 policiers et gendarmes à la prise en charge des violences intrafamiliales ». Le nombre de places en hébergement d’urgence a « plus que doublé en moins de 10 ans » et « 30 centres spécialisés » dans la prévention de la récidive ont été ouverts. Par ailleurs, il est désormais possible de déposer une plainte dans certains établissements de santé – « plusieurs milliers » l’ont été en 2025, annonce le gouvernement – et ce dispositif de recueil de plainte sera étendu dans au moins un établissement de santé de chaque département « avant fin 2026 ».
Des mesures concrètes
D’autres dispositifs, techniques comme financiers, ont été déployés. À ce jour, annonce le gouvernement, « 6 869 téléphones grave danger » et « 650 bracelets antirapprochement » sont actifs. Pour mémoire, le téléphone grave danger est un appareil permettant aux victimes d’alerter les forces de l’ordre par une simple combinaison de touches en cas de danger imminent. Quant au bracelet antirapprochement, il est porté par les auteurs de violence : si ceux-ci s’approchent d’une potentielle victime identifiée, celle-ci est prévenue par le biais d’une alerte sur un boîtier et les forces de l’ordre sont prévenues. Selon le ministère de l’Intérieur, 30 000 déclenchements de bracelets ont été enregistrés en 2024.
Enfin, le gouvernement a rappelé la mise en place de « l’aide universelle d’urgence » (lire Maire info du 27 novembre 2023) , un soutien financier aux femmes contraintes de fuir leur domicile, qui a été versée à « plus de 60 000 personnes » depuis. Et le « Pack nouveau départ », qui vise à « l’accompagnement global des victimes de violence et à enclencher le déblocage rapide de l’ensemble des aides auxquelles elles peuvent prétendre ».
Plusieurs ministres viennent par ailleurs de signer, mardi 25 novembre, une circulaire visant à faciliter l’hébergement d’urgence des femmes victimes de violence. Maire info reviendra plus en détail sur ce texte dans son édition de demain.
Manque de financements
Si ces nouveaux dispositifs sont salués par les associations de lutte contre les violences faites aux femmes, ils ne constituent pas une panacée et, surtout, ne sont pas toujours accompagnés des moyens humains adéquats. Exemple dramatique : le meurtre d’Inès Mecellem, à Poitiers, en septembre dernier – une jeune femme qui, après une plainte, avait été dotée d’un téléphone grave danger. Elle avait donné l’alerte sur ce téléphone deux jours avant d’être tuée par son ex-mari… mais cette alerte n’avait donné lieu à aucune intervention.
Quant au bracelet antirapprochement, il a comme principal défaut qu’il ne peut être imposé sans le consentement de l’auteur de violences. Il souffre, par ailleurs, de problèmes techniques – mauvaise connexion au réseau, problèmes de batterie –, ce qui ne paraît pas supportable quand le fonctionnement d’un tel dispositif peut être, au sens propre du terme, une question de vie ou de mort.
Derrière ces problématiques se cache – comme sur tant d’autres sujets – la question financière. Pour les associations, les moyens financiers déployés par le gouvernement sont très nettement en dessous des besoins, qu’elle chiffrent à plus de 2 milliards d’euros. Un tel budget permettrait de déployer des moyens humains dédiés au traitement des alertes, au suivi des victimes, à la création d’une juridiction dédiée, etc.
Le budget de la lutte contre les violences faites aux femmes tourne aujourd’hui autour de 200 millions d’euros, soit dix fois moins.
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