Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 15 juillet 2019
Jurisprudence

Une commune ne peut s'opposer à l'installation de Linky au nom du principe de précaution, juge le Conseil d'État

Le Conseil d’État, par une décision rendue le 11 juillet, a une fois encore donné tort à une commune qui avait décidé, par arrêté, de s’opposer au déploiement des compteurs Linky.
C’est le 16 juin 2016 que le conseil municipal de Cast (Finistère) a voté un moratoire sur l’installation des compteurs Linky, délibération suivie d’un arrêté pris par le maire le 24 juin « suspendant »  l’installation des compteurs sur sa commune. Saisi par la société Enedis, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces délibérations en mars 2017. La commune de Cast a alors saisi le Conseil d’État, en octobre 2018, en lui demandant de casser la décision du tribunal.
Le 11 juillet, le Conseil d’État a non seulement confirmé la décision du tribunal administratif de Rennes, mais a condamné la commune aux dépens – elle devra verser la somme de 3 000 euros à Enedis.

Questions de compétence
Tous les arguments mis en avant par la commune sont, un par un, rejetés dans la décision du Conseil d’État. Tout d’abord, contrairement à ce qu’espérait la commune, les magistrats confirment qu’Enedis était fondée à demander l’annulation des délibérations et arrêtés pour « excès de pouvoir ». En effet, la loi donne à Enedis la « mission de service public »  d’installer les compteurs Linky « dans sa zone de desserte exclusive », dont fait bien partie la commune de Cast.
La commune a, par ailleurs, cherché à prouver qu’elle était propriétaire des compteurs électriques, et qu’à ce titre elle était fondée à s’opposer à leur installation. Le Conseil d’État rappelle que c’est l’autorité organisatrice des réseaux publics de distribution d’électricité qui est propriétaire des ouvrages de réseau, « y compris les installations de comptage ». Si une commune a transféré sa compétence en matière d’organisation du réseau électrique à un établissement public de coopération (en particulier un syndicat), c’est celui-ci qui devient automatiquement propriétaire des installations.
Or la commune de Cast fait partie du syndicat départemental d’électricité du Finistère. En conséquence, juge le Conseil d’État, c’est bien celui-ci qui est propriétaire des compteurs et « ni le conseil municipal de Cast ni le maire ne disposent de la compétence pour s’opposer ou imposer des conditions au déploiement des compteurs Linky ».

Pouvoirs de police et principe de précaution
Les magistrats n’ont pas davantage accepté l’argument selon lequel le maire pourrait s’opposer à ce déploiement au nom de ses pouvoirs de police, pas plus qu’au nom du principe de précaution.
C’est en effet, rappelle le Conseil d’État, au Premier ministre « qu’il appartient de fixer par décret les modalités de mise à disposition des données devant être recueillies par les compteurs électriques », et au gouvernement, avec la Commission de régulation de l’énergie, de « déterminer les fonctionnalités et spécifications de ces compteurs ». Ce sont donc bien « les autorités de l’État »  qui doivent veiller au bon fonctionnement des installations et « à la protection de la santé publique par la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques ». Les magistrats jugent donc que les pouvoirs de police générale du maire « ne sauraient lui permettre d’adopter des décisions portant sur l’installation des compteurs communicants qui seraient destinées à protéger les habitants contre les effets des ondes émises ». Même chose sur l’évocation du principe de précaution : la Charte de l’environnement précise en effet que les autorités publiques ne peuvent prendre des décisions au nom du principe de précaution que « dans leurs domaines d’attribution ». Conclusion du Conseil d’État : « Ni les pouvoirs de police générale ni le principe de précaution n’autorisaient le maire de Cast à prendre la décision de suspendre l’installation des compteurs dits Linky sur le territoire de la commune. » 
Dernier argument de la commune : le maire avait constaté « quelques incursions »  d’agents d’Enedis sur « des propriétés privées clôturées ». Ces circonstances, « à les supposer établies », ne suffisent pas pour le Conseil d’État à caractériser « l’existence d’un trouble à l’ordre public ou d’un risque pour la sécurité »  justifiant la prise d’un arrêté suspendant l’installation des compteurs.
Le pourvoi de la commune de Cast est donc rejeté et, conformément au jugement du tribunal administratif de Rennes, les délibérations et décisions de la commune et du maire sont annulées.
F.L.
Accéder à la décision du Conseil d’État.

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