Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 16 juillet 2020
Gouvernement

Jean Castex : deux D sur trois

Après une intervention du président de la République, mardi, sans aucune référence aux collectivités territoriales, le Premier ministre était attendu, lors de son discours de politique générale, hier, sur ce sujet. S’il a maintes fois fait référence aux « territoires »  et annoncé plusieurs initiatives qui concerneront les directement les collectivités, Jean Castex a confirmé – en n’en parlant pas – qu’il n’y aura pas de grande loi de décentralisation.

Services déconcentrés
On connaît les « 3 D »  chers à Jacqueline Gourault – c’est le surnom qui a été donné à un projet de loi un moment évoqué : décentralisation, déconcentration et différenciation. De déconcentration, il a bien été question dans le discours du Premier ministre hier ; de différenciation, un peu aussi. La décentralisation, elle, a certes été évoquée, mais d’un mot, comme en passant, si vite que cela ressemblait presque à un exercice obligé : « La confiance dans les territoires (…) passe également par une nouvelle étape de la décentralisation. »  Fermez le ban, on n’en saura pas plus, ni sur le contenu de cette « nouvelle étape »  ni sur le calendrier. Ce qui laisse à penser, pour le moins, que celle-ci n’est certainement pas une priorité pour le nouveau gouvernement. 
Jean Castex a été, en revanche, plus précis sur ce qui concerne la déconcentration et ce qu’il a appelé « une évolution profonde de l’organisation interne de l’État », afin de rendre « plus cohérente et efficace l’organisation territoriale de l’État, en particulier au niveau du département ». Il a annoncé que « toutes les créations d’emplois qui seront autorisées par le PLF 2021 seront affectées, sauf exception justifiée, dans les services départementaux de l’État et aucun dans les administrations centrales ». Dans la même veine, le Premier ministre a revendiqué la paternité du concept de « couple maire-préfet »  mis en avant au moment du déconfinement (lire Maire info du 20 avril), et considère visiblement que ce « couple »  a vocation à être renforcé. 
Jean Castex a également évoqué le « droit à la différenciation », qui fera l’objet d’une loi organique – celle-ci est, à cette heure, entre les mains du Conseil d’État. 

Des confirmations plus que des annonces
On ne peut, ceci dit, pas reprocher au Premier ministre d’avoir oublié les « territoires »  dans son discours : en une heure, le mot a été prononcé pas moins de 25 fois. « Libérer les territoires », « réarmer les territoires », « investir dans les territoires », « faire confiance aux territoires », sont autant d’expressions fortes utilisées par Jean Castex. Mais au-delà de ces expressions, il n’y a finalement eu que peu d’annonces nouvelles : le chef du gouvernement a surtout confirmé des orientations déjà annoncées, ou demandé l’accélération de dispositifs en cours. 
« Nous allons soutenir les investissements des collectivités territoriales orientées vers le développement durable et l’aménagement du territoire », a par exemple déclaré Jean Castex. Le précédent gouvernement avait déjà annoncé une augmentation d’un milliard d’euros de la Dsil, la dotation consacrée à l’investissement local. L’ancien maire de Prades a toutefois précisé quelles seraient les priorités de fléchage de ces soutiens à l’investissement : « Nous accélérerons en particulier tous les projets sur les réseaux qui permettent de structurer et de développer nos territoires : déploiement du très haut débit, modernisation des réseaux d’eau et d’assainissement, sauvegarde des petites lignes ferroviaires. » 
Parmi les programmes qui seront « accélérés », le Premier ministre a évoqué l’agenda rural, le programme Petites villes de demain et les plans de rénovation urbaine dans les quartiers prioritaires : « d’ici la fin 2021 », a-t-il exigé, les travaux devront avoir commencé dans 300 quartiers sur 450. 

