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Édition du jeudi 29 février 2024
Société

IVG dans la Constitution: la réforme franchit l'obstacle du Sénat, le Congrès réuni lundi

L'inscription de l'IVG dans la Constitution a franchi hier son étape la plus délicate au Parlement avec le vote largement favorable du Sénat, évacuant les derniers doutes entourant l'adoption définitive de cette réforme historique lors d'un Congrès à Versailles convoqué dès lundi.

Par Antoine Maignan - AFP

Malgré les réticences de certains sénateurs de la droite et du centre, majoritaires à la chambre haute, l'hémicycle s'est prononcé en faveur d'une « liberté garantie »  à l'interruption volontaire de grossesse, sans modifier le texte du gouvernement.

Le président de la République Emmanuel Macron a immédiatement convoqué le Congrès des deux chambres du Parlement lundi 4 mars, saluant « un pas décisif »  après le vote du Sénat.

La révision constitutionnelle, déjà adoptée à une écrasante majorité par l'Assemblée nationale, a reçu le soutien de 267 voix contre 50 au Palais du Luxembourg, après plus de trois heures de discussions parfois agitées dans cet hémicycle habituellement très apaisé.

« Le Sénat a écrit une nouvelle page du droit des femmes », a savouré le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, assurant que la France sera « le premier pays au monde à protéger l'avortement »  dans son texte fondamental.

Ce vote sans appel a été accueilli par une explosion de joie dans les rangs de la gauche et des représentantes d'associations de défense des droits des femmes venues assister au débat. Larmes et applaudissements ont retenti à la sortie de l'hémicycle durant plusieurs minutes.

« Une victoire féministe immense » 

« C'est une victoire féministe immense », a réagi la sénatrice écologiste Mélanie Vogel, en pleurs au moment de saluer « un message magnifique qu'on envoie au monde entier ». De nombreux sénateurs de gauche ont décrit dans l'hémicycle leur « émotion »  devant un moment « fort »  et « grisant ». « Nous écrivons l'Histoire », a renchéri sur X la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot.

« Quand les droits des femmes sont attaqués dans le monde, la France se lève et se place à l’avant-garde du progrès », a souligné le Premier ministre Gabriel Attal sur X.

Parmi la droite, certains élus, qui n’ont pas suivi les positions du président LR du Sénat et ont permis d’adopter le texte, se sont aussi réjouis, comme la sénatrice LR de la Seine-Maritime Agnès Canayer, qui a souligné que, « au-delà de la portée symbolique d'une telle mesure, nous devons continuer à agir pour que toutes les femmes puissent accéder à cette liberté ! ».

Le long chemin vers la constitutionnalisation, plébiscitée par l'opinion publique, va désormais pouvoir aboutir au Congrès lundi. A quatre jours du 8 mars, journée internationale du droit des femmes, cette date sera très symbolique. Une majorité des trois cinquièmes sera nécessaire dans la prestigieuse salle du Congrès du château de Versailles pour une adoption définitive, mais elle ne fait aucun doute au vu des votes successifs des deux Assemblées. 

Le Congrès n'a été réuni qu'à deux reprises depuis l'arrivée au pouvoir du chef de l'Etat : en 2017 et 2018, à chaque fois en juillet, le président de la République avait fixé les grandes lignes de sa politique devant la représentation nationale. La dernière révision constitutionnelle, elle, remonte à 2008.

Face à la remise en cause du droit à l'avortement aux Etats-Unis et dans certains pays d'Europe, l'exécutif avait fait de cette réforme l'une de ses priorités, aboutissant à un texte de compromis malgré son absence de majorité dans les deux chambres.

Débat sémantique

Le Sénat a été le plus dur à convaincre : les trois chefs de la majorité sénatoriale - le président du Sénat Gérard Larcher, le président du groupe Les Républicains Bruno Retailleau et celui du groupe centriste Hervé Marseille - étaient en effet opposés à la réforme. 

« J'ai toujours un doute sur les effets de la qualification de liberté garantie », a regretté l'influent président LR de la Commission des Lois François-Noël Buffet, qui s'est lui abstenu. « Une garantie, c'est une obligation. Notre crainte, c'est qu'une jurisprudence créative puisse créer un droit opposable », a redouté le chef de file LR Bruno Retailleau.

Mais l'amendement de suppression du mot « garantie »  a finalement été rejeté à plus de 100 voix d'écart, tout comme une autre proposition visant à inscrire dans la Constitution la clause de conscience des professionnels de santé autorisés à refuser de pratiquer une IVG.

De l'aveu général au Sénat, la mobilisation constante des associations et des parlementaires engagés pour la réforme, comme la pression exercée parfois par l'entourage familial, ont fait basculer certains élus dans le camp du « pour ». Plus de 70 sénateurs LR ont ainsi soutenu le texte, alors qu'ils n'étaient que 16 lors d'un précédent vote sur le sujet en février 2023. 

Plusieurs rassemblements pro- et anti-constitutionnalisation ont d'ailleurs eu lieu mercredi aux alentours du Sénat, regroupant une centaine de personnes.

L'inscription de l'IVG dans une Constitution est unique ou presque dans le monde, même si la Slovénie y fait indirectement référence dans son texte suprême, comme l'ex-Yougoslavie au XXe siècle. 
 

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