L'accord de Bougival sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie publié au Journal officiel, malgré l'opposition du FLNKS
Par Franck Lemarc
« Étape importante », selon le ministre des Outre-mer, Manuel Valls. « Manœuvre dilatoire et coloniale », selon l’Union calédonnienne. La publication au Journal officiel, samedi, de l’accord de Bougival, a de quoi surprendre, dans la mesure où cet accord n’a pas été signé par toutes les forces politiques en présence, à commencer par la principale d’entre elle, le FLNKS. On ne peut d’ailleurs que s’étonner que cet accord, auquel la publication au JO donne un caractère officiel, ait été publié sans qu’aucune signature figure au bas du document.
Il est difficile de ne pas penser que l’imminence du renversement du gouvernement, ce soir, n’a pas compté pour beaucoup dans cette publication surprise au Journal officiel d’un texte dont le ministre Manuel Valls lui-même dit qu’il doit être encore « éclairé et précisé » dans les semaines à venir. Sauf qu’en général, les textes publiés au JO sont des textes définitifs et non des textes en cours d’évolution.
Un « État de la Nouvelle-Calédonie »
Que contient cet accord de Bougival ? D’abord, très concrètement, le report des élections provinciales – le troisième – à « mai-juin 2026 ». On se souvient que c’est la tentative de modification du corps électoral de ce scrutin qui a été l’élément déclencheur des émeutes de l’été 2024. Dans l’accord de Bougival, un compromis a été proposé : pourraient participer au vote les électeurs déjà inscrits « sur la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC) ou la liste électorale spéciale à l'élection du Congrès et des assemblées de province (LESP) dans leur dernier état en vigueur » ; et les citoyens nés en Nouvelle-Calédonie ou y résidant « de manière continue depuis au moins 15 années » et inscrits sur la liste électorale générale.
Pour les élections suivantes, seraient admises à participer au scrutin les personnes jouissant « de la nationalité calédonienne ». En effet, l’un des points majeurs de cet accord est la création d’une « nationalité calédonienne » – ou plutôt d’une double nationalité franco-calédonienne – qui serait ouverte à toutes les personnes ayant été admises à participer aux élections provinciales de 2026, ou nées en Nouvelle-Calédonie, ou y résidant depuis « au moins dix années », ou encore mariées ou liées par un pacs depuis plus de 5 ans à une personne ayant la nationalité calédonienne.
Par ailleurs, l’accord prévoit la création d’une organisation institutionnelle totalement inédite : un « État de la Nouvelle-Calédonie » intégré à l’État français – en la matière, jamais l’expression « État dans l’État » n’aura été plus appropriée. Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie pourrait demander à se voir transférer des compétences régaliennes dans le domaine de la défense, de la monnaie, de la sécurité, de la justice et du contrôle de légalité. Un tel transfert serait, obligatoirement, soumis à un référendum local, ouvert aux électeurs « de nationalité calédonienne ».
Dans l’immédiat, seule la compétence en matière de relations internationales serait transférée à l’État de la Nouvelle-Calédonie, les autres compétences régaliennes restant confiées à l’État français.
Les communes, précisent l’accord, restent « des collectivités territoriales de la République », mais elles deviendraient à terme « également des institutions de la Nouvelle-Calédonie ».
Enfin, l’accord prévoit un certain nombre de mesures visant à « la refondation économique et financière » de l’archipel – et notamment « l’assainissement des finances publiques locales » – ainsi qu’un « contrat d’engagements sur les politiques publiques prioritaires ».
Proposition de loi de report des élections
Toutes ces mesures sont conditionnées à l’adoption de plusieurs textes législatifs : d’abord une loi organique reportant les élections provinciales ; ensuite, une loi constitutionnelle – puisque la création d’un « État dans l’État » ne peut se faire que par une modification de la Constitution. Il est envisagé dans l’accord l’adoption de ces deux textes dès cette année. Enfin, une « loi organique spéciale définira les conditions de mise en œuvre de l’accord ». Celle-ci, selon les plans de Manuel Valls, pourrait être adoptée en « mars-avril » 2026.
L’étape la plus urgente est le report des élections provinciales. Rappelons que celles-ci devaient initialement se tenir en mai 2024. Elles ont une première fois été repoussées à décembre 2024, puis au 30 novembre 2025 au plus tard – ce qui supposerait un décret de convocation des électeurs publié au plus tard le 2 novembre. Bien que le FLNKS s’oppose à tout nouveau report, le gouvernement a décidé d’y procéder et la plupart des forces politiques, en métropole, y sont favorables : en témoigne le fait que la proposition de loi déposée au Sénat visant à reporter ces élections a été cosignée par six présidents de groupes politiques du Sénat, allant du PS aux LR.
Ce texte propose de reporter les élections provinciales et celles du Congrès au 28 juin 2026 au plus tard.
Problème : ce texte, déposé au Sénat le 13 août, est accompagné d’un exposé des motifs expliquant que l’accord de Bougival est « signé par l’ensemble des partenaires politiques calédoniens » … ce qui, on l’a vu, n’est pas le cas, le FLNKS ayant rejeté l’accord à la même date. Le dépôt de ce texte , suivi quelques semaines plus tard de la publication au Journal officiel de l’accord alors qu’il n’a pas été signé par une partie des indépendantistes, semble être, à nouveau, un véritable risque politique pour la stabilité de l’île.
Ce à quoi il faut ajouter les problèmes liés à l’instabilité politique en métropole. Si le chef de l’État décidait de dissoudre l’Assemblée nationale, les travaux du Parlement ne pourraient reprendre, au mieux, que début octobre, ce qui retarderait d’autant l’examen et l’adoption de la proposition de loi de report des élections provinciales. Dans le cas contraire, le texte pourrait être examiné par les deux chambres dès la nomination d’un nouveau gouvernement. En espérant que la tentative de passage en force du gouvernement sur ce sujet ne provoque pas de nouvelles tensions dans un archipel déjà profondément affaibli par les émeutes de l’été 2024.
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