Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 4 mai 2023
Logement

Régulation des meublés touristiques : une proposition de loi pour accorder plus de pouvoirs aux communes

Afin de faire face à la crise du logement, des députés Renaissance viennent de déposer une proposition de loi qui prévoit d'étendre les pouvoirs des collectivités en zones tendues et limiter les abattements fiscaux. Un texte qui reste moins ambitieux que l'initiative transpartisane lancée par quatre parlementaires en début de semaine. 

Par A.W.

« À travers le pays, il y a un tsunami silencieux de fuite de logements pérennes vers du meublé touristique, bien plus lucratif. »  Le député écologiste de Paris Julien Bayou (EELV) s’est réuni, mardi, avec trois autres parlementaires de plusieurs tendances politiques, pour lancer un « appel transpartisan »  afin d’encadrer les activités des plateformes touristiques.

Avec lui, le sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson, le député socialiste des Pyrénées-Atlantiques Iñaki Echaniz, et le député Horizons de la Charente-Maritime, Christophe Plassard, dénoncent « la prolifération des offres touristiques », qui entraîne une augmentation des prix des loyers et des pénuries de logements dans certains territoires aux dépens de la population locale. Alors même que « 4,1 millions de personnes sont non ou mal logées ».

Pénurie de logements

« Dans le 3e arrondissement [de Paris], j’ai recensé hier 2 600 offres de location touristique et seulement 55 de location classique », décomptait Julien Bayou, tandis que « des gens qui travaillent sur l’île d’Oléron ne peuvent plus y vivre », selon Christophe Plassard, qui constate que le problème - qui concernait le littoral - devient désormais « rétrolittoral ». Résultat, « cela pose d’énormes problèmes d’attractivité, pour faire venir des médecins, des cadres, des travailleurs du secteur touristique… » 

« On se rejoint vraiment sur ces sujets-là et lorsqu'on a balayé les propositions, la convergence est assez facile », soulignait, de son côté, le député de Charente-Maritime, pour qui cet appel est aussi « transterritoires ».

« Aujourd’hui, on a un véritable déséquilibre du marché du logement dans les territoires touristiques et bien au-delà. Les gens ne peuvent plus se loger, parce que l’ensemble des annonces disponibles sont uniquement pour [de la location] courte durée, du Airbnb ou du Booking, du mois de juin au mois de septembre », a abondé Iñaki Echaniz sur LCP, qui souhaite « remettre un petit peu d’équilibre dans l’offre du marché ».

En outre et « de manière paradoxale, il devient de plus en plus difficile pour les collectivités locales de tirer parti de la fréquentation touristique que ces locations engendrent »  et « elles peinent à générer les ressources nécessaires pour répondre à la fois aux besoins du quotidien de la population locale et à ceux liés à la fréquentation touristique », expliquent les quatre parlementaires dans leur texte commun.

Dans ce cadre, ils appellent les élus de tous les territoires concernés à cosigner leur initiative sur la plateforme qu’ils ont créée : « Encadrons les meublés touristiques » 

Sept propositions

Pour y remédier, ils font sept propositions visant à encadrer les locations touristiques de courte durée. 

Ils souhaitent, d’abord, supprimer la niche fiscale « ultra avantageuse »  dont bénéficient les locations saisonnières de meublés touristiques de courte durée - « sans pour autant défavoriser certaines locations bénéfiques aux territoires, comme les gîtes ruraux ou les résidences en stations de ski »  - et réformer la fiscalité portant sur les résidences secondaires afin de permettre aux élus locaux de les taxer davantage sans léser les habitants à l'année. 

S’agissant des collectivités, ils suggèrent également d’« accroître leur autonomie de régulation ». « Elles doivent avoir les moyens d’exiger les documents nécessaires pour vérifier les demandes de changement d’usage ou être libérées de la contrainte de prouver l’usage d’habitation de tous les immeubles à la date de 1970 lors d’un contrôle », soulignent-ils. Cette « boîte à outils »  destinée aux communes leur permettrait de pouvoir agir sur le marché du logement « de façon chirurgicale, [en faisant de] la dentelle », selon Iñaki Echaniz.

Ils proposent également de réduire de 120 à 90 le nombre de nuitées autorisées pour la location touristique et l'extension de cette obligation aux résidences secondaires. 

Enfin, ils préconisent d’étendre l’interdiction de la location des passoires thermiques via les plateformes touristiques (qui exclurait les zones de montagne) et de mettre en œuvre un « agrément meublé de courte durée »  pour l’ensemble des locations saisonnières proposées sur une plateforme numérique. 

Les pouvoirs des communes bientôt étendus ?

Cette initiative a partiellement reçu un écho à travers une proposition de loi que viennent de déposer les députés Renaissance visant à « remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue ».

Bien que moins ambitieuse, elle a rallié à elle l’un des quatre signataires de l’appel, le socialiste Iñaki Echaniz, qui a été nommé hier co-rapporteur du texte avec la députée Renaissance du Finistère Annaïg Le Meur, auteure d'un rapport sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues (Christophe Plassard est également signataire du texte). « Nos territoires attendent des mesures législatives efficaces. Ce texte est une première pierre qui nous permet d’avancer sur le sujet », a-t-il tweeté, espérant qu’il soit « un préalable à d’autres mesures ambitieuses pour répondre plus globalement à la crise du logement ». 

S’il « ne réglera pas tout », ce texte propose trois mesures. La première conditionnerait ainsi la mise en location d’un meublé de tourisme à la réalisation préalable d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) sur le modèle des locations de longue durée, sauf dérogation accordée par le conseil municipal si des « circonstances locales particulières »  le justifient. Dans ce cadre, le maire pourrait « mettre en demeure un bailleur de lui transmettre un diagnostic de performance énergétique attestant de la performance du meublé, et sanctionner les manquements d’une amende administrative ».

Autre mesure concernant les collectivités, le texte prévoit de doter les élus des petites communes touristiques de « compétences élargies »  pour réglementer l’implantation des locaux à usage touristique. En zone tendue, le régime du changement d’usage d’un local serait ainsi élargi pour concerner « l’ensemble des zones tendues, c’est-à-dire situées dans une commune classée A bis, A ou B1 au titre du classement ABC ». Une prérogative qui ne concerne actuellement que les communes de plus de 200 000 habitants ainsi que celle des trois départements de la petite couronne francilienne. En outre, « la faculté d’encadrer dans le plan local d’urbanisme les destinations des nouvelles opérations de construction situées dans les zones urbaines (U) et à urbaniser (AU) sera renforcée », indiquent les auteurs de la proposition de loi.

Par ailleurs, ces derniers entendent supprimer l’avantage fiscal octroyé aux logements de tourisme classés en le resserrant sur « ceux qui sont situés dans une commune de montagne ou en zone détendue, afin notamment de contribuer à mieux protéger les gîtes ruraux ».

Cette proposition de loi sera examinée, à l’Assemblée, le 31 mai en commission des Affaires economiques et la semaine du 12 juin dans l’hemicycle.

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2