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Édition du mardi 2 décembre 2025
Finances locales

Les finances des départements restent « fragiles », malgré une « amélioration ponctuelle » attendue en 2025

Alors qu'une « soixantaine de départements » pourraient se retrouver en difficulté financière à la fin de l'année, une étude pointe à nouveau « les fragilités » de leur modèle économique. Une « baisse généralisée » de leurs investissements est ainsi attendue cette année, malgré un rebond de leur épargne brute portée par « un retournement de tendance » sur les DMTO.

Par A.W.

Malgré « une évolution plus positive en 2025 », l’avenir des finances départementales reste sous la menace de « nombreuses incertitudes ». C’est ce que concluent, sans surprise, Départements de France et La Banque Postale dans leur nouvelle étude sur la situation financière des départements. 

Constatant à nouveau « les fragilités du modèle économique des collectivités départementales »  et « la quasi-disparition de la fiscalité directe », celles-ci pointent l’hétérogénéité de leur situation et des écarts qui ne cessent d’« augmenter au fil des ans ». 

Revenant sur l’analyse des comptes 2024, les deux acteurs confirment « la dégradation des principaux indicateurs financiers entamée l’année précédente ». On le sait « deux mouvements antagonistes »  sont la cause principale des difficultés récentes des départements : l’accélération du rythme de croissance des dépenses sociales, d’un côté, et la chute prononcée des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), de l’autre.

Rebond des DMTO

Résultat, « l’autofinancement départemental a subi une baisse significative [en 2024], que les budgets primitifs votés pour 2025 tendaient à prolonger, plaçant nombre d’entre eux dans une situation délicate », assurent Départements de France et La Banque Postale.

Pourtant, l’année 2025 pourrait connaître « une amélioration ponctuelle et probablement temporaire de l’autofinancement »  des départements, à en croire les premiers éléments en possession des auteurs de l’étude. Après deux années consécutives de forte baisse, l’épargne brute départementale pourrait ainsi augmenter à nouveau cette année… tout en restant encore « bien en deçà des pics observés en 2021 et 2022 ».

Un rebond qui s’expliquerait par « un retournement de tendance marqué sur les DMTO pour des raisons multiples ». « Ils renoueraient avec une croissance forte d’environ 15 % », après là aussi deux années de fortes baisses. Une amélioration en pleine crise du logement qui s’expliquerait par « une hausse des prix et des transactions immobilières », mais aussi, « de façon plus marginale »  par le relèvement autorisé – jusqu’à fin mars 2028 - du taux plafond de 4,5 % à 5 %. Au 1er juin dernier, 82 collectivités avaient d’ailleurs déjà utilisé cette possibilité, selon l’étude.

Dans ce contexte, les recettes de fonctionnement devraient progresser de plus de 3 % en 2025. Mais les auteurs de l’étude rappellent bien que si les produits mensuels de DMTO ont bien été supérieurs par rapport à l’année précédente, ils restent eux aussi toujours « bien en deçà des niveaux observés en 2021 et 2022 ».

Du côté des dépenses de fonctionnement, la situation ne semble guère bouger puisque, « avec + 3,6 % en 2025, les dépenses d’action sociale continueraient de tirer vers le haut [leur] progression ». Dans le même temps, les intérêts de la dette verraient « leur croissance plus limitée en 2025 (+ 3,5 %) ».

« Baisse généralisée »  des dépenses d’équipement 

Les investissements, eux, vont sérieusement se dégrader. Ceux-ci continueraient ainsi de diminuer mais « selon une ampleur plus marquée (- 6,9 %) »  qu’en 2024. Une baisse qui concernerait « plus particulièrement »  les dépenses d’équipement, « dans la logique des coups de frein délibérés en 2024 ».

Et comme l’an passé, les emprunts nouveaux seraient « la principale source de financement des investissements, équivalent à un peu plus de 40 % de ceux-ci ». L’apport de l’épargne serait, cependant, « plus significatif »  qu’en 2024 et devrait « permettre de limiter l’ampleur du recours à la trésorerie pour boucler le plan de financement ». 

Dans le détail, l’étude prédit « une baisse généralisée des dépenses d’équipement »  cette année, et ce « quelle que soit la politique publique observée ». Ainsi, les transports (y compris la voirie) - qui représentent près de 42 % de ces dépenses - seraient « en repli de plus de 10 % », avec des transports publics de voyageurs « particulièrement touchées ». Plus important encore, l’environnement, la santé, la culture et l’aménagement du territoire se verraient répercuter une baisse d’investissement notable allant de 16,6 % à 27,5 %. Finalement, c’est l’enseignement qui serait un « peu plus épargné »  et serait le secteur le moins impacté avec un repli des investissements de 2,5 %. 

Tout cela devrait avoir des conséquences sur les aides aux associations et aux communes puisque les départements français ont déjà commencé à restreindre certaines dépenses, comme les subventions destinées au Planning familial ou encore les aides à la culture. Selon les calculs du président de Départements de France, François Sauvadet, il faut ainsi compter sur « une baisse de 10 % […] de l’aide aux communes ». 

Jusqu’à 60 départements dans le rouge

Malgré cette « évolution plus positive en 2025 »  que les années passées, La Banque Postale et Départements de France estiment qu’il n’y a pas de quoi se réjouir et préviennent : « De nombreuses incertitudes planent sur l’avenir des finances départementales et l’hétérogénéité entre collectivités […] fait que les situations individuelles peuvent être sensiblement différentes de l’observation moyenne », rappellent-ils. Une hétérogénéité entre départements qui a d’ailleurs plutôt tendance à « augmenter au fil des ans », soulignent les auteurs de l’étude.

L’association d’élus départementaux alerte ainsi depuis plusieurs semaines sur le risque de voir une « soixantaine de départements »  se retrouver en difficulté financière d’ici la fin de l'année. Alors que « 14 départements étaient en difficulté financière en 2024, ils devraient être entre 50 et 60 à la fin de cette année », estimait fin octobre François Sauvadet. 

Dans ce contexte, Départements de France a demandé à l’État la création, l’an prochain, « d’un fonds d’urgence et de soutien de 600 millions d’euros »  pour les collectivités qui ne peuvent plus faire face à leurs dépenses obligatoires, en rappelant que « l’État nous a imposé plus de 6 milliards d’euros de dépenses supplémentaires [et] que nous avons perdu 8,5 milliards de recettes »  au cours de ces dernières années.

Et l’étude de pointer le fait que « plusieurs facteurs fondamentaux restent inchangés ». Elle liste ainsi une « inadaptation d’une partie des ressources », la « captation par l’État du bénéfice de la dynamique de leur part de TVA », le « gel de la DGF »  ou encore la « quasi-absence de levier fiscal ». Sans compter la « croissance continue des dépenses sociales tant en raison de l’augmentation du nombre des bénéficiaires que la mise en place de nouveaux droits par le législateur, dans un contexte de difficultés pour l’emploi territorial ».

Dans ce contexte, Sébastien Lecornu a annoncé, il y a une quinzaine de jours, quelques concessions aux départements, lors de leur congrès. Le Premier ministre a ainsi dit vouloir doubler le fonds de sauvegarde, comme ces derniers le réclament, et exempter les plus fragiles de Dilico en 2026. Il a aussi annoncé sa volonté de leur attribuer une part de CSG et de créer une « allocation sociale unique ».

Consulter l'étude.
 

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