Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 29 septembre 2022
Restauration scolaire

Le bio à la cantine progresse, mais la bataille du local est loin d'être gagnée

La part d'achat du bio progresse dans les cantines scolaires, mais alors que la Commission Européenne envisage d'imiter l'exemple de la loi Egalim en la matière, elle reste sourde aux demandes des élus pour une exception alimentaire permettant d'inscrire un critère de provenance locale dans la commande publique.

Par Emmanuel Guillemain d'Echon

L’Observatoire national de la restauration collective bio et durable vient de publier son rapport 2022, avec un échantillon record : cette année, 9 536 cantines, soit 2 770 cantines de plus qu’en 2021, ont répondu à l’enquête, ce qui represente 16 % de la restauration scolaire en France (avec plus d’1,4 million de repas par jour). La progression depuis le premier rapport est impressionnante : « Entre 2017 et 2021, les achats bio des cantines ont progresse de pres de 10 % en moyenne » , révèle l’observatoire, avec une majorité de l’échantillon qui se situe entre 20 % et 40 %.

Les 20 % de bio d’Egalim encore loin pour un tiers des sondés

Cependant, reconnaît l’observatoire, « 23 % des cantines n’ont pas atteint les 20 % »  fixés comme objectif pour la fin de l’année par la loi Egalim. Plus inquiétant, « pour 14 % des cantines de l’echantillon, le pourcentage de bio n’est pas connu, soit parce qu'elles ont des donnees partielles soit parce qu'elles n'ont pas d'outil de suivi des achats en bio » , problème déjà soulevé il y a deux ans par une enquête de l’AMF (lire Maire info du 10 décembre 2020).

« On arrive à la fin 2022 et les objectifs Egalim ne sont pas atteints : il n’y a pas 50 % d’achats responsables et durables, pas 20 % de bio. Certes, il y a eu le Covid, l’inflation cette année, et ce sont des freins importants. Mais il y a toujours beaucoup de gaspillage alimentaire, on pourrait également servir plus de protéines végétales pour acheter moins de viande de meilleure qualité, et faire ainsi des économies » , a souligné Gilles Pérole, co-président du groupe de travail sur la restauration scolaire à l’AMF.

L’élu s’exprimait mardi en ouverture du colloque « À table ! », organisé par la mairie de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), dont il est adjoint au maire à l’éducation ; la rencontre visait « à faire entendre au niveau européen la voix des villes européennes engagées pour la souveraineté et la démocratie alimentaires ».

D’ailleurs, l’édition 2022 du rapport de l’observatoire confirme que « les collectivites qui proposent des repas bio a la cantine continuent de maitriser leur budget »  : malgré de grandes disparités, le coût par repas des denrées alimentaires, pour « la majorite de l'echantillon, se situe autour de 2€ ».

Outre la lutte contre le gaspillage et les repas végétariens, les cantines qui s’investissent dans le bio cherchent aussi des solutions pour acheter local, ce qui a été un avantage en terme de maîtrise de l’inflation des denrées, comme le rappelait récemment l’association de gestionnaires de cantines scolaires, Agores (lire Maire info du 25 mai).

Gilles Pérole n’a d’ailleurs pas manqué de dénoncer la hausse des coûts des denrées alimentaires par des grands groupes agro-alimentaires, tandis que l’État a demandé aux collectivités d’assumer seules cette hausse : « Je n’ai pas remarqué que l’État ait demandé à l’industrie agro-alimentaire de rebaisser ses prix au niveau d’avant la guerre en Ukraine ! »  Le cours mondial du blé est en effet revenu à 340 euros la tonne, contre 440 en mars (+29 %) ; « pour autant, les pâtes bio ont augmenté de 50 %, et on n’a pas vu le prix rebaisser : ce sont des marges que les entreprises semblent vouloir pérenniser » , a précisé Gilles Pérole pour Maire info.

L’épineux problème de l’achat local dans la commande publique

Or, les collectivités qui essaient d’échapper à la loi des cours mondiaux des denrées alimentaires, en passant par l’achat aux producteurs locaux, doivent toujours se contorsionner pour rester dans les clous de la commande publique, dont le cadre européen interdit de mentionner directement le critère de la provenance locale dans les appels d’offres.

L’AMF s’est prononcée à plusieurs reprises, notamment lors de la dernière élection présidentielle, pour une « exception alimentaire »  dans le code de la commande publique, permettant d’y ajouter ce critère local – revendication reprise la semaine dernière par France Urbaine, lors de ses journées nationales (lire Maire info du 26 septembre).

Hier à Mouans-Sartoux, les élus de différents pays d’Europe ont réitéré cette demande, à l’image du premier échevin de Bruxelles qui déplorait que, voulant acheter des pommes bio pour sa cantine, il se soit vu proposer par son fournisseur des pommes bio… De Nouvelle-Zélande.

Présente lors des débats, Marion Maignan, membre de la Commission europeenne a la Direction generale de l'agriculture et du developpement rural, n’a pas directement réagi, se contentant de présenter la future initiative législative de la commission sur la « durabilité du système alimentaire de l’Union » , qui devrait aboutir à une adoption par la Commission fin 2023.

Celle-ci reprend notamment l’idée lancée par la loi Egalim d’un « pourcentage minimal de produits de l’agriculture biologique dans les achats nationaux. »  Ce à quoi Gilles Pérole répond que, si le texte reste encore à découvrir, « nous aurons des objectifs sans savoir comment faire pour les remplir… ».

Télécharger le rapport de l’Observatoire de la restauration durable.
 

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