Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 13 avril 2018
Logement

Projet de loi Elan : les élus veulent préserver le rôle des communes

Etat et élus locaux se retrouvent sur les objectifs du projet de loi portant Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan), présentée le 4 avril dernier en Conseil des ministres : construire plus vite, mieux et moins cher. Les participants aux rencontres de l’AMF sur les politiques locales de l’habitat, organisées hier, l’ont souligné à plusieurs reprises. Mais au-delà, les modalités de mise en œuvre ne font pas l’unanimité. Et la présence, au cours de la journée de représentants du ministère de la Cohésion des territoires et de parlementaires a poussé les élus à présenter leurs propositions d’évolution et de modifications. Le moment est opportunément choisi, alors que la séquence de l’examen du projet de loi par les commissions de l’Assemblée nationale est lancée par celle du développement durable.
Pierre Ducout, maire de Cestas et rapporteur de la commission aménagement, urbanisme, habitat, logement de l’AMF, a souligné qu’il est nécessaire de prendre en compte la diversité des territoires. Ainsi, alors que l’objectif est de construire plus, le Scot de Salbris, la commune dont Olivier Pavy est maire, qui couvre 3 communautés de communes et 30 000 habitants, compte un grand nombre de logements vacants. L’enjeu, ici, est de densifier en réhabilitant l’existant ou en récupérant le foncier pour créer du logement adapté. « Territorialiser cette politique est indispensable », a-t-il abondé.
Les élus ont aussi pointé la rigidité des services de l’Etat pour appliquer certains textes. « La proportionnalité des enjeux n’est pas prise en compte », a regretté Pierre Ducout, en particulier dans le domaine de l’environnement. Audrey Linkenheld, conseillère municipale déléguée au plan lillois de l’habitat à Lille, s’est s’interrogée, elle, sur l’opportunité même d’une loi : « On va se demander comment faire la loi au lieu de faire. Mettons-nous autour de la table au service du projet ».
La souplesse introduite par le « permis de faire », qui autorise l’innovation dans la construction en privilégiant l’objectif aux moyens est appréciée. En effet, selon Olivier Pavy, elle privilégiera les réseaux locaux, en mobilisant élus, techniciens et entreprises locales. L’inquiétude, en revanche, est palpable lorsqu’est abordée l’une des nouveautés de la loi : le projet partenarial d’aménagement (PPA) et son corollaire opérationnel, la grande opération d’urbanisme (GOU). Prévus pour mener de grands projets complexes sur 15 à 20 ans, ils supposent que les communes transfèrent le pouvoir de délivrer les permis de construire à l’intercommunalité. « En l’absence de contrôle local, nous risquons de faire les mêmes erreurs qu’il y a quarante ans avec des ZUP aujourd’hui en démolition », s’est alarmée Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin. « Il faut retravailler le texte sur ce sujet. La signature du PC par le maire est évidente », a résumé Olivier Pavy, soutenu par les autres maires. Autre inquiétude, la possibilité donnée au préfet de passer-outre si une commune concernée par la GOU s’y oppose.
« Confiance », « responsabilisation des acteurs », c’est ce que réclame Olivier Carré, maire d’Orléans et président d’Orléans métropole, pour « enrichir »  les articles du projet de loi portant sur le logement social. Constatant que les « élus sont un peu absents »  du projet, il demande à aller plus loin que la délégation de l’aide à la pierre et de « passer à la décentralisation ».
Une autre disposition a suscité une très vive opposition de la part des participants aux rencontres : la réduction du loyer de solidarité (RLS) et la baisse de l’APL versée aux locataires de logements sociaux. Elle ne figure pourtant pas dans le projet de loi Elan, mais dans la loi de finances pour 2018. Avec une diminution des possibilités d’autofinancement des bailleurs sociaux de 800 millions d’euros en 2018 et 2019 et de 1,5 milliard en 2020, les projets de constructions, de réhabilitation et de maintenance risquent de connaître un sévère coup d’arrêt. « Dans trois ou quatre ans, il y aura un grand trou dans la dynamique, s’il n’y a pas une réforme systémique pour trouver des marges de manœuvres sans faire appel à l’Etat et aux collectivités. Ce n’est pas grave si le remède est trouvé dans les 6 mois. Sinon, ce sera une très grave panne », a alerté Olivier Carré. « C’est à ça que sert le débat parlementaire », a-t-il espéré.
Martine Kis

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