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Édition du mardi 14 octobre 2025
Outre-mer

Investissements en Outre-mer : les collectivités doivent être « mieux associées », selon un rapport sénatorial

Deux sénateurs font une série de recommandations pour améliorer l'investissement dans les territoires ultramarins. Les faiblesses des contrats convergence et de transformation – qui ont remplacés les contrats de plan État-régions depuis 2019 – sont une nouvelle fois pointées du doigt.

Par A.W.

Comment mieux soutenir le développement économique des territoires ultra-marins ? Dans un rapport publié récemment, les sénateurs de La Réunion et de Guyane, Stéphane Fouassin et Georges Patient, ont mené un travail de contrôle budgétaire sur les dispositifs de l’État visant à soutenir l'investissement local ultramarin, dans lequel ils formulent une dizaine de recommandations visant à « mieux associer les collectivités »  aux décisions de subvention et à « faciliter le recours »  aux dispositifs de soutien à l'ingénierie locale.

Devant « l’impératif fort de convergence économique »  de leurs territoires, les collectivités locales ultramarines consacrent ainsi en moyenne 1 519 euros par habitant à l'investissement, contre 1 155 euros dans l'Hexagone. Des dépenses d’investissements des départements et régions d’outre-mer (Drom) « particulièrement élevées »  qui se répartissent entre les régions (822,5 euros), le bloc communal (622 euros) et les départements (75 euros). 

Un « soutien réel »  de l’État

Si les territoires ultramarins sont soumis à « des besoins forts d’investissements », les deux rapporteurs spéciaux de la mission Outre-mer rappellent que « les collectivités ne peuvent [y] répondre seules, sans un soutien spécifique de l’État, au vu des contraintes économiques et géographiques qui pèsent sur elles ».

Celles-ci sont ainsi soumises à « des contraintes fortes »  en termes de recettes, en raison du coût élevé de la vie et des charges de personnel dues aux rémunérations spécifiques attachées aux fonctionnaires ultramarins. Le taux d’épargne brute du bloc communal est ainsi, en moyenne, de 11,7 % en outre-mer, alors qu’il est de 16,3 % dans l’Hexagone.

Sur ce point, Stéphane Fouassin et Georges Patient reconnaissent le « soutien réel »  de l’État à l’investissement ultramarin, celui-ci consacrant près de 862 millions d'euros chaque année via des outils spécifiques à l'Outre-mer. Parmi eux, on retrouve le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) qui a été doté de 102 millions d'euros en 2025 et apporte une aide financière de l’État sur les équipements publics collectifs. Les deux sénateurs estiment que les préconisations d’un rapport de 2022 qui lui était consacré – et qui recommandait d’améliorer sa gouvernance – sont toujours d’actualité et doivent encore être mises en œuvre.

Autre outil spécifique, l'Agence française de développement qui a accordé plus de 540 millions d'euros de prêts aux collectivités ultramarines en 2024 pour des projets qui répondent à des critères d’impact social et environnemental, via un système de bonification des prêts de 38,1 millions d'euros. En outre, les contrats de convergence et de transformation (CTT) – qui ont remplacé à partir de 2019 les contrats de plan État-Région – ont permis de mobiliser 4 milliards d'euros entre 2019 et 2023, grâce à la première génération de ces dispositifs financés à 60 % par l'État et dont près de la moitié des crédits ont été consommés à l'issue de la période. 

« Très faible marge de manœuvre »  des collectivités

Bien que ces dispositifs soient « pertinents »  aux yeux des deux rapporteurs, ceux-ci estiment que « l'État associe trop peu les collectivités locales au choix des projets soutenus »  puisqu’une « très faible marge de manœuvre »  est laissée aux collectivités locales dans la négociation des priorités et des projets financés.

« Si un plan de convergence a été défini en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion, aucun n’a été signé à Mayotte et en Guyane, ainsi que dans les collectivités d’outre-mer », déplorent-ils, jugeant cette situation « regrettable », alors même que les collectivités sont « les mieux à même de déterminer les investissements les plus prioritaires sur leur territoire ». 

Ils suggèrent donc de définir « un véritable projet de convergence porté par les collectivités locales pour chaque territoire ultramarin comportant un nombre limité de priorités structurantes d’investissement »  dans les CTT. Et les rapporteurs d’insister sur le fait qu’il est « très difficile de faire aboutir un projet en l’absence de portage politique local ». 

De plus, ils proposent de revoir le pilotage des projets pour que la concertation entre les acteurs soit « plus régulière, à tous les niveaux ». Devant la multiplicité des dispositifs de soutien à l’ingénierie locale existants, les deux sénateurs recommandent, par ailleurs, de mettre en place « un guichet unique d’ingénierie »  ou une « cellule ingénierie », comme c’est le cas au sein de la préfecture de Guadeloupe. « L’objectif est de centraliser à la préfecture toutes les demandes d’aide en ingénierie locale et de les transmettre aux acteurs compétents pour le compte des collectivités », expliquent-ils.

Des contrats de convergence « déséquilibrés » 

Stéphane Fouassin et Georges Patient critiquent également la répartition géographique des contrats de convergence qu’ils jugent « déséquilibrée ». « Les montants investis par habitant en Guyane, de 1 702 euros en moyenne entre 2019 et 2023, et de 1 949 euros entre 2024 et 2027, sont étonnamment bas, au vu des enjeux importants en termes d’investissement de ce territoire soumis à des contraintes géographiques très fortes », font-ils valoir.

Sans compter que les crédits dédiés restent encore « insuffisamment consommés ». Si le taux d’engagement se situe à « un niveau honorable »  (76,6 % à la fin 2023) sur la période 2019 à 2023, il en est autrement du taux de consommation qui « n’est que de 48,6 % ». Avec, toutefois, une grande variabilité puisque la Martinique a le taux de consommation des crédits le plus faible avec à peine 27 %, tandis que Wallis-et-Futuna se distingue avec des niveaux culminant à plus de 96 %.

Une situation qui peut s’expliquer par « l’ampleur des travaux d’infrastructures engagés », souvent des constructions lourdes, des ponts ou des routes, dont « la réalisation nécessite de nombreuses années », assurent les sénateurs qui pointent aussi plusieurs « obstacles conjoncturels »  (« signature tardive des contrats », « crise sanitaire », « l’engagement des crédits du plan de relance en priorité »  ainsi que « les mouvements sociaux de fin d’année 2021 » ).

Ils notent aussi d’« importantes difficultés structurelles », telles que la gestion d’un grand nombre d’opérations, la « pluralité des sources de financements »  au sein de l’État même, le « manque de maturité »  de certains projets ou encore « le défaut de structuration et d’organisation de l’ingénierie publique pour la réalisation des opérations, en particulier dans les collectivités territoriales ». 

Les sénateurs de La Réunion et de Guyane ne sont pas d’ailleurs les seuls à blâmer ces contrats puisque la Cour des comptes les a sévèrement critiqués cet été. Selon les magistrats financiers, les CTT ont « hérité des faiblesses »  des contrats de plan État-régions qu'ils ont remplacés depuis 2019, « sans amélioration significative ». Et ce malgré l'augmentation des crédits. Selon eux, ils s’apparentent à des « catalogues d’orientations »  et ont un pilotage déficient.

Consulter le rapport.
 

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