20 ans après la loi handicap, où en est-on dans les communes ?
Par Lucile Bonnin
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat a organisé hier deux tables rondes sur les initiatives des collectivités en matière de handicap invitant des élus locaux à témoigner ainsi que les associations d’élus (AMF, Départements de France et Régions de France) et le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
Ces travaux interviennent alors que l’on célèbre cette année les 20 ans de la loi de février 2005, « grande loi structurante sur le handicap », comme la qualifiait le président de l’AMF David Lisnard lors du dernier congrès des maires. Le Sénat organisera par ailleurs un colloque le 11 février prochain afin de « dresser un bilan autour de l’insertion des personnes porteuses de handicap et mettre en valeur les bonnes pratiques », a indiqué hier en préambule des échanges le président de la délégation Bernard Delcros.
École, emploi, dispositifs participatifs : les communes en action
« La loi ne peut pas tout, il faut un volontarisme politique et mettre en place des innovations sur les territoires » , indique Matthieu Annereau, président fondateur de l’Association nationale pour la Prise en compte du Handicap dans les politiques Publiques et Privées (APHPP), conseiller municipal de Saint-Herblain. D’où l’importance de mettre en lumière et « valoriser les bonnes pratiques ».
Car le champ d’intervention des communes en matière d’inclusion est très large. Il y a bien évidemment un enjeu d’accessibilité et d’aménagement d’espaces publics, des transports et établissements recevant du public. En la matière, les élus interrogés au Sénat préconisent de « favoriser l’expertise d’usage des personnes en situation de handicap » en mettant en place par exemple des réunions ou questionnaires en amont des travaux. Il y a aussi un enjeu de citoyenneté sur lequel les communes peuvent agir en veillant par exemple à l’accessibilité du scrutin via la mise en place de formations aux accesseurs et présidents de bureaux de vote. Dans la commune de Caluire-et-Cuire, des personnes atteintes de handicap mental ont participé à la tenue des bureaux de vote par exemple.
La commune a aussi un rôle à jouer en tant qu’employeur. Pour rappel, « le nombre d'agents bénéficiaires de l'obligation d'emploi doit représenter 6 % de l'effectif global de l'administration employeur concernée. » En 2023, 6,89% des agents territoriaux étaient bénéficiaires du dispositif d'insertion professionnelle et de maintien dans l'emploi. La commune de Naveil (Loir-et-Cher), comme le raconte sa maire Magali Marty, a par exemple accueilli un apprenti atteint d’autisme au service espaces verts. Une expérience qui a particulièrement bien fonctionné grâce notamment à l’envie des 25 agents de la commune de s’investir à ses côtés.
Mais comme l’a souligné très justement Isabelle Assih, maire de Quimper et référente Handicap et Accessibilité de l'AMF, c’est surtout l’école « qui permet d’agir profondément sur une meilleure autonomie » . A Naveil, commune de 2 500 habitants, « un gros travail d’accueil d’enfants autistes dans nos écoles » a été mené. En 2020, il y a eu l’ouverture d’une classe ouverte aux enfants autistes en maternelle appelée « classe bleue » puis, en 2023 une autre classe ouverte à plusieurs types de handicaps a été inaugurée en élémentaire, la « classe arc-en-ciel ». Une unité d'enseignement élémentaire autisme (UEEA) devrait également ouvrir à la rentrée prochaine. « C’est une fierté communale » , résume la maire de la commune.
Il a cependant été souligné que toutes les communes n’ont pas les mêmes moyens. Xavier Odo, maire de Grigny-sur-Rhône et référent Handicap et Accessibilité de l'AMF, a souligné que « la loi du 11 février a été un catalyseur du changement des mentalités » mais que « sa mise en place prend du temps de par la complexité des 35 00 communes en France qui sont diverses » . « Certaines ont des budgets conséquents mais doivent gérer un patrimoine très important tandis que d’autres se posent voient leurs derniers commerces se fermer » , nuance le maire. Les compétences des élus sont aussi différentes et Isabelle Assih rappelle dans ce cadre l’importance de « la coopération entre communes à l’échelle de l’EPCI ».
Bilan mitigé, manque d’ambition de la part de l’État
Pour Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), « le bilan est plutôt mitigé, nous sommes encore très loin de la mise en œuvre complète des obligations fixées en 2005. » Il indique par ailleurs qu’une « nouvelle période » s’ouvre cette année avec la fin des délais supplémentaires accordés dans le cadre des agendas d’accessibilité programmée. Depuis septembre dernier, « tous les acteurs sont dans la même situation face à la loi et les établissements non accessibles sont hors la loi » . Selon lui, le temps des sanctions est venu.
Par ailleurs, le président du CNCPH s’est interrogé : « Comment faire pour rattraper le retard sur les établissements pas aux normes ? » Très vite la question de la volonté de l’État a été abordée : « Quand la France choisit des priorités, elle sait être au rendez-vous » , remarque-t-il prenant les exemples de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024 et surtout de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris qui a été réalisée en un temps record. Il souhaite ainsi un plan « Notre-Dame de l’accessibilité » pour la période 2025-2027.
En 2023, à l’issue de la Conférence nationale du handicap, les associations d’élus avaient signé une charte d’engagement avec l’État pour « aller vers l’école pour tous », « encourager l’accès à l’emploi », « faire de l’accessibilité une priorité nationale » et « garantir l’accompagnement partout et pour tous » . La CNCPH demande que cette charte fasse « l’objet d’un suivi rapproché » et que l’État accompagne davantage les collectivités « y compris en termes de méthode et d’accès à l’information ». Son président regrette notamment le peu de dossiers déposés pour le fonds territorial d’accessibilité qui vise à soutenir la mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP) privés de catégorie 5 (commerces, hôtels, pharmacie, cabinets médicaux…). Davantage de lumière doit être mise sur ces sujets primordiaux pour garantir le bien vivre ensemble au sein des territoires.
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