Nouveaux « contrats de développement écologiques » 
Dans une veine plus proche des propos du président de la République, la veille, le Premier ministre a insisté sur le lien que son gouvernement entend créer entre écologie et relance économique. « Le plan de relance sera un accélérateur puissant de la transition écologique. (…) L’écologie doit être créatrice de richesses. Nous pouvons redevenir une grande Nation industrielle grâce et par l’écologie. »  Jean Castex a confirmé que « 20 milliards d’euros »  du plan de relance seront consacrés à des investissements écologiques, parmi lesquels la rénovation thermique des bâtiments, la réduction des émissions dans les transports et l’industrie, l’alimentation durable, la lutte contre le gaspillage. Des montants « significatifs et inégalés »  (mais on ne sait pas lesquels) sont prévus pour « un plan vélo très ambitieux et contractualisé avec les collectivités territoriales », afin que le vélo se développe « dans toutes les villes et les villages de France ». 
Autre confirmation – celle de mesures déjà validées par le président de la République en recevant le rapport de la Convention citoyenne pour le climat : il y aura bien un moratoire sur l’installation de nouveaux projets de centres commerciaux dans les zones périurbaines. 
Il y a lieu de davantage s’interroger sur une autre annonce de Jean Castex : la généralisation des « contrats de développement écologiques », qui devraient devenir obligatoires pour « tous les territoires »  fin 2021. Peu de précision sur ces contrats, dont l’État sera « partenaire et financeur ». On notera le glissement sémantique entre les « contrats de transition écologique », déjà en vigueur, et ces nouveaux contrats de « développement »  écologique, plus conformes à la vision du Premier ministre qui a dit hier, devant les députés, « croire en la croissance écologique, pas à la décroissance verte ». 
Les contrats de transition écologique existent depuis 2019, sans rencontrer pour l’instant de succès extraordinaire : à peine une centaine d’EPCI s’y sont engagés à ce jour. C’est peut-être la raison pour laquelle le gouvernement veut rendre la démarche obligatoire. Ces contrats devront prendre la forme de « plans d’action »  avec des objectifs « concrets, chiffrés, mesurables », sur des sujets allant « des pistes cyclables à la lutte contre l’artificialisation des sols, de l’équipement des toitures photovoltaïques à la promotion du tri sélectif, de la lutte contre les gaspillages à la promotion des énergies renouvelables, du nettoiement des rivières aux économies d’eau, d’énergie et d’éclairage public ». Va-t-on revenir aux Agendas 21 mis en place par le Grenelle de l’environnement ? Du point de vue des associations d’élus qui avaient promu ceux-ci en 2010, cela représenterait une avancée par rapport aux contrats de transition énergétique. 

Un acte II du Ségur ?
Derniers aspects notables de la déclaration de politique générale de Jean Castex : la confirmation, dans le cadre de la lutte contre le chômage des jeunes, de « 300 000 parcours et contrats d’insertion », dont on se demande aujourd’hui s’ils signifient le retour des contrats aidés, réclamé de longue date par les associations d’élus, et dont le gouvernement d’Édouard Philippe avait pourtant exclu la reconduction. Par ailleurs, une petite phrase retiendra forcément l’attention des élus : le Premier ministre a affirmé que l’un des objectifs du gouvernement, en matière de santé, était « d’impliquer davantage les élus des territoires à la gestion du système de santé ». On sait qu’il s’agit là d’une revendication constante des associations d’élus, et en particulier de l’AMF, depuis la suppression des conseils d’administration des hôpitaux en 2009. La gouvernance du système de santé a été le grand absent du Ségur de la santé qui, s’il a abouti à des résultats tangibles en matière de rémunération des personnels soignants, a totalement laissé de côté ce sujet. Y aura-t-il un « acte II »  du Ségur qui se penchera sur ces questions ? L’intervention du Premier ministre peut le laisser croire. 
Enfin, le Premier ministre a annoncé le rétablissement à venir des juges de proximité, « affectés à la répression des incivilités du quotidien ». Il a également confirmé qu’un « projet de loi contre les séparatismes »  serait présenté « à la rentrée », pour « éviter que certains groupes ne se referment autour d’appartenances ethniques ou religieuses ».

Franck Lemarc

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