Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 5 avril 2023
Incendie et secours

Feux de forêt : les sénateurs proposent de renforcer les obligations légales de débroussaillement

Le Sénat a adopté hier, en première lecture, une proposition de loi ambitieuse sur la lutte contre les feux de forêt, qui renforce en particulier les obligations légales de débroussaillement. Le gouvernement la soutient, en partie. Explications.

Par Franck Lemarc

Tirer les leçons des « feux hors-normes »  de l’été 2022, pour éviter que la situation se reproduise l’été prochain, dans un contexte où l’hiver particulièrement sec suscite les plus grandes craintes. C’est l’objectif des auteurs de cette proposition de loi, quatre sénateurs particulièrement au fait de ces enjeux puisqu’ils sont les auteurs du rapport sénatorial d’information sur les feux de forêt paru en août dernier. 

« Stratégie nationale » 

Ce rapport formulait 70 recommandations. La proposition de loi des sénateurs Bacci, Loisiers, Martin et Rietmann reprend une partie de ces recommandations pour les traduire dans le droit. Avec la volonté d’agir sur plusieurs fronts : améliorer la prévention, renforcer les obligations légales de débroussaillement (OLD), et modifier les règles de gestion de l’espace forestier. 

Le constat est partagé par tous : le réchauffement climatique va aggraver très fortement le risque incendie, non seulement en été même y compris le reste de l’année – plusieurs feux importants ont éclaté ces derniers jours, par exemple, dans le Var, les Alpes-Maritimes et la Drôme. Désormais, comme l’a déclaré le président de la Fédération des sapeurs-pompiers de France lors d’une audition, « la saison des feux, c’est toute l’année ». 

Le texte proposé par les sénateurs prévoit donc de « renforcer tous azimuts la prévention des feux de forêt », en commençant par établir « une stratégie nationale », interministérielle. Cette stratégie serait élaborée avec tous les acteurs – État, ONF, Centre national de la propriété forestière, sapeurs-pompiers et sécurité civile, collectivités territoriales. Le texte prévoit également que dans les départements concernés par le risque incendie de forêt, les préfets arrêtent « un plan de protection des forêts contre l’incendie », sur le long terme (dix ans). 

OLD renforcées

Tout le titre II de la proposition de loi est consacré à « la régulation des interfaces forêts/zones urbaines ». Plusieurs dispositions concernent les OLD (obligations légales de débroussaillement), obligations qui, rappelons-le, viennent de faire l’objet d’une campagne de communication du gouvernement (lire Maire info du 15 mars). 

Premièrement, le texte propose de rendre obligatoire l’indication par les communes des « périmètres des terrains concernés par les OLD (…) sur un ou plusieurs documents graphiques », et d’annexer ceux-ci au PLU ou à la carte communale. 

Une autre disposition prévoit de « faire peser l’évacuation des rémanents d’exploitation issus de la coupe de bois d’un propriétaire forestier sur le propriétaire de la parcelle, dans les cas où cette parcelle se trouve dans les périmètres où les OLD sont applicables ». La question des campings est également abordée : le gestionnaire du camping deviendrait responsable de l’OLD même si le camping se trouve sur plusieurs propriétés distinctes. Les campings devraient être débroussaillés « sur l’ensemble de leur périphérie sur une profondeur de 50 mètres », distance que le maire pourrait porter à 100 m. 

L’une des dispositions les plus importantes du texte consiste à conditionner le droit de mutation d’un terrain au respect des OLD. Par ailleurs, le texte prévoit – ce qui semble de bon sens – d’intégrer les OLD aux informations des acquéreurs et des locataires (IAL), au même titre par exemple que les risques naturels ou les informations sur la performance énergétique. 

Autre mesure : l’amende administrative en cas de non-respect des OLD ne peut, aujourd’hui, être prononcée par le préfet que sur saisine formelle du maire. La proposition de loi dispose que cette saisine ne serait plus obligatoire, afin d’accélérer la mise en œuvre de cette procédure. 

Il serait également instauré un crédit d’impôt « au titre des dépenses engagées pour des travaux réalisés en application des OLD ». Ce crédit d’impôt serait de 50 % des dépenses effectivement supportées, dans la limite de 2 000 euros. Le texte prévoit aussi la création d’une franchise supplémentaire de 10 000 euros, en cas d’incendie, appliquée par l’assureur si l’assuré ne s’est pas conformé aux obligations de débroussaillement. 

Gestion de la forêt : le gouvernement s’oppose

D’autres mesures concernent « les plans de prévention des risques naturels prévisibles en matière d’incendie de forêt », qui deviendraient obligatoires dans des communes définies par arrêté ministériel. L’État se verrait, lui obligé de fournir aux communes à risque « une carte d’aléa permettant de cartographier, à l’échelle des communes, les zones à risques ». 

Une autre partie du texte concerne la gestion de la forêt. Les auteurs du texte souhaitent notamment promouvoir une sylviculture « compatible avec la résilience des forêts face au risque incendie ». 

Cette partie du texte, néanmoins, pourrait ne pas survivre à la navette parlementaire. En effet, au moment du vote du texte, hier au Sénat, la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, a indiqué la position du gouvernement : oui à tout ce qui, dans le texte, concerne la prévention, notamment les mesures sur les OLD, jugées « efficaces et de bon sens », oui aussi à la stratégie nationale interministérielle… mais non au reste : « Le gouvernement souhaite que la loi traite uniquement de la prévention, et non de la gestion de l'espace forestier. »  Cette position sera logiquement reprise par la majorité à l’Assemblée nationale, ce qui pourrait sonner le glas de toute la partie du texte consacrée à la gestion forestière. 

Ce texte, adopté à l’unanimité par le Sénat, va maintenant partir à l’Assemblée nationale, doté par le gouvernement de la procédure d’urgence. On ignore pour l’instant à quelle date il sera examiné par les députés. 

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