Formation du gouvernement, négociations sociales : pas de sortie de l'impasse en vue
Par Franck Lemarc

Il est difficile, une quinzaine de jours après la nomination du nouveau Premier ministre, de définir « la méthode Lecornu ». L’ancien ministre des Armées n’a fait presque aucun déplacement sur le terrain et, contrairement à son prédécesseur qui avait saturé les médias avant sa démission, aucune apparition sur le moindre plateau télévision depuis sa nomination.
Sébastien Lecornu communique par voie de communiqués de presse – il en publie presque un par jour, par exemple, avant-hier, pour annoncer le gel des dépenses de communication des ministères – et par courrier envoyés à ses interlocuteurs, aux maires, aux associations d’élus, aux parlementaires… Quant à ses rencontres avec différentes forces politiques, elles sont plus ou moins au point mort : une seule rencontre cette semaine, qui a eu lieu avant-hier, avec « les chefs de parti du socle commun ». Sauf à penser que des rencontres ont lieu en coulisse, sans communication, la situation donne l’impression d’être totalement bloquée. D’ailleurs, l’agenda officiel de Sébastien Lecornu est étonnement peu rempli : trois rendez-vous, en tout et pour tout, entre lundi dernier et vendredi.
Gagner du temps ?
Parmi ces rendez-vous, une rencontre hier avec l’intersyndicale, répondant à « l’ultimatum » posé par celle-ci vendredi dernier : les confédérations avaient donné jusqu’à ce mercredi 24 septembre au Premier ministre pour « répondre à l’ensemble de (leurs) revendications », dont, notamment, l’abrogation pure et simple de la réforme des retraites. Le tout donnant une curieuse impression de jeu de dupes – il est peu probable que quiconque, au sein de l’intersyndicale, ait sérieusement cru que Sébastien Lecornu pût, en cinq jours, renoncer à une réforme qui est l’un des socles du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron.
Sans surprise, l’intersyndicale est sortie de Matignon « sans avoir obtenu aucune réponse », et a donc programmé une nouvelle journée de mobilisation pour le jeudi 2 octobre. Les organisations patronales, de leur côté, se sont félicitées hier que le Premier ministre n’ait pas cédé à l’intersyndicale et « ne renonce pas à la politique de l’offre ».
Peu après l’annonce par l’intersyndicale d’une nouvelle mobilisation, Sébastien Lecornu a fait savoir, toujours par communiqué, qu’il souhaitait « rencontrer à nouveau » celle-ci « dans les prochains jours », sans préciser ce qu’il aurait à leur dire de plus que lors de la rencontre d’hier. Sophie Binet, pour la CGT, a d'ores et déjà décliné cette invitation, déclarant qu'elle n'avait pas « de temps à perdre ». Il annonce, dans ce communiqué, son intention de demander aux partenaires sociaux – syndicats salariés et patronaux – « une contribution sur cinq thématiques » : financement de la protection sociale, réindustrialisation et souveraineté économique, conditions de travail et vie au travail, renforcement du paritarisme et modernisation du marché du travail.
Sébastien Lecornu assure aux partenaires sociaux qu’il n’a pas l’intention de « passer en force », voulant apparemment marquer une rupture avec son prédécesseur François Bayrou qui, en juillet, avait annoncé que les mesures de simplification demandées par les entreprises seraient prises dès l’automne par ordonnance.
S’agit-il, pour le Premier ministre, d’une véritable volonté de négocier, ou plus prosaïquement d’une tentative de gagner du temps ? Il est bien difficile de le dire aujourd’hui, tant ses intentions paraissent floues. Sébastien Lecornu a reconnu auprès de ses interlocuteurs, hier, selon plusieurs témoignages, être le Premier ministre « le plus faible de la Ve République » – ne faisant évidemment pas allusion à son caractère personnel mais à sa position politique. Ce constat est lucide : non seulement Sébastien Lecornu ne dispose pas de majorité à l’Assemblée nationale, mais il doit de surcroît faire face à une attitude décomplexée du RN et du Parti socialiste, qui, contrairement à leur attitude à la prise de fonction de François Bayrou, ne semblent prêts à aucun compromis. Sans compter une situation sociale qui se tend – ce à quoi n’avaient pas été confrontés Michel Barnier ni François Bayrou.
Décentralisation
C’est également une « contribution » que le Premier ministre a demandée, en fin de semaine dernière, aux associations d’élus, d’ici au 31 octobre. Dans un nouveau courrier adressé aux présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, aux présidents des délégations aux collectivités territoriales des deux chambres, aux présidents de conseils régionaux et départementaux et aux associations d’élus, il dit vouloir « s’appuyer sur leurs propositions » pour élaborer le projet de loi de décentralisation qu’il veut porter. Il propose notamment de réfléchir à des transferts de compétences permettant de « répondre aux besoins de nos concitoyens » notamment dans les champs « de l’offre de soins de proximité, des politiques environnementales, de l’urbanisme et du logement » ou encore « des transports et de la mobilité ».
Autant de bonnes intentions qui ne font pas oublier aux associations d’élus que pour elles, la question des moyens financiers dont elles disposent est bien plus urgente que de nouveaux transferts de compétences. Elles considèrent, pour la plupart d'entre elles, que cette question des moyens est un préalable à toute discussion sur des transferts de compétence... alors que ce sujet, pour l'instant, est soigneusement évité par Sébastien Lecornu dans sa communication, et que rien ne filtre sur ses intentions en matière budgétaire.
Quoi qu'il en soit, le « grand acte de décentralisation » voulu par le Premier ministre, pour intéressant qu'il soit, a hélas de très fortes chances d’en rester aux déclarations d’intention. Même si le projet de loi évoqué par Sébastien Lecornu doit être présenté dès l’automne – c’est ce qu’il a promis en tout cas – il ne pourra être débattu qu’après l’adoption du projet de loi de finances. Et les chances que le futur gouvernement Lecornu soit encore aux affaires après ce débat budgétaire semblent aujourd’hui bien minces.
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