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Édition du mercredi 5 juin 2024

Le réchauffement climatique causé par l'humanité à un « rythme sans précédent »

Le réchauffement climatique causé par les activités humaines a atteint un «rythme sans précédent» et la fenêtre pour limiter à 1,5 °C la hausse des températures est déjà presque fermée, mettent en garde des dizaines de chercheurs renommés dans une étude parue mercredi.

Par Julien Mivielle / Linda Givetash (AFP)

« Le réchauffement causé par l’homme a augmenté à un rythme sans précédent dans les mesures instrumentales, atteignant 0,26 °C en 2014-2023», indiquent ces scientifiques.

Ce constat, publié dans la revue Earth System Science Data, est le fruit du travail de près d’une soixantaine de chercheurs de renom qui s’appuient sur les méthodes du Giec, les experts climat mandatés par l’ONU.

L’intérêt de l’étude est de fournir des indicateurs actualisés à partir du rapport de ces derniers, sans attendre le prochain cycle dans plusieurs années. 

Par rapport à l’ère pré-industrielle, ce réchauffement d’origine humaine a atteint 1,19 °C sur cette décennie, ce qui témoigne d’une nette augmentation par rapport aux chiffres du dernier rapport publié il y a un an (+ 1,14 °C sur 2013-2022).

Pour la seule année 2023, le réchauffement attribuable à l’activité humaine a atteint 1,31 °C. Le réchauffement total observé a lui touché 1,43 °C – car la variabilité naturelle du climat a également joué, à commencer par le phénomène El Niño.

Émissions record

Les scientifiques entendent fournir des données à jour chaque année, pour nourrir les négociations des COP et le débat politique, alors que la décennie actuelle est jugée décisive pour sauver les objectifs de l’accord de Paris de 2015, qui ambitionne de contenir le réchauffement bien en dessous de 2 °C et si possible à 1,5 °C.

Cette publication intervient au moment où des représentants du monde entier sont réunis à Bonn pour faire avancer les négociations climatiques avant la COP29 prévue à Bakou en fin d’année (11-22 novembre).

Le réchauffement est le fruit des émissions de gaz à effet de serre – causées majoritairement par l’utilisation massive des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) – qui se situent à des niveaux record : quelque 53 milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an sur 2013-2022. Elles étaient de 55 milliards pour la seule année 2022.

Un autre effet a également joué, soulignent les scientifiques : un moindre refroidissement occasionné par les particules polluantes dans l’air, qui réfléchissent le soleil et permettent la formation de certains nuages. 

« La raison principale est la dépollution de l’air, d’abord en Europe et aux Etats-Unis, et plus récemment en Asie, particulièrement en Chine », a expliqué à l’AFP Glen Peters, du Centre pour la recherche climatique internationale d’Oslo.

Certains chercheurs mettent en avant le rôle d’une récente réglementation plus stricte pour le transport maritime. Mais la réduction des émissions de dioxyde de soufre, notamment dans le secteur du charbon, a débuté dès les années 1980, souligne Glen Peters.

« Un peu d’optimisme » 

Le budget carbone résiduel – la marge de manœuvre, exprimée en quantité totale de CO2 qui pourrait encore être émise tout en gardant 50 % de chance de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C – est en train de fondre. 

Ce « budget »  n’est plus que de l’ordre de 200 milliards de tonnes, l’équivalent de quelque cinq années d’émissions au rythme actuel, contre encore 250 milliards dans la dernière édition de l’étude il y a un an.

« C’est une décennie critique », écrivent les auteurs. « On pourrait s’attendre à ce qu’un réchauffement mondial de 1,5 °C soit atteint ou dépassé dans les 10 prochaines années », en l’absence d’un refroidissement causé par une importante éruption volcanique. « Mais c’est aussi la décennie où on pourrait s’attendre à ce que les émissions mondiales atteignent leur pic et commencent à décliner substantiellement », soulignent-ils. 

Malgré les niveaux records atteints, le rythme d’augmentation des émissions de CO2 a en effet ralenti cette décennie comparé aux années 2000. Le rapport contient « un peu d’optimisme », juge ainsi Piers Forster, de l’université de Leeds, auteur principal de l’étude.

« Les émissions de gaz à effet de serre augmentent moins vite qu’en 2000, mais elles augmentent toujours », donc leurs « concentrations continuent à augmenter et le réchauffement aussi », explique à l’AFP Pierre Friedlingstein, de l’université d’Exeter. « Il faut qu’elles descendent à zéro émission nette », a-t-il souligné.
 

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