Contrôle des foyers pour mineurs placés : le gouvernement durcit le ton
Par Franck Lemarc
Au début du mois d’avril, la commission parlementaire sur les manquements de la politique de protection de l’enfance rendait son rapport (lire Maire info du 9 avril) et qualifiait de « honte absolue » la situation de l’aide sociale à l’enfance – qui, dans certaines structures, semble n’avoir « d’aide » que le nom.
Le scandale de la prostitution des adolescents placés
Écho de ce rapport de 500 pages, qui décrit d’innombrables cas de maltraitance et d’abandon des enfants placés dans certaines structures de l’ASE, une nouvelle affaire est révélée ce matin par Franceinfo : dans trois départements (Bouches-du-Rhône, Yvelines et Essonne), des familles ont décidé de porter plainte contre les présidents de département pour « faute en responsabilité » , dénonçant « l’inaction » de ces élus face à l’activité des réseaux de prostitution qui exploitent des adolescents, voire des enfants, placées en foyer par l’ASE. Il s’agit d’un « phénomène national », dénonce ce matin sur Franceinfo l’avocat Michel Amas : il faut que « tout le monde sache qu’ en France, à l’heure actuelle, des petits garçons et des petites filles se prostituent en très grand nombre. (…) Il n’y a pas de réaction, d’organisation de la réponse de l’État. » Et l’avocat de conclure avec cette formule terrible : « Nous livrons nos enfants aux chiens. »
Dans la même enquête, une éducatrice de Marseille, Jennifer Abitbol, affirme qu’à Marseille, « il n’y a pas un foyer où il n’y a pas de prostitution », au vu et au su de tous : « C’est filmé, il y a les voitures qui défilent avec leurs plaques. »
Cette infamie a été clairement identifiée dans le rapport parlementaire sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance (pages 224 et suivantes notamment), où il est estimé qu’environ 15 000 mineurs sont victimes de prostitution au sein de l’ASE, avec un âge moyen d’entrée dans la prostitution compris « entre 11 et 14 ans ». « Les réseaux de prostitution recrutent au sein même des structures d’accueil » , écrivent les rapporteurs, qualifiant les foyers de « vivier à prostitution ».
Première réponse de l’État
Est-ce une première réponse face à cette situation indigne, et à l’appel de la commission d’enquête parlementaire à ce que l’État « prenne ses responsabilités » ? Avant-hier, le garde des Sceaux Gérald Darmanin a signé une circulaire adressée aux procureurs et aux magistrats pour exiger le renforcement des contrôles des structures accueillant des mineurs placés sur décision judiciaire.
Avec, en préambule de ces instructions, un constat qui a le mérite de la franchise : « La protection de l'enfance est aujourd'hui dans une situation critique, au point de poser la question d'une défaillance de la puissance publique dans sa mission. » Il est « inacceptable » , martèle le ministre, « que des mineurs placés par la Justice pour les préserver d’un danger familial soient pris en charge dans des structures qui les mettent également, voire davantage encore, en danger ».
Le garde des Sceaux ne cherche pas à se défausser sur les départements : s’il rappelle que ceux-ci sont bien les « chefs de file » en matière de protection de l’enfance, ce sont bien « les services de l’État et l’autorité judiciaire » qui sont chargés du contrôle des établissements. Les préfets, via les DDEETS (directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités) doivent « élaborer une stratégie de contrôle des établissements, accompagner l’action du conseil départemental en la matière et, en cas de carence manifeste de ce dernier, s’y substituer pour mettre en œuvre des contrôles ».
Gérald Darmanin demande donc que les juges des enfants « se saisissent de leurs prérogatives » et partagent les conclusions de leurs contrôles avec les procureurs de la République. Le ministre fixe le calendrier : d’ici au 30 juin, un recensement « de l’ensemble des structures existantes » devra être effectué. Puis, avant le 31 décembre prochain, il faudra procéder à la vérification de l’ensemble des habilitations des établissements de placement. Au moins une visite de chaque établissement doit être programmée, avec un objectif « minimum » de 35 visites par trimestre.
Dans les structures ayant fait l’objet de signalement ou d’alerte, le procureur de la République devra informer le préfet « afin que celui-ci puisse engager, le cas échéant, les procédures de contrôle relevant de ses prérogatives » . Si certains manquements constituent des infractions, le procureur devra « apporter les réponses pénales adaptées » , demande le ministre. Le seul fait que cette précision doive être apportée souligne, à lui seul, l’ampleur du problème.
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