Maire-info
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Édition du jeudi 6 janvier 2022
Laïcité

Référents laïcité et contrats d'engagement républicain : les décrets sont parus

Deux décrets importants sur la laïcité sont sortis pendant la période des fêtes, l'un sur la création des référents laïcité dans la fonction publique territoriale, et le deuxième sur les contrats d'engagement républicain des associations bénéficiant des subventions publiques. 

Par Franck Lemarc

Les deux textes, parus le 26 décembre et le 1er janvier, sont des décrets d’application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. 

Référents laïcité

Le premier décret permet l’application de l’article 28 ter de la loi, qui dispose que « les administrations de l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés à l'article 2 désignent un référent laïcité », chargé « d'apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout fonctionnaire ou chef de service qui le consulte (et) d'organiser une journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année. » 
Le décret est assez souple et laisse une large place au principe de subsidiarité, puisqu’il dispose en premier lieu que les référents laïcité sont désignés « à un niveau permettant l'exercice effectif de leurs fonctions ». Ce niveau est déterminé ou bien par « l’autorité territoriale »  (maire ou président d’EPCI par exemple) ou bien, pour les collectivités et établissements affiliés à un centre de gestion, par le président de celui-ci. Un même référent laïcité pourra être mutualisé entre plusieurs services ou plusieurs établissements. 
Les référents laïcité devront être magistrats, fonctionnaires en retraite ou en activité, ou « agents contractuels bénéficiant d’un CDI ». Le gouvernement prévoyait, dans la première mouture de son décret, qu’il puisse aussi s’agir de « personnalités qualifiées extérieures à la fonction publique », mais cette mention ne figure plus dans le décret publié. 
Quant aux missions de ce référent, elles sont précisément listées dans le décret : conseil aux chefs de service et agents « pour la mise en œuvre du principe de laïcité », « sensibilisation des agents publics au principe de laïcité et diffusion, au sein de l'administration concernée, de l'information au sujet de ce principe », organisation de la journée du 9 décembre. Le référent laïcité sera en outre chargé d’établir un rapport annuel d’activité.
Le gouvernement a également prévu que le référent exerce une mission de médiation entre l’administration et les usagers du service public. C’est ce point qui a surtout fait débat lors de l’examen de ce texte par le Conseil national d’évaluation des normes, le 25 novembre, et qui a en grande partie motivé l’avis défavorable rendu par la majorité des représentants des élus sur le projet de décret. Ceux-ci ont en effet considéré que cette mission – facultative – allait au-delà de ce que la loi prévoyait ; et que le fait même que la mission soit facultative « conduit à une dévalorisation regrettable de cette fonction pourtant essentielle ». 
De surcroît, les représentants des élus ont estimé que cette mission de médiation allait engendrer des coûts supplémentaires de formation des agents, non pris en compte par la fiche d’impact fournie par le ministère. 
Au final, le gouvernement a partiellement reculé sur cette question et entendu les élus, puisque dans le décret publié, le mot de « médiation »  n'apparaît plus. « Le référent peut être sollicité en cas de difficulté dans l'application du principe de laïcité entre un agent et des usagers du service public », est-il écrit dans le décret, ce qui s'apparente davantage à un rôle de conseil qu'à un rôle de médiation directe entre les parties. 

Contrat d’engagement républicain

Le deuxième décret concerne le contrat d’engagement républicain prévu par l’article 10 de la loi confortant le respect des principes de la République. Il s’agit, rappelons-le, d’éviter que des associations ou fondations dont l’activité ou la propagande sont incompatibles avec les valeurs de la République puissent bénéficier de subventions publiques. La loi a donc prévu que toute association ou fondation qui sollicite une subvention publique signe un « contrat d’engagement républicain », par lequel elle s’engage à « respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République »  ; à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ; et à « s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public ». 
La loi prévoit que si l’association ne respecte pas les termes de ce contrat, la subvention qui lui a été accordée – par exemple par une commune – lui est retirée, ce retrait devant être obligatoirement communiqué au préfet du département. 
Le décret publié le 1er janvier est accompagné, en annexe, d’un modèle de contrat d’engagement républicain, contrat qui sera directement intégré dans le formulaire Cerfa de demande de subvention (ce sera bientôt le cas sur le formulaire mis en ligne sur service-public.fr). Le contrat s’articule en sept engagements (respect des lois de la République, liberté de conscience, liberté des membres de l’association, égalité et non-discrimination, fraternité et prévention de la violence, respect de la dignité de la personne humaine, respect des symboles de la République). 
Le décret précise clairement que la signature de ce contrat par une association ou une fondation engage « ses dirigeants, ses salariés, ses membres et ses bénévoles ». Le texte n’est, naturellement, pas rétroactif : les seuls agissements qui pourraient générer le retrait d’une subvention sont ceux qui seraient commis après la signature du contrat ; et le retrait devra être calculé à partir du moment où un manquement aura été commis : « Le retrait porte sur un montant calculé au prorata de la partie de la période couverte par la subvention qui restait à courir à la date du manquement ». 
L’AMF s’est félicitée de ce que le décret fasse explicitement mention – comme le Sénat l’avait introduit dans la loi à sa demande – du respect de la laïcité, et du fait que l’engagement n°1 du contrat mentionne clairement que « l’association ou la fondation bénéficiaire s'engage à ne pas se prévaloir de convictions politiques, philosophiques ou religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant ses relations avec les collectivités publiques. » 
Les élus se sont également dits satisfaits, lors de la séance du Cnen, que le ministère de l’Intérieur se soit engagé à publier prochainement un guide à destination des collectivités territoriales notamment, « visant à détailler les modalités de mise en œuvre du contrat d’engagement républicain ». 

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