Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 18 décembre 2019
Outre-mer

Le rapport sur les finances locales outre-mer pointe des « responsabilités partagées » entre État et collectivités

Le député du Gers Jean-René Cazeneuve et le sénateur de Guyane Georges Patient ont rendu hier au Premier ministre leur rapport sur les finances locales dans les départements d’Outre-mer, rapport commandé par Édouard Philippe le 19 juin. En avant-première, Maire info dévoile les grandes lignes de ce rapport intitulé Pour un accompagnement en responsabilité
Jean-René Cazeneuve explique ce matin à Maire info que ce travail a été effectué pour chercher à donner « des marges de manœuvre aux collectivités territoriales d’Outre-mer et à mieux contrôler et accompagner ces collectivités, dont certaines sont dans des situations difficiles ». Et ce, sans verser dans la caricature : « Quoi qu’en entende ici ou là, quand vous regardez les chiffres, vous vous apercevez qu’il n’y a pas tant d’écart que cela entre les ratios financiers des collectivités ultramarines et celles de métropole. » 

Difficultés structurelles et responsabilités « partagées » 
Le rapport dresse toutefois un constat assez alarmant : « L’analyse des comptes des communes des DROM confirme une dégradation très marquée : sur 129 communes, 46 ont des délais de paiement supérieurs à 30 jours, 84 sont inscrites au réseau d’alerte des finances locales, 26 font l’objet d’un plan de redressement et 24 ont vu leur budget arrêté par le préfet en 2018, dont 16 pour la troisième fois consécutive. 20 communes cumulent l’ensemble de ces critères d’alerte. » 
Parmi les spécificités les plus notables des finances locales ultramarines, le député évoque « un retard important sur le foncier ». Comme le signale le rapport, la fiscalité indirecte, en particulier l’octroi de mer, a, outre-mer, une « part prépondérante, au regard d’une fiscalité directe au rendement faible ». Deuxième constat : le sureffectif dans certaines collectivités, lié à un « traitement social du chômage ». « Le ratio peut être de 20 % supérieur à celui de la métropole en la matière », détaille Jean-René Cazeneuve. Le rapport pointe également un problème récurrent sur « la sincérité des comptes ». 
Sur tous ces sujets, il n’est pas question pour les rapporteurs de jeter la pierre, globalement, aux élus, mais plutôt de chercher « une responsabilité partagée »  entre les collectivités et l’État. « C’est par exemple ce dernier qui a fortement poussé les emplois aidés », ce qui a eu pour conséquence la hausse soutenue des effectifs, avec « de lourdes conséquences sur les budgets locaux ». De même, la contribution au redressement des finances publiques (baisse des dotations) a « compliqué la situation des communes », alors que « leur mauvaise santé budgétaire aurait pu conduire à les en exempter »  – cela n’a été le cas qu’à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie. 

46 préconisations
Les rapporteurs font 45 préconisations pour tenter de remédier à ces difficultés. L’une d’entre elles est déjà lancée : il s’agit du rééquilibrage progressif entre l’actuelle Dacom (dotation d’aménagement des communes et circonscriptions d’outre-mer) et une nouvelle dotation de péréquation outre-mer (DPOM), mise en place par le PLF 2020 et appelée à monter en puissance sur plusieurs années. « La Dacom n’était absolument pas péréquatrice, commente Jean-René Cazeneuve. La DPOM le sera, et cela se traduira par une augmentation sonnante et trébuchante. » 
Les rapporteurs préconisent également « d’introduire une part de péréquation dans la répartition de l’octroi de mer ».
Autre sujet : la gestion des communes. Celles-ci doivent, souligne le rapport, « contribuer à se redonner des marges de manœuvre et à contrôler leurs dépenses ». Il est prôné un accompagnement plus important de la part de l’État, y compris en renforçant certains services de l’État (cour régionale des comptes, directions régionales des finances publiques). Pour le député du Gers, « il faut renforcer la transparence, il faut dans certains cas exceptionnels un contrôle budgétaire a priori, il faut davantage de contrôle, ce qui va demander un peu de courage à l’État ». 
Pour améliorer le rendement de la fiscalité locale, les rapporteurs prônent « d’accélérer le travail sur les bases fiscales, afin d’avoir une meilleure connaissance des rendements ». « La problématique de la taxation des constructions sur sol d’autrui doit donner lieu à la mise en place d’un cadre juridique clair. » 
Sur la question de la maîtrise des effectifs, les auteurs du rapport estiment nécessaire de « mobiliser les outils »  créés par la nouvelle loi sur la fonction publique, comme les incitations au départ en retraite, la rupture conventionnelle, les contrats de projets. Ils notent que « les majorations de traitement conduisent les fonctionnaires en poste dans les collectivités des DROM à retarder leur départ en retraite », ce qui pose des problèmes spécifiques. 
Jean-René Cazeneuve affirme que « les contrats État-collectivités »  constituent un outil qui pourrait s’avérer efficace en la matière, « parce qu’ils permettent d’aboutir à des engagements réciproques », avec un système de bonus-malus qui pourrait bénéficier aux collectivités « qui s’engagent sur une trajectoire de rétablissement des comptes ». 
Enfin, les rapporteurs souhaitent que les enjeux spécifiques des territoires ultramarins soient davantage suivis dans les instances nationales où ceux-ci sont « peu représentés ». Ils proposent notamment « qu’au moins une réunion par an »  du Comité des finances locales soit « dédiée »  aux problématiques de l’Outre-mer.

Franck Lemarc

Télécharger le rapport.

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