Maire-info
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Édition du lundi 18 septembre 2023
Sécurité

Les Sages valident le droit d'accès des forces de l'ordre aux parties communes des immeubles

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 14 septembre, une décision concernant la loi du 25 novembre 2021 « visant à consolider notre modèle de sécurité civile », en validant (avec réserve) l'article de la loi qui reconnaît aux forces de l'ordre un droit d'accès permanent aux parties communes des immeubles d'habitation – y compris pour les policiers municipaux.

Par Franck Lemarc

Le Conseil constitutionnel a été saisi sous forme d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) à propos d’une disposition de la loi du 25 novembre 2021, dite loi Matras. L’article 20 de cette loi est ainsi rédigé : « Les propriétaires ou les exploitants d'immeubles à usage d'habitation ou leurs représentants s'assurent que les services de police et de gendarmerie nationales ainsi que les services d'incendie et de secours sont en mesure d'accéder aux parties communes de ces immeubles aux fins d'intervention. »  Pour les forces de l’ordre nationales, il s’agit donc d’une obligation. L’article 20 dispose par ailleurs que pour les polices municipales, il s’agit non plus d’une obligation mais d’une faculté pour les propriétaires, qui « peuvent accorder à la police municipale une autorisation permanente de pénétrer dans ces mêmes parties communes ». 

Les parties communes ne constituent pas un domicile

Des opposants à ce texte ont posé une question prioritaire de constitutionnalité sur cet article, estimant qu’il constituerait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée. En effet, résume le Conseil constitutionnel, les requérants estiment que « les parties communes d’un immeuble d’habitation (sont) des lieux privés qui peuvent constituer une partie d’un domicile », et que ce droit d’accès, « qui pourrait s’exercer y compris dans le cadre d’une enquête préliminaire, ne serait subordonné ni à l’autorisation des propriétaires ni au contrôle effectif d’un magistrat » . Les requérants ont par ailleurs critiqué « l’imprécision de la notion d’« intervention »  et l’absence d’encadrement des conditions dans lesquelles les propriétaires sont tenus d’assurer cet accès aux parties communes ». 

Le Conseil constitutionnel ne partage pas ces critiques. Il estime en premier lieu qu’en permettant aux forces de l’ordre d’accéder « en permanence »  aux parties communes des immeubles « dans le cadre de leurs missions d’urgence et de protection des personnes et des biens », le législateur a « poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions ». 

En deuxième lieu, il constate que cette autorisation n’est accordée « qu’aux fins d’intervention », et non pour permettre aux forces de l’ordre « d’accéder à ces lieux pour d’autres fins que la réalisation des seuls actes que la loi les autorise à accomplir pour l’exercice de leurs missions » . Les Sages relèvent en outre que ces dispositions de la loi n’autorisent en aucun cas le libre accès « à des lieux susceptibles de constituer un domicile » , puisque les parties communes sont définies comme « des bâtiments et terrains affectés à l’usage et à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux ». 

Sous réserve donc que les forces de l’ordre n’accèdent à ces lieux que « pour les seuls actes que la loi autorise à accomplir pour l’exercice de leurs missions ». Le Conseil constitutionnel a donc validé ces dispositions, qui « ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ». 

Une décision contraire eût été un sérieux revers pour le gouvernement, qui prépare actuellement l’application concrète de ces dispositions : il est en train de conclure une convention avec l’association Vigik (groupe La Poste) afin que les forces de l’ordre soient munies d’un badge d’accès universel aux immeubles. 

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