Le Sénat pose des limites à l'extension des prérogatives judiciaires des policiers municipaux
Par Lucile Bonnin
La commission des lois du Sénat a adopté à l’unanimité le 28 mai dernier un rapport d’information détaillant 25 propositions « pour donner aux polices municipales les moyens de lutter contre l’insécurité du quotidien. »
La publication de ce rapport intervient quelques semaines après que le ministre François-Noël Buffet a indiqué qu’un projet de loi, issu des travaux menés lors du « Beauvau des polices municipales », était actuellement « en cours de rédaction » et devrait être finalisé d’ici la fin du mois de juin, avant d’être débattu à l’automne prochain (lire Maire info du 21 mai).
Un état des lieux inquiétant partagé par tous
Le rapport pointe « une progression très importante au cours de la dernière décennie » du nombre de policiers municipaux. « Il s’élève ainsi à 28 161 agents en 2023, soit une hausse de 45 % depuis 2012 » qui « sont employés par 3 812 communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). »
« Alors que leur régime juridique date pour l'essentiel de 1999, leur action s'inscrit désormais dans un contexte bouleversé, marqué par une montée des violences » qui induit de nouvelles attentes de la population et « justifie une évolution des missions des polices municipales, avec un développement de plus en plus marqué de doctrines davantage tournées vers l'intervention, en coopération avec les forces de sécurité intérieure. » Cette montée de la violence expose aussi les policiers municipaux à « des risques accrus », « les délinquants » ne faisant « pas ou plus la différence entre les forces de sécurité intérieure et les policiers municipaux. »
Un lien entre le maire et la police municipale qui ne peut être altéré
« La police municipale est une police de proximité, parce qu’elle est placée sous l’autorité du maire, a indiqué la rapporteure de la mission, Jacqueline Eustache-Brinio. Aucune réforme ne doit altérer ce lien. »
Les sénateurs s’accordent à dire – sur la question délicate et maintes fois abordée des prérogatives de police judicaires des polices municipales – que « le fait de conférer aux polices municipales des missions de police judiciaire trop étendues conduirait à dénaturer profondément leur rôle » , et ce pour deux raisons. D’abord, « au plan opérationnel, la police judiciaire implique un travail d’enquête assorti de lourdes exigences procédurales, qui aurait pour effet de détourner les agents de la voie publique » . Ensuite, au plan politique, « une telle évolution imposerait de les placer de façon accrue sous la direction du procureur de la République, en substitution du maire. »
La mission est donc « fermement opposée au fait d’octroyer à des policiers municipaux le statut d’officier de police judiciaire (OPJ). » Rappelons que l’Association des maires de France n'est favorable à une telle évolution qu'à la condition expresse que cette décision revienne au maire, sous la forme d’un droit d’option et non d’une compétence obligatoire – comme c’est le cas pour la création d’une police municipale ou de l’armement de celle-ci.
La commission des lois du Sénat plaide cependant pour « une meilleure organisation du continuum de sécurité police nationale/police municipale » qui « renforcera l’efficacité de nos forces de l’ordre » grâce à une extension de leurs prérogatives de police administrative.
Concrètement, le Sénat est favorable à ce que les policiers municipaux puissent procéder à des inspections visuelles de véhicules et de coffres et à des saisies d’objets dangereux. La mission préconise aussi des évolutions des moyens à la disposition des agents comme permettre l’utilisation de grenades lacrymogènes ou dispersantes ainsi que l’accès à certains fichiers (véhicules volés, immatriculations ou permis de conduire). Sur la question de l’armement, le Sénat souligne qu’il ne paraît « pas opportun de les autoriser à faire usage d’armes de longue portée, qui sont uniquement pertinentes pour des missions de maintien de l’ordre. »
Formations et rémunérations
La montée en compétences des policiers municipaux devra être accompagnée par la formation. Ainsi, la mission d’information propose d’ajuster la formation initiale pour la mettre en adéquation avec les réalités du terrain, en particulier s’agissant de l’usage de l’armement non létal. Ces formations devront être prises en charge par le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale).
Des « phénomènes de concurrence entre communes » se sont développés pour le recrutement des agents et bien souvent, les candidats se dirigent vers les collectivités offrant les conditions les plus avantageuses, et notamment financièrement, ce qui renforce in fine la disparité des régimes indemnitaires entre communes. Sur ce point, les sénateurs excluent toute hausse de rémunération estimant que dans le contexte budgétaire actuel, « il est difficile de refaire un pas », explique la rapporteure. D’autant que l’extension des prérogatives des policiers municipaux « va nécessairement de pair avec une hausse des coûts », comme l’indiquait François-Noël Buffet lors du Beauvau de février dernier (lire Maire info du 24 février).
Le projet de loi qui va bientôt être présenté devrait reprendre une majorité des propositions listées par le Sénat. Le gouvernement envisagerait cependant d’habiliter les directeurs ou chefs de police municipale, sur décision du conseil municipal, en tant qu’officiers de police judiciaire. Cette « épineuse question » devrait faire l’objet de débats animés à la rentrée prochaine.
Consulter l'Essentiel du rapport.
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