Les inégalités territoriales pénalisent les jeunes dans leurs choix d'orientation, alerte la Défenseure des droits
Par Lucile Bonnin
En 2022, plus de la moitié des bacheliers français ont quitté la zone d’emploi de leur domicile, et 17 % d’entre eux ont changé de région dans le but de trouver une formation ou un travail qui puisse leur correspondre.
Dans un rapport consacré à l’orientation scolaire, la Défenseure des droits alerte sur la persistance des inégalités et des discriminations dans les parcours d’orientation des jeunes et notamment sur les inégalités territoriales qui « interviennent très tôt » et « biaisent les choix d’orientation ».
L’isolement territorial : un paramètre défavorisant dès le collège
Après le passage du brevet des collèges, la Défenseure des droits observe que « les élèves scolarisés en milieu rural s’orientent moins souvent vers la filière générale et technologique que les autres, et ce indépendamment de leurs conditions sociales » . Concrètement, « plus un collège est éloigné, moins le passage en classe de seconde générale ou technologique est fréquent. »
Cela s’explique principalement par l’implantation très inégale des établissements scolaires et des formations. « Il n’est en effet pas rare qu’un élève scolarisé en milieu rural, dans une petite ville, dans les zones de montagne ou en outre-mer doive effectuer de longs trajets en bus ou en voiture pour se rendre au collège, puis au lycée et enfin changer de lieu de vie pour poursuivre des études supérieures », peut-on lire dans le rapport. La situation est la même pour les jeunes vivant dans des banlieues défavorisées et qui relèvent de la politique de la ville et où l’éloignement des réseaux de transport peut aussi être conséquent. À cela s’ajoute « la moindre disponibilité en temps et en voiture des parents, due à des emplois aux horaires atypiques et à des moyens financiers limités ».
Par ailleurs, l’éloignement des lieux de formation favorise la méconnaissance des jeunes sur les différentes filières qui existent et « alimente une forme d’autocensure chez les jeunes, qui estiment davantage que ces filières « ne sont pas pour eux » » . Il est intéressant de noter qu’au contraire, « la présence d’une filière spécifique sur un territoire peut contribuer à façonner la préférence des élèves résidant aux alentours, qui s’y orientent par facilité, résultat d’une évidence construite ou d’un conditionnement territorial plus ou moins conscient. »
L’organisation des compétences mise en cause
La Défenseure des droits fustige « une organisation des compétences génératrice d’inégalités territoriales ». Si les données concernant les budgets alloués à l’orientation sont « rares et peu accessibles » lorsqu’elles existent, « elles font état de variations importantes entre les régions » . Ces inégalités de moyens investis entre territoires « est la conséquence de choix politiques et de contextes locaux spécifiques » . Interrogé par la Défenseure des droits, l’association Régions de France indique que les régions « ne disposent pas des moyens suffisants pour exercer convenablement leur compétence, les transferts de moyens de l’État vers les régions ayant été inférieurs aux besoins estimés pour assurer la mission. »
Cette organisation produit aussi « un phénomène de discriminations territoriales systémiques » . En effet, étant donné que des quotas géographiques peuvent s’appliquer afin de fixer une limite de jeunes pouvant être accueillis hors des académies d’origine pour les filières non sélectives, « les élèves issus des petites académies se retrouvent pénalisés par un tel système car davantage contraints d’effectuer des vœux en dehors de leur académie pour suivre la filière souhaitée ». En Corse par exemple, les offres de formation sont restreintes. Or si un élève souhaite poursuivre ses études, il y a de fortes chances pour qu’il demande à suivre une formation en dehors de son académie et il ne sera donc pas prioritaire.
Développer des initiatives « d’aller-vers »
Face à ces inégalités territoriales, la Défenseure des droits recommande de rapprocher les jeunes des formations en développant une offre équilibrée à travers le territoire et en mobilisant les outils numériques lorsque c’est pertinent (campus délocalisés, formations à distance), avec une attention particulière pour les filières technologiques et professionnelles.
Il apparaît surtout opportun de développer des initiatives innovantes et d’aller-vers permettant de rapprocher les élèves de lieux d’orientation et d’information. Par exemple, en région Auvergne-Rhône-Alpes, un bus de l’orientation a été créé afin d’aller directement à la rencontre de collégiens, lycéens, parents et demandeurs d’emploi. « En région Île-de-France, les bus "Oriane" proposent aussi des entretiens gratuits pour les jeunes et des ressources produites par l’Onisep en libre-service », peut-on lire dans le rapport.
Enfin, pour lever la contrainte territoriale des jeunes issus de territoires isolés, la Défenseure des droits encourage à développer l’offre de transport scolaire aux élèves du bassin géographique alentour et à développer l’offre de logements destinés aux jeunes et accessibles financièrement (logements étudiants, foyers de jeunes travailleurs, résidences sociales, cohabitations intergénérationnelles). Elle est également favorable à ce que puisse être pris en compte l’éloignement territorial des élèves dans le calcul du niveau des bourses scolaires et étudiantes.
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