Encadrement des loyers : des parlementaires veulent pérenniser le dispositif, alors que l'expérimentation s'achèvera en 2026Â
Par A.W.
Va-t-on vers un « scénario catastrophe » pour les locataires ? Alors que la crise du logement bat toujours son plein, l'expérimentation de l’encadrement des loyers – qui a permis de réduire significativement les montants des baux dans certaines villes – est sur le point d’arriver à son terme. De quoi inquiéter des milliers de Français qui sortent tout juste de la crise inflationniste.
Déployé dans 72 collectivités
Dans ce contexte, des parlementaires de gauche ont annoncé, en fin de semaine dernière, avoir déposé, au Sénat et à l'Assemblée nationale, une proposition de loi visant à pérenniser ce dispositif, ces derniers espérant que le gouvernement s'en empare pour l'inscrire rapidement à l’ordre du jour du Parlement.
Car il y a « urgence ». En l’absence d’une nouvelle loi, l’encadrement des loyers pourrait « s'arrêter du jour au lendemain », dès novembre 2026, a ainsi prévenu la députée écologiste de Paris, Danielle Simonnet, sur X et lors d’une conférence de presse.
Résultat, les « 72 collectivités » qui se sont déjà engagées dans cette démarche pourraient être amenées à faire machine arrière, alors même que « beaucoup d’autres souhaiteraient s’y mettre », a expliqué l’ancienne Insoumise, à l’origine de cette proposition de loi à l’Assemblée.
Le plafonnement des loyers est ainsi notamment utilisé par les villes de Paris, Lille, Lyon, Villeurbanne, Montpellier et Bordeaux, mais aussi dans les intercommunalités franciliennes de Seine-Saint-Denis Plaine Commune et Est Ensemble, ainsi que dans certaines communes du Pays basque et de la métropole de Grenoble.
Mis en place initialement avec la loi Alur en 2014 (puis annulé par le tribunal administratif), cet outil de maîtrise du coût du logement avait été remplacé par une expérimentation dans le cadre de la loi Elan de 2018, avant d’être prolongé jusqu’en novembre 2026 dans des zones géographiques souffrant d’un grave déséquilibre entre l’offre et la demande de logements.
Risque d’explosion des loyers
« On s'oriente vers un scénario catastrophe », a, de son côté, alerté le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat, à l’initiative à la chambre haute, pointant un risque d’explosion des loyers à compter de la fin d’année 2026 dans les communes concernées.
« Depuis 2019 à Paris, nous avons encadré les loyers. Cela veut dire qu'un propriétaire n'a pas le droit de dépasser un certain niveau de prix au mètre carré [et] dans plus de 70 % des cas, l'encadrement des loyers est respecté », a rappelé l’ancien adjoint au Logement d’Anne Hidalgo, sur France 3 Île-de-France. « Simplement, [ce dispositif] est prévu comme une expérimentation et en novembre 2026, cette expérimentation s'arrête. Donc il n'y aura plus de support juridique pour appliquer l'encadrement des loyers », a-t-il prévenu, pointant le risque que les locataires se retrouvent rapidement « étranglés par les prix des loyers ».
Sans prolongation du dispositif, « ce serait un désastre absolu », selon Ian Brossat, qui a rappelé que, dans la capitale, « pendant les 20 années qui avaient précédé l’encadrement des loyers, les prix avaient été multipliés par deux ».
Et l’élu parisien de s’inquiéter d’un nouveau phénomène : le coliving, dont le développement s’accroit rapidement, avec 14 500 lits exploités en France en 2023 (d’ici fin de l’année, il pourrait y en avoir 24 000), en hausse de 70% en deux ans. Or, cette forme de colocation – qui consiste en des chambres privées, espaces partagés et services pour faciliter la vie en communauté sous un même toit - n’est pas soumis à l’encadrement des loyers et certains promoteurs et investisseurs en profitent pour pratiquer des montants de loyers très élevés. « On est dans une zone grise d’un point de vue juridique. C’est exactement la même chose que ce que l’on a connu avec AirBnb il y a une dizaine d’années, on a besoin de remettre des règles », a estimé le sénateur ce week-end au JT de France 2.
À Paris, un gain de 1 700 euros par an
Entre juillet 2019 et juin 2024, la mise en place de l’encadrement des loyers à Paris a, par exemple, permis de limiter la hausse des loyers de 5,2 % par rapport à la situation précédente, sans encadrement. Ce qui a représenté une économie moyenne d'environ 984 euros par an pour les locataires, selon une étude de l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) publiée la semaine dernière, et qui vient conforter les défenseurs de ce dispositif.
D’autant que « l’effet s’accentue dans le temps » - et « bénéficie davantage aux petits logements qu’aux grands » - puisqu’entre juillet 2023 et juin 2024, le loyer moyen observé à Paris a même été inférieur de 8,2 % à ce qu'il aurait été en l'absence d'encadrement, soit une économie de 1 694 euros par an en moyenne.
Si Paris est la première ville française à avoir instauré l’encadrement des loyers, son efficacité « se vérifie dans cinq autres grandes villes régulées » (à savoir Lille, Lyon, Villeurbanne, Montpellier et Bordeaux), indique l’étude d’impact puisque, en moyenne, il a permis d’y réduire le niveau des loyers de 4,4 %. Des résultats qui « confortent la pertinence du dispositif d’encadrement au-delà du seul cas parisien », constatent les auteurs de l’étude.
La commission des affaires économiques de l'Assemblée a, par ailleurs, décidé de lancer sa propre mission d'évaluation sur l'encadrement des loyers, qui devrait rendre ses conclusions en septembre.
Déposée par trois députés (deux du groupe écologiste et un communiste) et trois sénateurs (deux communistes et une écologiste), la proposition de loi contient un article unique qui « permet de dire que ça n'est plus de l'expérimentation » mais « un encadrement, qu'on généralise à toutes les collectivités qui candidatent », sans date butoir, a ainsi détaillé Danielle Simonnet.
L’expérimentation arrive dans les Outre-mer
Hasard du calendrier, alors que cette expérimentation pourrait prendre fin en métropole, les parlementaires viennent de l’autoriser dans les outre-mer à travers une loi adoptée la semaine dernière et promulguée ce week-end. Visant, en outre, à y adapter les normes des matériaux de construction aux spécificités locales, ce texte s'inscrit dans un plan de lutte contre la vie chère plus global, qui doit se traduire par un projet de loi présenté en juillet.
Si l'expérimentation d'encadrement des loyers dans les zones tendues mise en place en 2018 ne s’appliquait pas aux territoires d’Outre-mer c’est qu’aucune commune ultramarine n’était dans la liste des communes situées en zone tendue à l’époque. Les 38 nouvelles communes ultramarines classées en zone tendue depuis août 2023 n'ont donc pas pu prendre part au dispositif.
Le texte prévoit ainsi la mise en place à titre expérimental pour une durée de cinq ans d'un dispositif d'encadrement des loyers dans ces communes qui restera facultatif et à la main des élus locaux. « Plusieurs collectivités ultramarines souhaitent le mettre en place [comme] la ville de Saint-Denis de La Réunion », selon l’exposé des motifs de la proposition de loi.
Il prévoit aussi l'adaptation des normes des matériaux de construction aux spécificités locales afin de « faire baisser les coûts des matériaux en facilitant leur importation depuis les pays voisins et surtout en valorisant les techniques et matériaux développés au niveau local ».
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